vendredi 4 juin 2010, par
Madame Midas
On pourrait passer bien davantage de temps à situer le contexte dans lequel émerge ce nouvel album estampillé Jack White, qui se place ici en situation de confort – il signe la production et reste assis derrière les fûts – au lieu de se concentrer sur le contenu dudit album et sur sa figure de proue, l’ex-mannequin – et actuelle épouse du sieur White – Karen Elson.
D’un côté, on aurait raison : parce que l’hyperactif Jack White, stakhanoviste un brin vieux jeu voué depuis longtemps à la musique du diable – et cité dans ces pages un article sur deux – est sans conteste une figure emblématique de ce 21e siècle encore balbutiant. À la tête de trois groupes dont le principal incarne aujourd’hui à lui seul l’héritage du rhythm’n’blues ancestral comme du garage punk de Detroit, directeur d’une maison de disques traditionaliste qui publie essentiellement des 45t vinyles, champion de la réhabilitation d’une country music à l’ancienne et de ses gloires passées, White est ce qui se rapproche le plus d’une sommité, voire d’une déité, dans l’univers saturé du rock alternatif contemporain.
D’un autre côté, on aurait tort de limiter Karen Elson au statut d’égérie docile et écervelée, du genre à chanter Les Sucettes sans multiplier les niveaux de lecture. On serait même franchement à côté de la plaque : car les chansons de “The Gost Who Walks” sont les siennes, et qu’avec ou sans son conjoint aux manettes, elles sont fichtrement bien foutues. Évidemment, c’est toujours le même questionnement qui s’impose dans ces cas-là : quelle part de cette franche réussite doit être imputée à l’une, quelle part à l’autre ? Jack White a-t-il simplement le bon goût de s’entourer de gens de talent – quitte à leur passer systématiquement la bague au doigt – ou s’apparente-t-il à un véritable Pygmalion ? Karen Elson eût-elle pu jouer si sûrement les alchimistes si elle n’avait été mariée au roi Midas ?
Peu importe : cette dame a des arguments à faire valoir, et pas seulement sur les podiums milanais. “The Gost Who Walks” est, disons-le, un excellent disque. Si la tonalité est fondamentalement country, que les allergiques au genre se rassurent : seuls Garden et Lunasa en dégainent la vraie panoplie. Pour le reste, les guitares steel ne sont jamais convoquées sans une bonne raison, le banjo est absent et c’est l’orgue qui se taille en réalité la part du lion. Dans l’ensemble, et comme pour donner raison à sa jolie pochette, “The Gost Who Walks” est un album essentiellement nocturne, équivalent lunaire, tout en nuancé de gris, de ce que les White Stripes sont au soleil incandescent.
Il affiche même à l’occasion quelques prétentions pop, comme sur ce Pretty Babies qui rappelle au bercail l’ombre de Shivaree, ou 100 Years from Now qui foule allègrement les plates-bandes d’une pseudo-homonyme, Lonely Drifter Karen. On trouve aussi de jolies réminiscences de la tradition irlandaise (magnifique Stolen Roses), même s’il faut parfois prendre garde à ne pas voir l’âme des Unthanks chevillée aux Corrs : Cruel Summer est à ce titre un exemple d’équilibre réussi, quand Mouths to Feed n’évite pas complètement tous les pièges du lyrisme FM. Mince écueil.
Karen Elson se rattrape largement lorsqu’elle monte le son des amplis et injecte un soupçon de dureté dans son blues moelleux : il suffit qu’une grosse guitare vienne cracher quelques flammes pour que Thief at My Door ou The Truth Is in the Dirt boutent l’incendie à la grange. Cela dit, malgré les superbes efforts déployés tout au long de ces douze titres qui ne visent que l’excellence, aucun n’égale plus la plage titulaire placée en ouverture et dévoilant d’emblée un potentiel de spectre hurlant, magnifié par deux soli de clavier phosphorescents : là où marche le fantôme, les Doors claquent.
Si, au final, on ne se départ pas du sentiment de mainmise exercée par le grand gourou White – un son hyper identifiable, trois quarts des Dead Weather dans le line up – on finira par ne plus se soucier de savoir s’il faut considérer ce faux projet solo comme une nième escapade boulimique. L’essentiel réside ici : bien avant Brendan Benson, bien avant Alison Mosshart et, qui sait, peut-être bien même avant Meg White, Jack White a trouvé en Karen Elson une collaboratrice privilégiée et son plus authentique alter ego. C’est ce qu’on appelle un mariage de raison.
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