mercredi 14 avril 2010, par
Non, pas la guerre
La musique est faite de rencontres et je tenais à vous signaler que je connais les membres de Cecilia::Eyes. Comme ça, vous savez comment aborder l’article qui suit. J’ai déjà aussi longuement expliqué le caractère compliqué d’une critique de post-rock. Parce que le ressenti est bien plus marquant, et parce que les différences entre les groupes peuvent être assez subtiles à discerner. Ca ressemble à un appel à l’indulgence, non ?
Cet album est prévu depuis longue date. Enfin, plus précisément, il y a près d’un an que certaines compositions ont été jouées pour la première fois lors d’un concert consacré à leur label dépôt 214. J’ai aussi l’impression que la sensation d’écoute de ces morceaux en live et sur cd est un peu différente. Parce que c’est lors d’un showcase que j’ai découvert ces nouvelles productions. Il y a des photos sur picasa si les images de musiciens vous amusent.
Sur le premier EP et le premier album Mountaintops Are Sometimes Closer To The Moon, certains groupes de post-rock pouvaient leur être rapprochés, comme Explosions In The Sky ou Mono. Dans leur veine mélodique, il y avait un Too Late For A Porn Movie qui était une incontestable réussite dont je ne me lasse pas. Ils ont donc indéniablement évolué, trouvé une voie qui mise plus sur les textures et les ambiances que sur la mélancolie des lignes mélodiques. Les guitares sont moins violentes quand elles déchirent l’air, montrant une maîtrise supérieure. Même s’il y a du défoulement dans les déflagrations de No prayers, No Bells, No Homeland ou For The Fallen.
Le thème court qui intervient comme une mélopée lancinante de Like Wolves installe d’emblée un climat de mélancolie romantique. Le romantisme étant à prendre ici dans l’acception originelle, celle des torturés allemands. Allez voir une toile de Caspar Friedrich si vous voulez un support visuel. Parce que cette musique est faite d’évocations, de sensations.
Outre l’apport d’un nouveau musicien qui a amené son laptop en sus de sa guitare. Plus présent est le clavier (joué par le batteur) dont le contenu mélodique est indéniable sur la seconde moitié de l’album. On a ainsi droit à un très bon The Departure qui évite tous les pièges du joli pour être intense.
Comme l’évoquait Kundera dans La Lenteur, il faut distinguer le chemin et la route. Si la seconde n’attache d’importance qu’aux points de départ et d’arrivée, le premier a surtout de l’intérêt pour le parcours. Donc on n’attend pas comme au tour de France que les étapes de plaine passent et que la montagne arrive.
Pourtant il reste des morceaux de facture plus classique comme Four Lost Soldiers. Mais on se laisse aller parce qu’on est là pour ça, que cette musique est paradoxalement riche de ses poncifs. C’est comme la musique dance, si ça vous fait danser la mission est accomplie. Ici, si vous accompagnez ces paroxysmes, c’est qu’elle est réussie.
A l’instar de Godspeed You ! Black Emperor en son temps, il s’agit de musique instrumentale mais un peu engagée. Le thème général serait un antimilitarisme qu’on retrouve à travers le choix des titres. Celui de l’album tout d’abord, tiré d’un poème de A E Housman (je l’ai trouvé pour vous),et puis de tous les morceaux. Anthem For Doomed Youth, lu à l’entame du morceau du même nom est aussi un bel exemple de poésie de la première guerre mondiale. Fifty Years Under The Tent ne serait d’ailleurs pas une ode au scoutisme mais évoquerait ainsi les camps de réfugiés.
Plus subtil, moins immédiat, plus construit, articulé autour d’un thème et toujours destiné à un public connaisseur, ce second album montre une évolution sensible et une personnalité plus affirmée. Plus atmosphérique et moins immédiat, il convient mieux à ceux qui chérissent les climats sonores qu’aux amateurs d’adrénaline pure.
http://www.ceciliaeyes.be/
http://www.myspace.com/ceciliaeyes
http://www.depot214.com
Ce qui est rare est précieux. Et dans un contexte musical où le post-rock se raréfie, les plaisirs que confèrent une formation comme Mono ne sont pas reproductibes par d’autres genres et deviennent d’autant plus précieux. Mais cette rareté ne confère pas pour autant le statut de chef-d’œuvre au moindre album du genre, loin s’en faut même.
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