samedi 22 mai 2010, par
Hyper tendance
C’est la loi des séries : un malheur n’arrive jamais seul. Le bonheur non plus, remarquez, mais ça doit être notre propension à écouter de la musique dépressive qui nous pousse à taire cette réalité jumelle. Bref, il suffit que quelques artistes empruntent une voie comparable à quelque temps d’intervalle pour qu’on ose lâcher le mot : « tendance ». Ainsi, au lieu d’y lire une conjugaison de coïncidences, on préférera parler de conjoncture en observant le nombre suspect de rockeurs indé récemment passés du côté le plus lisse de leur pedigree. Un rock sans grandes aspérités, adult oriented comme on dit, susceptible de maintenir les auditeurs de Marc Ysaye en territoire connu.
Si, comme je vous en entretenais dernièrement, Eagle Seagull a plutôt bien négocié sa métamorphose, plus d’un autre en a fait les frais. À commencer par notre ami Marc (pas le gros batteur, l’autre) qui a courageusement chroniqué tous ces retours ridés sonnant moins comme de décevantes évolutions que comme les reformations synchronisées de Dire Straits, Toto et les Doobie Brothers. Le cauchemar éveillé, quoi : pensez à vos premières impressions en écoutant les derniers Besnard Lakes, My Latest Novel, Plants & Animals, New Pornographers,... autant d’ex-gavroches devenus croulants avant l’âge. « On est jeunes grabataires / C’est la faute à Shearwater / On sonne comme Status Quo / C’est la faute à Wilco. » Pauvre Marc, que j’imagine bâiller grave à l’écoute du nouveau Band of Horses. Mais qu’est-ce qui nous arrive ?
Ce qui nous arrive, outre cette tendance à la sénilité prématurée, c’est accessoirement le facteur et sa précieuse livraison : le deuxième album des Morning Benders, quartette californien qui avait enchanté 2008 avec “Talking Through Tin Cans”. Et de prime abord, l’inquiétude prévaut : où sont passées les pochades de 3 minutes, la fraîcheur post-adolescente de Cajun Dance Party coincée dans le costume trop grand de Grizzly Bear ? Sans les voir encore basculer dans le versant ronflant du rock à pantoufles, on peut d’ores et déjà reprocher au groupe ce qu’on avait injustement déploré chez Laura Marling : ils ont poussé trop vite.
Mais bien sûr, il faut accepter de laisser les enfants voler de leurs propres ailes, surtout quand l’aîné s’appelle Christopher Chu et assure comme un grand l’écriture de morceaux gentiment rétro et leur production modeste, n’hésitant pas à jouer de tous les instruments que ses petits frères ne peuvent pas toucher, de la flûte au mellotron en passant par le banjo ou le Farfisa. Le résultat, ce sont des chansons qui ont un peu perdu de leur immédiateté mais rien – ou pas tout – de leur charme désuet. À l’instar de son prédécesseur, cet album est scindé en deux faces, ce qui dit bien combien ces jeunes gens ont du mal à vivre avec leur temps. Toutefois, rien ici ne sent la naphtaline. Bien qu’indéniablement mûrie, la musique des Morning Benders continue à respirer la spontanéité.
Pourtant, on pouvait émettre d’emblée quelques craintes : la longueur moyenne des morceaux – qui est donc passée de 3 à 4 minutes, c’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup – ou l’intro hallucinogène d’Excuses laissaient présager un virage pseudo prog. Il n’aura pas lieu puisque, très vite, le ton révèle davantage un croisement entre les randonnées percussives des Dodos et les mignardises pop de Princeton. Des morceaux comme Hand Me Downs ou Promises peuvent ainsi démarrer sur des riffs machinaux avant de se laisser emporter par une valse de carrousel. Quant au costume de Grizzly Bear, il sied de mieux en mieux au combo, comme peuvent en attester des titres tels que Pleasure Sighs ou Wet Cement.
Si l’on ajoute à cela une complexification manifeste des structures sur la face B de l’album (les contretemps imprévisibles de Mason Jar, le finale épique de Stitches, la décharge électrique qui envole Sleeping In), il apparaît clairement que les Morning Benders ne sont pas voués au sur-place. Très différent du précédent album, ce “Big Echo” ne cède heureusement pas aux sirènes de la chiantisation du rock. Plus maîtrisé mais encore surprenant, moins candide mais toujours pertinent, il y a cependant fort à parier que ce bel effort se fondra et se confondra dans la masse des sorties du même genre. Le haut du panier, c’est toujours le panier : on aura beau crier sur les toits du monde que ce groupe est épatant, seul sans doute y répondra un gigantesque écho. C’est bien injuste.
Si on a depuis toujours associé Xiu Xiu à la personnalité hors-normes de Jamie Stewart, on sait que la place d’Angela Seo est centrale. Le caractère de duo est maintenant encore mieux établi, la parité étant assurée au chant. Mais n’attendez pas de changement de cap, la flippante musique de Xiu Xiu garde tout son mystère.
Cet Ignore Grief n’a pas la flamboyance electro de certains essais antérieurs. Il (...)
Il faut parfois le recul de plusieurs albums pour qu’on voie vraiment la personnalité d’un artiste émerger. Après un album de Darto et un troisième exercice solo, on peut commencer à cerner Nicholas Merz. On avait tout de suite remarqué sa belle voix grave et elle est logiquement toujours là.
On commence bien avec The Dixon Deal et ce montage en étranges couches dont certaines sont volontairement (...)
J’ai fréquenté la beauté/Je n’en ai rien gardé
Si Jean-Louis Murat parle pour lui, on peut pour notre part témoigner qu’on n’a jamais oublié la beauté qui sourdait des albums de Rey Villalobos en tant que House of Wolves. Il a fallu une mise en lumière de l’indispensable Laurent pour qu’on se rende compte qu’il officiait maintenant en tant que The Coral Sea. Et constater par ailleurs que l’album qui était (...)
On peut toujours se demander ce qui pousse des artistes a priori seuls maitres à bord de leur formation à vouloir se lancer dans l’exercice solo. On sait depuis toujours qu’Okkervil River, c’est Will Sheff et les musiciens avec qui il a envie de travailler. Lui qui avait annoncé Okkervil River R.I.P. sur l’album Away (qui du reste n’est pas le dernier) semble maintenant faire de cette déclaration une (...)