Accueil > Critiques > 2010

Weezer - Hurley

mardi 28 septembre 2010, par Laurent

Déguisements de clowns


Weezer a été un groupe important le temps d’un album (le fameux, et officieusement intitulé, “Blue Album”), voire deux (“Pinkerton”). Personnellement, j’avais déjà cessé de les trouver géniaux à l’époque, frustré par le départ du bassiste Matt Sharp, parti fonder les éphémères Rentals et qui était, comme dirait une fan de boys band, mon préféré. Que le fan ardent de Weezer s’apprêtant à lire cette critique ne monte pas sur ses grands chevaux : je n’ai jamais idolâtré saint Rivers Cuomo, pris la peine d’écouter ses compiles de démos ni – sacrilège – vu Weezer en concert, même si je peux reconnaître leur legs dans la production nerd garage de la décennie écoulée.

À vrai dire, on leur doit peut-être aussi un certain nombre de formations pop-punk qui auraient dû s’abstenir de se saisir un jour d’une guitare, mais à quoi bon leur tenir rigueur du fait que trop de fruits sont tombés de l’arbre pour s’abîmer en compote ? Vous aurez compris mon propos : cette modeste critique ne prétend pas changer le monde et n’émane pas d’un exégète, quand bien même je connais plutôt bien les disques du groupe. Mais si vous êtes un fan absolu, n’y accordez pas trop d’importance : après tout, je fais partie de ceux qui n’ont pas trouvé “Raditude” moins bon que le “Red Album” et qui ont même applaudi les collaborations douteuses avec Lil Wayne ou Kenny G. Oui, Kenny G.

Bref, je n’entends pas dans “Hurley” un sursaut qualitatif aussi flagrant que celui qu’on voudrait lui prêter. Plutôt une illustration supplémentaire de cette loi des séries qui a enfanté, en 2010, tant de disques inégaux qui enthousiasment la moitié du temps et suscitent un ennui profond durant l’autre. À vrai dire, c’était le cas des précédents albums de Weezer depuis, au moins, le tristement bien nommé “Maladroit”. Le phénomène, même s’il n’existe sans doute que dans ma pauvre imagination, s’élève presque ici au cas d’école.

Memories est ce tube crétin dont Weezer a le secret et distille au moins une fois par album. Ruling Me se révèle ensuite moins emballant avec son goût trop prononcé de goulache MTV, mais la suite ne démérite pas : Trainwrecks est un joli condensé d’illusions adolescentes, entre espoir fol et dégoût de soi, tandis qu’Unspoken est relevé par ses deux tiers acoustiques et que le groupe réussit un joli hold-up en déguisements de clowns sur le tout-terrain Where’s My Sex ?

Après ça, malheureusement, on peine à remuer un orteil sur le très plat Run Away, si ce n’est dans un finale hélas noyé dans l’œuf, et malgré ses vrais élans émotionnels, Hang On souffre d’un refrain franchement gnangnan. En dépit de ma meilleure volonté, cette seconde face ne me parle décidément pas. Smart Girls est à peine efficace dans son registre rentre-dedans et Brave New World, bien que d’un niveau supérieur, ne transforme pas tout à fait son potentiel ravageur.

Pas trop grave : il reste tout de même un Time Flies adorablement vieillot (guitares archi-sèches, percussion strabique, son cradingue) pour clôturer le parcours sur une note plus plaisante. Et pour ma part, comme sur chaque Weezer, j’ai eu ma dose de power pop futée sans avoir besoin de réclamer un grand disque. Pas assez geek pour inventorier les raisons de classer ou non “Hurley” parmi les pitons de leur discographie, je sais gré à Weezer de refuser de grandir et de rester sur leur « island in the sun ». Comme dirait un autre célèbre insulaire... thanks, dude.


Répondre à cet article

2 Messages

  • They Call Me Rico - Wheel of Love

    Le substrat musical sur lequel a poussé ce cinquième album de They Call Me Rico, projet de Frédéric Pellerin du groupe Madcaps, c’est l’americana et le blues. Et on le sent, souvent. Certains morceaux en sont encore baignés (This Old Dog, Don’t Let You Go Down). Wheel of Love est plus proche de ce canon rock et dans l’ensemble, c’est un fort plaisant rappel de la base de tout ceci.
    Mais si (…)

  • Iggy Pop – Every Loser

    Le fun perçu est une des mesures les plus pertinentes pur évaluer un album d’Iggy Pop. Si on l’a croisé récemment aux côtés de Catherine Graindorge, il revient avec un Every Loser qui convoque logiquement une belle pelletée de connaissances du rock ‘n roll (Duff McKagan de Guns ‘n Roses, Stone Gossard de Pearl Jam, Dave Navaro et Eric Avery de Jane’s Addiction’s, Chad Smith des Red Hot Chili (…)

  • The Poison Arrows - War Regards

    Un lapsus peut vous propulser dans l’actualité. Un émail signé War Regards à la place du Warm Regards donne à cet album du groupe de Chicago un air de prémonition inévitable.
    Il est étrange de pénétrer l’univers d’un groupe à travers des remixes. Ceux-ci ayant plu, il semblait logique de reprendre le fil de leur discographie. On découvre en tout cas une musique dénuée de l’électronique des (…)

  • Foo fighters - Wasting Light

    Sortie du désert.
    Bien que n’ayant pas écouté un album entier des Foo Fighters depuis quelques années, je dois bien avouer avoir une certaine sympathie pour Dave Grohl. Ce mec est cool, point barre. De clips décalés en prestations explosives, en passant par des interviews dans lesquelles le côté relax du bonhomme transpire, Dave s’est construit un des plus gros capital sympathie du monde (…)