mercredi 24 mars 2010, par
Le coup du lapin
Je ne sais pas très bien comment aborder cette critique. Pour moi, découvrir un nouvel album de Frightened Rabbit est comparable à l’effet modéré que produirait l’annonce de nouveaux Wolf Parade ou New Pornographers. Car les Ecossais font partie de cette frange de groupes indés qui sortent du lot tout en restant globalement confidentiels. Cause ou clause de cette confidentialité – le débat est ouvert – leurs disques n’ont souvent qu’un impact éphémère. J’avais vraiment adoré "The Midnight Organ Fight", le précédent album du lapin farouche, mais je dois bien avouer que je ne l’avais pas réécouté depuis sa sortie en 2008 (chez le chat obèse). Dès lors, c’est avec circonspection que j’accueille son successeur, orné d’une pochette pas franchement splendide. La première écoute me conforte dans l’idée reçue : on comprend bien tout ce que cette musique peut avoir d’aimable, mais on peine à lui trouver des qualités plus franches.
C’est que, là où son prédécesseur – oui, je l’ai réécouté entre-temps – brillait par une légèreté jamais anodine, "The Winter of Mixed Drinks" durcit parfois inutilement le ton. On pense à la transformation subie en leur temps par des groupes irlandais comme les Frames ou Bell X1, évoluant d’une pop tout en nuances vers un rock peu crédible et flirtant dangereusement avec la FM (Nothing Like You). On suppose, persuadé d’être dans le vrai, que Frightened Rabbit a suivi la même voie pour se rapprocher de l’énergie de ses prestations live. Tout le contraire d’un calcul, donc, mais bien une volonté de gagner en spontanéité et en persuasion.
Il ne faudrait cependant pas tirer de conclusions trop hâtives : les écoutes répétées – et au casque de préférence – dévoilent bien des trésors enfouis, comme autant de richesses archéologiques qui échapperaient à la vigilance de ceux qui ne font que passer. Fourmillant d’arrangements discrets – chœurs effacés, cordes et cuivres bien élevés – un morceau comme Swim Until You Can’t See Land voit ainsi sa trame mélodique renforcée sans aller jusqu’à l’asphyxie, et s’affirme au bout du compte comme une belle pièce d’orfèvrerie pop. Aussi, lorsque The Loneliness & the Scream monte en puissance avec un adjuvant éprouvé – les olas de stade – on craint d’abord le pire ; mais l’utilisation appropriée qu’ils en font rapproche davantage ces Britanniques de l’école canadienne que d’un rock hooligan à la Hard-Fi et autres Fratellis.
Le timbre du chanteur Scott Hutchison, en particulier, confirme cette impression. Vraisemblablement importé d’Outre-Atlantique, son organe fait ce grand écart cohérent entre le détachement nasillard de Spencer Krug et l’émotivité surlignée des Counting Crows. Ça donne de fort belles interprétations (The Wrestle, Man/Bag of Sand) comme des moments plus poussifs (Footshooter, tellement calibré pour les radios estudiantines de Seattle qu’il en devient cliché). Au départ, j’avais vis-à-vis de ce "Winter of Mixed Drinks" la même perplexité qu’à l’égard de l’album des Local Natives : c’est indéniablement bon, on le sent, mais l’œuvre doit être creusée et seules des conditions d’écoute optimales peuvent faire apparaître les dorures cachées derrière l’apparente couche de plomb. Cela dit, si cette technique de grattage a pu révéler l’éclat de "Gorilla Manor", je ne parviens pas à me débarrasser ici d’un arrière-goût de toc.
Je suis peut-être de mauvaise, au choix : a) volonté ; b) composition ; c) foi. Toujours est-il que, si ce disque rencontre a priori tous les canons de l’idéal rock contemporain, quelque chose coince manifestement soit au niveau du dosage, soit au niveau de l’intention. On sait d’ailleurs bien de quoi l’enfer est pavé. Et Frightened Rabbit, s’il ne mérite pas non plus d’être voué aux gémonies, a tout bonnement signé un disque à moitié raté – ou réussi, selon notre point de vue sur le verre d’eau – où trop de chansons, à défaut de réelles erreurs de jugement, reflètent en tout cas des lacunes d’inspiration. Un peu comme cette critique, en somme.
Si le Bruxellois d’origine écossaise Dan Barbenel a décidé d’officier sous le nom de Mr Diagonal plutôt que Mr Lignedroite, c’est sans doute parce qu’il sait que son écriture a tendance à prendre la tangente, ce qui nous avait déjà plu. Pour augmenter la confusion, ces enregistrements de morceaux composés depuis 2018 est présenté comme un accompagnement de son one-man-show qui sera présenté à (…)
Kate Nash, Menomena, The Decemberists et maintenant Islands avant bientôt Bright Eyes, il faut se pincer pour ne pas se sentir quinze and en arrière. Mais bon, comme ce sont de bons souvenirs et que tout le monde est dans une forme créative manifeste, on ne va pas bouder son plaisir.
Dans le cas du groupe Canadien, ce n’est pas exactement un retour vu qu’ils sont dans une période plutôt (…)
On ne pourra jamais reprocher à Natasha Kahn d’enchainer des albums identiques. Après le plus synthétique et clairement teinté eighties Lost Girls, la revoici avec un album vaporeux et presque ambient par moments. Peu de morceaux se détachent lors des premières écoutes, ce qui est habituel. Il a par le passé fallu des prestations live pour pleinement appréhender certains albums. Il faut dire (…)
La subversion, en rock, ne passe pas nécessairement par les hurlements et les guitares déchainées. Et une dose de subtilité ou de décalage permet souvent d’obtenir le maximum d’effets. Si on avait attendu le wagon Serfs Up ! pour rattraper le train de Fat White Family, le mélange de morceaux amples, ronds et plaisants et d’un propos plus acide avait énormément plu.
Ce digne successeur (…)