dimanche 18 juillet 2010, par
Massacre à la tronçonneuse
Maya Arulpragasam est un paradoxe vivant. Son personnage de rappeuse militante, imprégnée d’un authentique vécu de la guerre civile tamoule, en fait d’une part une des plus crédibles incarnations de la révolution musicale du 21e siècle, loin des demi-mesures et des compromis. Le mélange ébouriffant de musiques urbaines (electro, funk, grime) et exotiques (dancehall, ragga) dans lequel elle a plongé ses deux premiers albums, sous la houlette des indispensables Switch et Diplo, l’a érigée en nouvelle papesse des oreilles curieuses et des jambes furieuses. D’autre part, son image d’artiste engagée se laisse parfois contredire par une science aiguë du marketing viral, M.I.A. figurant aujourd’hui parmi les icônes de la génération YouTube – qui a censuré le clip pseudo polémique de Born Free – et se faisant davantage connaître pour ses propos frondeurs que pour ses performances musicales.
En réalité, l’idée est simple à résumer : M.I.A. est punk. Une vraie punk, avec l’attitude no bullshit qui va avec, une franche dose d’immaturité aussi, qui ne l’empêche pas de produire une musique lunatique mais terriblement accrocheuse, saugrenue mais immédiate. Et en bonne marginale, la Sri-Lankaise n’a pas l’intention de réinjecter son capital sympathie dans une suite logique à “Arular” et “Kala”, soit la brochette de tubes épicés qu’elle aurait été en mesure d’aligner pour faire succomber la planète. Non, à l’image donc du fameux Born Free, qui parvient à sampler l’ultra malsain Ghost Rider de Suicide pour en faire quelque chose d’encore plus frénétique, M.I.A. fonce tête baissée et ne compte pas faire de prisonniers.
“Maya” est dès lors l’album le plus intransigeant de sa carrière. C’est aussi, disons-le, le moins réussi. En termes de contenu, la chanteuse a parfois tendance à se laisser enfermer dans son personnage d’insoumise parano, quitte à confondre subversion et enfantillages (« I fight the ones who fight me », lance-t-elle persuadée d’être seule contre tous). En termes de finition, M.I.A. semble se donner du mal pour souiller ses sons jusqu’aux frontières du tolérable, et il faut lui en savoir gré : musicalement, sa recette est plus épicée que jamais. Ça ne la rend forcément pas plus digeste, mais on aime tous avoir l’estomac retourné de temps en temps, et à ce titre un morceau comme Steppin’ Up envoie le bois... pour mieux le tronçonner ! Rappant avec le flow de la première Missy Elliott sur un beat puissamment rock, M.I.A. délivre d’entrée de jeu l’énergie des grands soirs.
En tout cas, c’est ce qui se passe pendant deux minutes, au terme desquelles le morceau s’interrompt. En reprenant ensuite le même propos sur une double durée, il allonge la sauce inutilement et finit par la faire tourner. Le phénomène se reproduit plus loin sur Teqkilla, six minutes dont trois à tourner en rond. Le responsable de ce léger laisser-aller s’appelle peut-être Rusko, producteur aux manettes de la moins bonne moitié du disque et récent auteur d’un album d’electro-house plutôt putassier. Le flair de M.I.A., réputée savoir s’entourer, montre ici ses limites. Elle a cependant vu juste en faisant appel à Derek Miller, moitié des prometteurs Sleigh Bells, pour un Meds & Feds incendiaire. À partir d’un riff de guitare proprement incisif, du genre à laisser de vraies cicatrices sur la peau, le morceau vire en orgie teck et finit par rendre complètement hagard. Quant à Rusko, il se rattrape largement en façonnant la transe robotique de Story to Be Told, relevé au piment Bollywood par une M.I.A. qui fredonne Frère Jacques sur fond de réacteurs de F16.
Le fidèle Blaqstarr est également de la partie avec It Iz What It Iz, paradoxalement un des titres les plus aboutis mais aussi celui où l’ennui pointe de la façon la plus évidente, sanctionnant une rythmique un brin monocorde. Bon point pour la supériorité mélodique toutefois, contrairement à Lovalot et son minimalisme excessif, proche des capsules dancehall d’une Amanda Blank mais décidément trop pauvre pour figurer en face A d’un album de M.I.A. Heureusement que ce dernier compte au moins un hit : XXX0, énorme brûlot pop où la maîtresse des lieux se paie le luxe de chanter, qui plus est un refrain faquin qui fait définitivement son petit travail de sape.
Au final, c’est encore une fois Diplo qui tire son épingle du jeu. Le producteur historique (Bucky Done Gun et Paper Planes, c’était lui) exploite toujours la meilleure part de M.I.A., avec qui se crée une alchimie supérieure. Le DJ floridien signe ici deux petits miracles de mondialisation sonore : It Takes a Muscle, reggae caribéen où la voix de la chanteuse est déformée à l’hélium au point de matérialiser un retour à l’enfance, une fausse candeur qui offre le parfait contrepoint au pessimisme lucide des paroles ; et puis il y a Tell Me Why, morceau de bravoure qui semble inventer un nouveau genre bâtard, le r’n’b martial. À la fois orientalisant et bien ancré dans l’agitation londonienne, on tient là le futur tube des drogueries de l’East End.
Un bon Space plus tard, et à condition d’ignorer quatre tracks bonus plus que dispensables, on sort donc de “Maya” sur une bonne impression, conscient que l’album réserve ses meilleures surprises dans sa seconde moitié. On espère y voir un aveu, la volonté d’une transition vers quelque chose de moins prévisible eu égard au glorieux passé de l’hôtesse. Née libre, c’est en effet à force de lutter pour l’évasion que M.I.A. se fait de plus en plus captive d’un format qui pourrait un jour la dépasser. Un paradoxe vivant, disions-nous. À défaut d’éviter certains clichés, elle parvient toutefois ici à ne pas les muer en codes et, si “Maya” n’est pas son chef-d’œuvre, il lui confirme définitivement son statut d’artiste hors normes.
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