mercredi 21 avril 2010, par
Ça part en kermesse
Autant vous le dire tout de go : hormis Photograph, sa splendide cavalcade à tiroirs qui m’a régulièrement accompagné depuis 2006, je n’ai du reste presque jamais réécouté le premier album d’Eagle Seagull. Le groupe du Nebraska y dévoilait des orientations classic rock pas si inconvenantes aux yeux de quiconque aime des groupes comme les Besnard Lakes ou Band of Horses, mais ça rendait hasardeux tout retour nostalgique : quand on a envie de s’enfiler un vieux machin, on s’enfile un machin vieux. On aborde donc avec d’autant plus de réserve ce second ouvrage à la pochette plus flower power que jamais, quelque part entre "Revolver" et l’affiche de "Magnolia".
Et là, c’est la surprise : Eagle Seagull jouerait presque la carte de la modernité ou, s’il se veut nostalgique, alors ce serait des cinq dernières années. You’re the Reason Why I’m Afraid to Die donne le ton en situant clairement le groupe entre deux références du rock épique canadien : Arcade Fire pour le joyeux bordel organisé, Wolf Parade pour le chant. La voix d’Eli Mardock, quand bien même ce n’était pas si évident par le passé, présente des similitudes troublantes avec celle de Spencer Krug. Question de timbre ou d’inflexion, difficile à dire, mais ça met l’amateur des combos précités en territoire connu, et donc en confiance.
Quelqu’un a dû dire à Mardock qu’il adorait le titre Your Beauty Is A Knife I Turn On My Throat du premier album, parce que le leader – qui signe tous les morceaux et n’en partage qu’épisodiquement – est devenu maniaque des titres à rallonge. La seconde chanson de "The Year of the How-To Book" s’appelle donc I’m Sorry, But I’m Beginning to Hate Your Face, et elle reste fidèle au credo du groupe : rythmique surlignée, apaisement traître, explosion de grave allégresse servie par chœurs et violons. Difficile de ne pas leur concéder un sacré savoir-faire. Surtout que la troisième plage, You Can’t Call Yourself A Secret, prend les certitudes à rebrousse-poil en s’appuyant sur une structure héritée des eighties néo-romantiques, mais triturée façon rustique : c’est XTC à la guinguette !
Les bonnes surprises se succèdent ainsi sans se ressembler : les étourdissantes phrases musicales qui servent de refrains à I Don’t Know If People Have Hated Me But I Have Hated People ou à la chanson-titre ; la grâce totalement aérienne de We Move Like Turtles Might et de I Don’t Know If This Is Ignorance or Tanscendence ; et d’autres échauffourées entre post-punk et kermesse, comme ce 20,000 Light Years qui défile tel un brûlot d’Alamo Race Track pour se finir sur une valse musette. Certes, l’album est long, mais la qualité ne faiblit jamais – et sûrement pas à la fin.
Sur I Don’t Believe in Wars But I Do Believe in Uniforms, Eagle Seagull touche à cette forme de perfection vaporeuse qu’on ne rencontre guère que chez Get Well Soon. The Coming of the Plague s’offre même le luxe de battre Wolf Parade sur son propre terrain, étant donné la richesse instrumentale inestimable que prodigue la géométrie étendue du line-up – pourtant amputé de deux membres depuis ses débuts. Enfin l’aventure se conclut avec Thanks to All, le genre de motto qu’on aurait plutôt envie de leur adresser tant l’expérience fut plaisante. La cause est entendue : ce deuxième Eagle Seagull, qui vient de faire entrer Eli Mardock dans le club des grands songwriters, ne risque pas de prendre la poussière sur une étagère.
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