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Tamaryn - The Waves

jeudi 18 novembre 2010, par Laurent

Chabada bada


Résumé de l’épisode précédent :
... Tamaryn donne dans le shoegazing gothique, entre l’intransigeance sonore de The Jesus & Mary Chain et la présence chamanique de Siouxsie Sioux...
... une voix de damnée habitée par le feu et la glace en plein duel fratricide, et l’odeur du stupre qui transpire de chaque pore...
... Tamaryn nous laisse sur des promesses qu’il va falloir tenir. En partant du principe qu’un album entier devrait multiplier par deux le plaisir que procure ce mini-trip, il va de soi qu’on guettera sa sortie de très près...

Il y a six mois, il y a un siècle, il y a une éternité. Souviens-toi l’été dernier, cher lecteur – là-bas on l’appelle l’été indien – quand je t’invitais à découvrir l’univers fascinant de Tamaryn, ce duo san franciscain rivé sur ses pédales d’effets, ces mages soniques guidés par une voix d’apocalypse et capables de faire succomber n’importe quel nostalgique d’un certain rock eighties amer aussi bien que ceux qui aiment leur shoegazing avec deux sucres et un nuage de lait. À l’époque – il y a six mois, il y a un siècle, il y a une éternité – je promettais de te tenir au jus, parce que le premier long play de Tamaryn poursuivait sa gestation et qu’on serait aux premières loges le jour de la parturition.

Or voilà plus d’un mois à présent que quelques timides bacs osent afficher son graphisme rêche, et je n’ai toujours rien trouvé à en dire. Dans ces cas-là, et parce que je suis un homme de parole, c’est presque en me forçant que je vais te révéler ce que j’en pense. D’abord, il faut bien admettre que cette fine couche de pop qui fluidifiait les premiers émois de Tamaryn semble, à première vue, aux abonnés absents. Cependant que des titres comme Love Fade ou – à la rigueur – Dawning ne manquent pas d’une relative séduction, on ne peut, d’autre part, traverser “The Waves” qu’en état de perpétuel renoncement, voire franchement groggy.

L’excellente plage titulaire concourt d’emblée à nous rendre hagard, et sa plus-value mélodique prouve que le groupe n’a à peu près rien perdu de son savoir-faire. On retrouve par ailleurs, disséminés sur le disque, les bons souvenirs de leurs tourbillons contondants (Sandstone) ou de leurs incantations macabres (Cascades). En fin de parcours, Mild Confusion ressuscite même l’époque où une new wave balbutiante s’efforçait de construire sa personnalité par mimétisme sur son grand frère punk ; et le morceau de déterrer allègrement le riff du Gloria de U2 – celui des concerts dans les caves et du fondamentalisme chrétien.

Mais le ton général de l’album ramène au paysage désolé qui orne sa jolie pochette. C’est le cœur d’un shoegazing qui regarde ses pieds non pour enfanter une distorsion digne de sa rage étouffée, mais pour se complaire dans une forme d’auto-contemplation révulsée et dépressive. Cela peut donner de superbes ballades vidées de tout espoir (Choirs of Winter) mais aussi, parfois, confiner au plus pur immobilisme (Haze Interior). Si toi aussi, cher lecteur, tu étais tombé en amour pour les beaux cieux de Tamaryn, tu ne regretteras pas de la suivre dans sa catalepsie, mais tu ne pourras légitimement qu’attendre son retour sous des auspices moins plombés. Qui sait ? Dans six mois. Dans un siècle. Dans une éternité.


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3 Messages

  • Tamaryn - The Waves 19 novembre 2010 10:58, par Benjamin F

    C’est important d’être un homme de parole :)

    "C’est le cœur d’un shoegazing qui regarde ses pieds non pour enfanter une distorsion digne de sa rage étouffée, mais pour se complaire dans une forme d’auto-contemplation révulsée et dépressive." Pas mieux.

    Voir en ligne : http://www.playlistsociety.fr/

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  • Tamaryn - The Waves 25 décembre 2010 06:46

    Je découvre votre site. Très bien fait, bravo. Je viens d’écouter Tamaryn et ça me fait penser à Warpaint et surout à Kyte. C’est très beau aussi.

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    • Tamaryn - The Waves 26 décembre 2010 08:46, par Laurent

      Merci, et bienvenue à toi dont les comparaisons sont des plus pertinentes ! Au plaisir de te retrouver en 2011 sur un rythme plus soutenu, la fin d’année étant comme tu t’en doutes consacrée à une relative hibernation...

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