vendredi 13 août 2010, par
Soleil de minuit
Vous aimez les songwriters suédois ? Ça tombe mal : Colin MacLeod est gallois. Pourtant, à cet impossible blaze qui aurait pu être le nom de jeune fille du Captain Igloo, il a préféré un de ces pseudonymes à rallonge comme les affectionnent nos amis scandinaves, enclins à se présenter sous une appellation à la fois superlative et parfaitement anonyme, de l’homme le plus grand sur terre au gamin le plus blanc qui soit. Ce garçon-ci a pris le soleil au piège et pour une fois, la description n’est pas forcément galvaudée.
C’est qu’il ne fait pas très chaud dans ses chansons, et le seul soleil qui y brille est peut-être celui de minuit, tel que le connaissent le nord lointain de la Suède et ses troubadours en col roulé : on pense en effet souvent à Nicolai Dunger ou au plus méconnu Tim Christensen, pour cette façon toute digne d’exhiber ses états d’âme non pas sur tous les toits, mais au coin du feu. “Fireplace” est donc le titre tout trouvé de ce recueil d’aubades vespérales qui, pour transies qu’elles puissent paraître, ont appris l’art de réchauffer les cœurs.
Résolument nostalgiques, les textes de MacLeod conjuguent le temps qui passe à toutes les formes du conditionnel et privilégient la première personne du pluriel : « We looked across the place where we got off and wondered how we’d get along, all the leaves were turning brown and the sky was a deeper blue. » Les amours sont imparfaites, les sentiments effrayants (« It takes time to be thoughtful and it’s easy to run away »), et le bonheur à deux ne semble exister qu’en tant que combat : « It’s the hardest thing to do, treat you like I do when all I want to do is sing songs I never wrote and show you things I’ve never seen. »
Alors, peut-être, l’avenir se montrera-til plus clément que le passé (« Everyday will be a chance to say : it’s you and me ») ou le présent (« I spend my life watching other people have a life »). Et lorsque la lucidité prend le pas sur l’envie (« The grass is always greener when you can’t see the garden »), il reste une place pour l’espoir (« I took a shot at living like everybody else... we can be like them »). Le bonheur à deux, finalement, n’a peut-être rien de compliqué : « We have windows, we have a roof, and a bottle of brew, with the label sweet marked two. »
On jugerait dès lors The Boy Who Trapped The Sun comme une affaire entendue, un honnête songsmith étranger à la vraie noirceur, le gendre idéal en somme. Mais si l’âtre charrie son lot de bienfaisances, gare à qui trop s’y penche : quelques germes de cynisme sommeillent au fond des flammes, témoin Dreaming Like a Fool et sa cruauté désabusée à défaut d’être gratuite : « Sooner or later someone will get shot, I tell you that it won’t be me. » Dans l’ensemble cependant, qu’il chante un naufrage (Copper Down), l’incrédulité amoureuse (Golden, Telescope) ou, principalement, toutes les déclinaisons de la rupture (Katy, Walking in the Dark, I See You), le traitement manque de maturité et les compositions, de mordant.
Il faut toutefois reconnaître en MacLeod les promesses d’une plume à chérir, en attendant qu’elle daigne s’aiguiser. Pas dupe de sa propre naïveté, le Gallois sait qu’il ne suffit pas d’attraper le soleil mais qu’il faut encore l’apprivoiser pour laisser rayonner son art. Remettant sa propre authenticité en question, quand bien même sa sincérité ne fait aucun doute, peut-être gage-t-il que le nombre des années montrera sa valeur. « Now I could sing a sad love song, but what if all the words were wrong ? »
Je viens de découvrir avec horreur que Tim Christensen n’était pas Suédois, mais Danois. Un monde s’écroule.
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