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Maximum Balloon - Maximum Balloon

samedi 2 octobre 2010, par Laurent

Renard des surfaces


Faut-il disserter sur ce disque estampillé David Sitek, architecte sonore pratiquement institutionnalisé, que ce soit au sein de TV On The Radio ou aux manettes d’une poignée d’albums toujours recommandables ? Et si oui, se pose la question de savoir quelle problématique élaborer face aux nombreuses réflexions que suscite cette escapade. Doit-on reposer la question de savoir où s’arrête sa griffe unique et si elle explique, seule, la réussite de ses projets participatifs ? Faut-il justement se désoler qu’à l’image du Rain Machine de son frères d’armes Kyp Malone, les balades en solitaire des membres de Tv On The Radio voient se diluer l’alchimie si louable du groupe au complet ? Ou bien, est-il de bon ton d’orienter le débat vers le casting prestigieux que réunit ce premier album de Maximum Balloon, lui garantissant un succès presque trop facile ?

D’avance rebuté par l’éventualité d’un plan analytique exhaustif, on va finalement se contenter d’apprécier les chansons. Embrassé dans sa totalité, l’album possède une homogénéité plus redondante que cohérente. Contrairement au splendide “Dark Night of the Soul”, autre disque « all stars » parfaitement espacé, ce “Maximum Balloon” voit Sitek appliquer à la lettre la formule qui modela la perfection de “Dear Science” : un funk cybernétique, savant mélange de chaud et froid à même de célébrer une modernité sordide. Sauf que, ressassé par les mêmes organes désenchantés – Tunde Adebimpe et Kyp Malone bien sûr, mais aussi les trop analogues Theophilius London ou Aku – le groove a tendance à radoter.

Il y a bien les voix des filles pour varier les plaisirs, mais la tête de gondole de Celebration, Katrina Ford, n’empêche pas davantage Young Love de faire du rase-mottes ; quant à Little Dragon, on l’a connue plus en verve sur le dernier Gorillaz qu’en goguettes synth-pop sur le charmant mais un peu léger If You Return. Pourtant, alors qu’on n’arrête pas de vous bassiner avec ces disques en deux temps qui font du sur-place après avoir fait péter le turbo, et comme Marc vous disait récemment que d’autres s’y prenaient bien mieux, on constate une poussée de fièvre bienvenue sur la seconde partie de “Maximum Balloon”.

Synonyme de fièvre à l’instant même où elle pousse le moindre feulement, Karen O relance la machine de façon inespérée en plage 6 (Communion). Ensuite, composant avec une de ces voix trop attendues, Tiger propose malgré tout un moment de vraie fureur dansante, comme au temps du meilleur Rapture, et l’habitué des featurings branchés David Byrne ne s’est pas laissé refiler le beat le plus dégueux (Apartment Wrestling). Mais ce sont deux princesses de l’obscurité qui délivrent les plus précieux instants. Inutile de vous répéter tout le bien qu’on pensait d’Holly Miranda ; en délicieuse pécheresse, elle inculque The Lesson comme on invite à mordre au fruit défendu. Et comme Sitek a voulu garder le meilleur pour la fin, c’est le croissant lunaire de Shivaree qui referme l’album : plus vénéneuse que jamais, Ambrosia Parsley hante un Pink Brick tout dévolu à sa belle et inquiétante présence.

Une fois de plus, on s’est davantage laissé séduire par les voix féminines – et on préférera, du coup, les plages paires aux impaires – mais l’équation est un rien moins simpliste que cela. On constate à tout le moins que certaines compositions de Maximum Balloon valent leur pesant de pépites et que, pour peu qu’il enrichisse son carnet d’adresses – faire ami-ami avec Jennifer Charles ou Jason Lytle, par exemple, constituerait un bon point de départ – Dave Sitek a encore plus d’un atout dans son jeu. Il ne raflera pas la mise cette fois-ci, mais conserve sans problème son statut de renard des surfaces sonores. Comme un baptiste dans le Pactole, Sitek convertit au moins un disciple sur deux à son toucher aurifère. C’est déjà beaucoup.


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