dimanche 20 juin 2010, par
Faut le voir chez soi
Il y a des jours comme ça, où on en arrive à se demander pourquoi on s’emballe sur certains sous-genres musicaux a priori tout sauf séduisants. À l’époque où des gens comme Arcade Fire ou Sufjan Stevens raflaient la mise auprès des oreilles débouchées, on pouvait tout de même se féliciter d’aduler en toute objectivité des artistes proprement enthousiasmants en termes de musicalité, de fraîcheur et d’harmonie. Mais comment expliquer l’engouement suscité au même moment par Clap Your Hands Say Yeah, ces bouchers nasillards allergiques à tout ce qui ressemble à une vraie mélodie ? Ne peut-on légitimement rester perplexe à l’idée que tels geeks sans voix ni charisme puissent trouver leur public, à plus forte raison quand on en fait soi-même partie et qu’on n’a aucune bonne raison à invoquer pour ça ?
Sauf que voilà, il se passe bien quelque chose sur les deux albums de CYHSY, bien plus que sur les disques parallèles de leur chanteur et de la cohorte insondable des groupes sans magie venus surfer sur la vague de cette nouvelle lo-fi, véritable cauchemar des esthètes. Les blogs américains nous en présentent trois par semaine et jurent chaque fois leurs grands dieux qu’on tient du lourd. Or ces gens n’ont qu’une confidentialité à faire valoir : c’est le bon vieil argument foireux de l’underground, l’équivalent bourgeois de la street credibility, ramenée pour le coup dans les facs.
Évidemment, il y a des choses à sauver de la pléthore, et c’était certainement le cas du premier album des Born Ruffians, ce “Red, Yellow & Blue” sorti en 2008 et mis en évidence par des petits tubes comme Hummingbird ou Barnacle Goose. Mais il y a rire et rire, et les compositions éreintantes de Luke LaLonde finissent aujourd’hui par accuser leurs limites. Il y aura évidemment des gens pour trouver que Sole Brother a un côté blues déstructuré réjouissant, que même en version Vampire Weekend cheap, Higher & Higher c’est plutôt funky, et qu’il vaut mieux chanter faux qu’être un interprète démonstratif (The Ballad of Moose Bruce). Ouais, ça doit être l’ère post-Starac, m’enfin faut le voir chez soi.
Pourtant, ce “Say It” n’a pas que des défauts, et contient même de vraies petites leçons de songwriting. On se dit alors qu’on est décidément trop faible, qu’on est incapable de descendre en flèche la moindre velléité intello dans ce rock boutonneux et qu’inconsciemment, on doit être en train de se forcer à aimer un truc pas possible, de lui trouver une improbable beauté intérieure. Sauf qu’une attirance, ça ne se commande pas et que, si certains morceaux sont tout juste agréables (Retard Canard et sa basse afro-pop, Blood, the Sun and Water qui immisce du sable chaud dans un garage), d’autres révèlent une véritable personnalité qui rend vaine toute protestation.
Come Back s’offre ainsi la possibilité de figurer un blues plus crédible en convoquant des cuivres northern soul plus que bienvenus, et le riff scandé sur Oh Man ouvre l’album avec une classe folle. Mais ce sont sans doute les chansons plus lentes qui enlèvent le morceau : à l’autre bout du disque, At Home Now est une irrésistible plage de clôture où la sensibilité le dispute à la retenue. Enfin, toujours dans la veine Vampire Weekend, avec qui la comparaison est plus qu’évidente, What to Say s’affirme comme une ballade tribale réussie avec ses chœurs aériens qui ne sont pas des chœurs, et puis il y a surtout Nova-Leigh, chef-d’œuvre discret du disque au même titre que les chansons qui referment chacun des albums de la bande à Ezra Koenig. Alternant jolie berceuse et coups d’accélérateur, c’est le genre de morceau qui redonne confiance en un groupe, en un genre, en la vie.
Alors non, pas question de retourner sa veste dans la dernière ligne droite, mais il faut reconnaître que les Born Ruffians n’ont qu’à rester concentrés pour sortir du lot. Un tiers de “Say It” se montre passable, un autre agace, mais le dernier tiers épate : c’est pour les encourager à persévérer sur cette voie – car ils ne manqueront pas de lire cette critique et de l’afficher dans leur kot – que je leur attribue cette note passe-partout de trois étoiles. Mais à part ça, je vous avoue que moi-même je ne sais pas très bien pourquoi...
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