dimanche 24 octobre 2010, par
Tournée générale !
C’est au début de cette année que l’ami Marc – noble institution au sein de la blogosphère francophone qui a construit sa propre mythologie à coups de 800 et quelques articles, ancien comparse de la courte et inégale Radio Libre – m’a convié à intégrer l’équipe d’Esprits Critiques pour un CDI. Un peu comme Moe Szyslak inviterait un de ses piliers de comptoirs à partager ses fûts de Duff voire, de temps à autre, quelques spiritueux planqués dans la cave. Je lui suis plus que reconnaissant de m’avoir prêté les clefs de ce charmant établissement où j’épanche régulièrement notre passion commune en abreuvant, je l’espère, quelques heureux gosiers. Aujourd’hui, je fête ma centième critique en parlant de mon artiste fétiche. Champagne, tournée générale !
On ne saura jamais par quel malencontreux concours de circonstance Joseph Arthur a loupé le coche de la gloire. Mais on lui en sait gré. Le natif d’Akron, Ohio avait presque toutes les cartes en main pour devenir énorme(ke). Comme aucun article, peu ou prou, ne parle de lui sans évoquer Peter Gabriel, rappelons une dernière fois que c’est le boss de Real World qui l’a découvert et signé sur son label. Premier album, premier chef-d’œuvre, mais surtout la révélation d’un talent scénique extraterrestre. L’art de sampler une guitare dont certains s’extasient parfois chez une poignée de bricoleurs patentés, Arthur l’a élevé à un niveau de maîtrise d’autant plus insolent qu’il y a adjoint deux difficultés supplémentaires : une part aberrante d’improvisation et une sérieuse propension à jouer mort-bourré.
Collectionner les bootlegs de Joseh Arthur, qui a accumulé quelques milliers de concerts en quatorze ans, c’est constater un peu plus la boulimie créatrice du bonhomme, qui peint en chantant et expose ses toiles dans une galerie new-yorkaise, teste en moyenne une nouvelle chanson par performance, balance du jour au lendemain vingt morceaux inédits sur un blog, convertit en recueils de poèmes les textes qu’il n’a pas mis en musique. Artiste complet et ultra-prolifique, croisement surhumain entre Buckley, Basquiat, Beck et Burroughs (pour se limiter à la lettre B), monsieur a en plus écrit une des plus belles chansons de tous les temps : In the Sun, reprise entre autres par son patron de l’époque ou, plus récemment, par Michael Stipe et Chris Martin.
Mais faute d’une pub Ipod, d’un clip valable ou d’une performance au Superbowl, Jospeh Arthur n’a jamais gagné que la haute estime de la profession, une fanbase peut-être décuplée depuis ses inoubliables débuts – ce qui ne fait toujours pas grand-monde – cependant que sa musique perdait inéluctablement en mystère ce qu’elle gagnait en maturité. Se tournant de plus en plus vers la théogonie américaine, les racines du rhythm n’blues et l’hygiène de vie déglinguée des tournées collectives avec un groupe médiocre (les Lonely Astronauts), Arthur s’est peu à peu saboté, quittant la maison-mère pour une structure autonome, délaissant les arrangements clairs-obscurs et les pulsions insectivores au profit d’un art plus terre-à-terre ; entendez : plutôt surface terrestre que catacombes.
Et voilà qu’aujourd’hui, l’Américain balaie nos espoirs d’un retour solo annoncé pour se consacrer à une nouvelle récréation, à moitié impromptue celle-là, mais en prestigieuse compagnie. Rien de moins, à ses côtés que Ben Harper et Dhani Harrison – le fils du Fab – autrement dit un trio particulièrement gratiné de guitar heroes discrets. Si Arthur semble être a priori le moins fameux des trois, l’écoute ne trompe pas : Fistful of Mercy est, de tout évidence, son projet. Outre la quasi omniprésence de sa voix sépulcrale, occasionnellement poussée dans un registre de tête moins fascinant, on reconnaît là un goût marqué pour des compositions immédiates, granuleuses et foncièrement intemporelles. Si, dans le passé, Joseph Arthur a su les couvrir d’inquiétants oripeaux, ses penchants de plus en plus prononcés pour la lumière ont eu raison de sa singularité.
Désormais, on ne peut que reconnaître en lui un brillant songwriter et un bluesman crédible, certainement pas le faiseur de miracles qui a signé cette dizaine de chansons essentielles capables de rivaliser encore avec le répertoire de ses plus glorieux aînés. Comparé à cet âge d’or, “As I Call You Down” fait évidemment pâle figure, au même titre que ce qu’a été le 21e siècle d’un dEUS ou d’un Pearl Jam, pour citer d’autres héros de jeunesse. On pourrait aussi bien évoquer la longue déliquescence de Ben Harper, autre génie du songwriting éternel trop vite tombé dans l’autisme – ou l’essoufflement – et dont la présence au sein du trio se limite à la portion congrue. Particulièrement en retrait au niveau du chant – alors qu’on sait combien ses complaintes habitées, chargées par deux siècles de gospel, peuvent se faire bouleversantes – Harper apporte au plus, au projet, une vague caution commerciale.
Quant à Dhani Harrison, il ne pouvait mieux trahir son héritage qu’en l’assumant totalement ; aussi, sur Father’s Son, invite-t-il l’évidence des Beatles dans un saloon empestant le tabac chiqué et l’alcool frelaté : « I’m still my father’s son. » Ces moments de déviance country ne sont pas rares, témoins le superbe instrumental 30 Bones et quelques ballades riches en foin et en poussière (With Whom You Belong, Restore Me,...). Les passages harrissoniens ne sont pas moins typés, eu égard à l’organe sans aspérités du fils de son père, injectant une vraie dose de pop lumineuse à Things Go Round ou menaçant presque d’entonner My Sweet Lord au cœur des chœurs d’In Vain or True – du reste, un très bel exercice de maux croisés, à l’instar de la plage titulaire.
La virtuosité de chacun des acteurs en présence ne fait par ailleurs aucun doute, et s’affiche dans ces jeux de cache-cache vocal et guitaristique, mais les chansons semblent trop souvent leur servir de prétexte et, au final, ce n’est que sur la pierre ogivale Fistful of Mercy que le trio se met, à l’inverse, réellement au service de la chanson. Une, deux, trois perles tout au plus sur cet album toutefois recommandable, qui vaut moins que la somme potentielle de ses parties mais davantage que leurs plus récents side-projects. Comme chez tous les supergroupes, l’amalgame tend certes à diluer les talents individuels, cependant l’émulation leur permet de rappeler un peu de l’éclat passé. Reste que, jusqu’à son dernier souffle sans doute, on continuera d’attendre de Joseph Arthur qu’il retrouve cette incandescente audace païenne grâce à laquelle, fut un temps, il s’autorisait à tutoyer les anges.
Le substrat musical sur lequel a poussé ce cinquième album de They Call Me Rico, projet de Frédéric Pellerin du groupe Madcaps, c’est l’americana et le blues. Et on le sent, souvent. Certains morceaux en sont encore baignés (This Old Dog, Don’t Let You Go Down). Wheel of Love est plus proche de ce canon rock et dans l’ensemble, c’est un fort plaisant rappel de la base de tout ceci.
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