mardi 16 novembre 2010, par
Retour au castel
Il était une fois, dans un château hanté, une princesse aussi volage qu’atrabilaire, cherchant au tréfonds de sa propre obscurité la compagnie idéale. Jusqu’au jour – ou plutôt la nuit – où elle se mit à jouer avec les esprits, à se balader dans les couloirs en se prenant pour un fantôme, alors que cette fantaisie n’était, depuis longtemps, plus de son âge. “Dark Undercoat” témoignait de cet amour démesuré pour les suaires phosphorescents, une balade inquiétante dans les eaux troubles du jadis, dans l’âcre expiation du regret. Un spleen qui, loin s’en faut, n’était pas encore de son âge.
Puis la princesse a quitté ses donjons, bien décidée à confronter cette béance prématurée de l’âme à la rugosité du réel. Les paysages étaient arides et sa transhumance fut rêche : “Victorian America” ou comment troquer ses bottes de sept lieues contre une paire de santiags, préférer aux spectres froids les carcasses rougies au soleil. Il y avait là encore de quoi frémir à la morgue victorienne, mais aussi de quoi réprouver ces rêves d’Amérique : le charme froid se prenait ainsi à faner au moindre vibrato d’une guitare steel. Un mince filet de temps s’écoula.
Et revoilà cette noble aventurière, demandant qu’on baisse le pont-levis pour accueillir ses compagnons de voyage dans le castel d’autrefois. Retour d’une fille prodigue qui brûlait de partager les jeux glaçants de ses plus poignants fantômes, Marissa Nadler et Laura Veirs entre autres. Et si elle y a ramené les ménestrels rencontrés au cours de son errance champêtre, peu de traces subsistent de ces collusions paysannes. Désormais, on ne sort la pédale que les jours de festin (The Cliff, Broken Words) et on y substitue plus volontiers des arpèges jonglés (Black Silk), l’ombre d’un violoncelle pesant (Oh Katherine) ou un piano qui semble marteler des fils de fer (I Lay to Rest).
Il semble qu’Emily Jane White ait déjà connu les neuf vies de Cat Power (The Black Oak), ou qu’elle vit la sienne à bout de souffle pour avoir autant de choses à raconter. Dieu sait quels obstacles sa chevauchée a croisés pour témoigner d’une telle nostalgie, d’une telle amertume. « You ain’t seen what I saw, you ain’t seen the dark sides of the law. » Pour sûr, voilà une éternité qu’elle a cessé de croire que le prince charmant existe – ou qu’il est vivant. « For my blood is frozen from the absence of love. » Mais les créatures de la nuit pourraient satisfaire ses envies d’ailleurs, panser ses plaies sèches. Alors elle les étreint sans violence, se confie à la lune dans un chapelet de prières sublimes (The Law) avant d’inviter sa propre mort à danser (Requiem Waltz).
La suite de ses pérégrinations verra-t-elle la princesse blanche descendre sous le repère du serpent pour y consommer l’adieu ? Rien n’est moins sûr, mais tout porte à croire que ses futurs chemins seront pavés de solitude. « I walked separately, thank you for sparing me. » C’est une marque de gratitude qui semble s’adresser au diable en personne. Peut-être, la prochaine fois, retrouvera-t-on Emily Jane White privée d’électricité – ou peut-être est-ce seulement l’espoir qu’on nourrit. Une certitude en tout cas : au rythme où galope sa maturation, elle aura atteint d’ici là des sphères dont seuls les fantômes pourront la déloger.
Take the veil from your face
Do you walk with the human race
Or do you dwell alone
In a room of one’s own ?
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