mercredi 14 avril 2010, par
ou les aventures de Mr Constance
Il y avait de quoi être inquiet quant au successeur de Days To Come (2006) Attendu tout au long de 2009, la date de sortie avait finalement été repoussé jusqu’en 2010. Durant toute cette attente, peu de nouvelles, un concert aux nuits botaniques 2009 tout à fait excellent mais sans nouveautés et un single en demi-teinte sorti en octobre ("The Keeper") .
Ce premier single était en somme une suite logique du travail de Simon Green, qui, de Animal Magic à Days To Come, avait petit à petit remplacé les samples par des enregistrements pur jus. L’idée de live était même l’élément prédominant du clip video de The Keeper avec cet astuce de traveling circulaire sans coupure présentant les musiciens intervenant aux divers instruments.
Même si la musique de Bonobo n’est pas du genre nerveuse, ce single était encore plus soft et plus classique dans sa réalisation, chose que l’on peut généralement craindre chez les artistes, le summum de créativité passé. D’autre part essayer de retrouver l’essence de nos références est un défit en soi, et il était ici parfaitement réalisé. On pouvait donc légitimement se poser la question du devenir de la musique de Bonobo, pointera-t-il vers un jazzsoul pur ou nous surprendra-t-il ?
Quid de toutes ces suppositions ? Finalement sorti 4 ans après son excellent et indémodable prédécesseur, Black Sands a bénéficié d’une promo rare pour un album de Ninja Tune, notamment avec cette idée intéressante de lier des morceaux à des prises de vue d’un lac sous différents angles(Derwent Water) Quant à son contenu, il est finalement surprenant du fait d’un apport electro plus soutenu. On a déjà débattu sur l’insipidité dominante des compilations lounge/chill Out, Bonobo y avait toujours apporté sa touche personnelle sans jamais se fondre dans la médiocrité. Ici avec une production plus dancefloor, on peut penser que l’on est sur une pente dangereuse. Cela ne dure que le temps de la première écoute. Le titre "Kiera" par exemple avec son beat soutenu est un musique d’un Bonobo allant à la rencontre de Flying Lotus. 1009, également plus nouveau et dancefloor, avec des accents de cassius, se révèle à l’inverse assez vide. On peut se demander dans quelle mesure ces productions sont liées à celles de son projet dancefloor Barakas qui semble avoir été avorté. Pour autant, Bonobo ne s’est pas dénaturé dans cet album, Kong est un morceau typique sans grande nouveauté, en toute simplicité avec une mélodie extrêmement bien taillée. El Toro en BO d’un film des 70s, d’inspiration funklatino, est quant à lui proche des productions de Quantic sur son ancien label Tru Thoughts. Le classique Bonobo, un univers propre mais inspiré, comme l’on a appris récemment lors d’une interview, Simon Green listait certaines de ses influences et morceaux favoris, en tête apparaissait le morceau Aria composé au début des 70s par Marc Moulin, avec une production actuelle il pourrait très bien se glisser sur un album de Bonobo. Marc Moulin - Aria
Avec Black Sands, Bonobo élargit son inspiration, par la mise en avant d’un héritage gaélique, l’apogée en est le titre final Black Sands qui déploie une émotion profonde et touchante rappelant l’univers de Yann Tiersen.
Comme pour Days to come et ses prédécesseurs, Bonobo attache toujours autant d’importance à la construction de l’album, il ne s’agit pas de morceaux indépendants tapés pelle-melle, mais on a la sensation après quelques écoutes une réelle construction narrative, intro, montée, descente, intensité, calme....
Black Sands vs Days To Come c’est aussi Andreya Triana vs Bajka. Si l’on a aimé la première lors du concert de Bonobo aux nuits botaniques en 2009, il faut bien avouer que sa voix, bien que très belle, est plus classique, dans un esprit Soul bien connu. Bajka, à mons sens, offre une voix plus typée jazz, aux abords plus rêches, mais avec plus de caractère. A ce propos, pour les amateurs des morceaux de Bonobo avec bajka, l’album solo de cette dernière est à conseiller ainsi que la sortie récente de l’album Soundtrack For The Sound Eye de Dalindeo, auquel Bajka prête sa voix sur deux excellents morceaux Dalindeo - Willpower feat. Bajka. Quant à Andreya Triana, également égérie de bien des producteurs en vue, devrait sortir son album solo prochainement, produit par Simon Green sur Ninja Tune .
En bref, le résultat de Black Sands est peut-être bivalent, d’un côté il présente une texture suffisamment différente tout en restant dans les rails, et d’un autre côté on ressent une hésitation quant à la direction musicale. Mais l’objet et le concept dans leur ensemble sont très aboutis et on peut espérer pour Black Sands une vie aussi longue que Days to come, l’avenir nous le dira.
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