vendredi 4 février 2011, par
Nouveau Janus
Il y a comme une légère contradiction, une vague forme d’indécision plutôt, à ne donner d’autre intitulé à son premier album qu’un nom de baptême, cependant que la pochette présente un visage difforme, nébuleux, insaisissable en somme. Le message sous-jacent pourrait être interprété comme l’affirmation d’un être qui tend à nous dire qui il est sans réellement le savoir lui-même. En s’introduisant à nous de la sorte, James Blake cherche à faire immédiatement son entrée dans notre inconscient : un référent imprécis en pleine construction identitaire, un artiste mouvant qui ne saurait se laisser réifier par les idées reçues et les concepts arrêtés.
On ne devrait pas pour autant se satisfaire de cette explication ; car en y prêtant plus vivement attention, on comprend que le faciès de James Blake est moins vaporeux que gémellaire. C’est un nouveau Janus qui, comme dans l’antique tradition romaine, ouvre l’année avec ses deux visages : l’un tourné vers le passé et son parfum de regret, l’autre vers les promesses de demain. Et l’artiste qui perpétue si judicieusement ce mythe du passage ne pouvait mieux incarner sa musique, dont un œil scrute la source intarissable de la northern soul tandis que l’autre se braque droit vers le futur du dubstep... pour mieux le dévisager.
Dès Unluck, on s’imaginerait volontiers un Ray Charles réplicant, soignant son blues dans un centre de cryogénisation pour androïdes en plein mal du siècle. La voix plus que filtrée, lyophilisée, Blake triture artificiellement son larynx jusqu’à le réduire à une ligne de codes dont la beauté, en tous points contrefaite, n’en distille pas moins une fascinante poésie. Sur The Wilhelm Scream, on penserait plutôt à un Aaron Neville dont l’agonie serait froide et machinale. « I don’t know about my dreamin’ anymore. All that I know is that I’m fallin,’ fallin’, fallin’... » Si on devait prendre les paris sur ses rêves, on relirait Philip K. Dick en se demandant s’ils ne mettent pas en scène des moutons électriques.
C’est que, chantée a cappella, l’introduction de I Never Learnt to Share dévoile la fragilité naturelle de l’organe de Blake, comme pour mieux nous laisser soupçonner son humanité avant que la technologie ne reprenne peu à peu le dessus, et s’impose définitivement sur les deux parties de Lindisfarne. Enfin arrive Limit to Your Love, pièce centrale de l’album, véritable pierre ogivale aux allures de futur classique et qu’on retiendra certainement comme une des grandes chansons de 2011 [1]. Cela étant, le disque renferme encore de quoi lorgner sur son étalon-or, du 2-step efféminé de To Care (Like You) à ces Measurements qui se mesurent à Bon Iver, en passant par quelques capsules d’un jazz vocal pixellisé.
Janus, dieu des portes, a donc ouvert une entrée de plus, et ce que l’on découvre dans l’entrebâillement est une dimension sombre et diluvienne, un nouveau champ de possibles qui nous rappelle aux dystopies les moins rationnelles – et, partant, les plus plausibles. James Blake, sur ses deux visages, porte à la fois le masque tragique des messagers de la mélancolie et celui, plus réjouissant, des porteurs de belles promesses. Encore indéfinie aux entournures, sa personnalité se dessine cependant à traits subtils et, advienne que pourra, risque bien un jour de nous devenir chère.
Peu d’artistes se sont révélés aussi vite omniprésents que l’impeccable Fabrizio Modonese Palumbo. On a plongé dans sa collaboration avec Enrico Degani, découvert qu’on l’avait croisé chez Almagest ! puis réécoutés avec Larsen, en [collaboration avec Xiu Xiu, en tant que ( r ) ou maintenant sous son nom propre. Le tout en moins de deux ans.
L’album dont il est question aujourd’hui est une collection de (...)
On avait déjà confessé un goût prononcé pour ceux qui abordent la chanson française avec des envies résolument indé. Dans ce contingent, Volin nous avait beaucoup plu et on retrouve son leader Colin Vincent avec plaisir sur ce nouveau projet. Si on retrouve la même propension à garder des textes en français sur des musiques plus aventureuses, le style a un peu changé.
Accompagné de Maxime Rouayroux, (...)
Si on ne reçoit qu’avec parcimonie des nouvelles musicales de Pologne, force est de constater que celles qui nous parviennent sont toujours au minimum dignes d’intérêt (The Bullseyes, Izzy and the Black Trees) et on ajoute You.Guru a la liste.
Ce que propose le trio n’est vraiment du post-rock, mais un rock instrumental enlevé, pulsé. Un genre de math-rock qui serait allé se promener ou du Holy Fuck (...)
Il y a belle lurette qu’on célèbre des artistes provenant de la confédération helvétique. De Bitter Moon à Ventura en passant par Gina Eté, Odd Beholder ou Fai Baba, il y a clairement de quoi faire. La liste est longue et compte maintenant un nouveau non à retenir.
Quand on pratique un style électronique, il faut soit être fort subtil ou s’arranger pour que ça claque. C’est clairement la seconde option (...)