lundi 28 février 2011, par
Canal historique
Des guitares zèbrent le ciel, le clavier tombe en pluie, une voix perce le brouillard. Vous l’aurez remarqué, la météo n’est pas au beau fixe et les amateurs de cartes postales ne sont pas à la fête. I Lost The Signal propose ainsi pour un blues ralenti et tendu un peu inquiétant par la voix vénéneuse de Géraldine Swayne. Something Dirty ménage d’autres surprises, comme son introduction Tell The Bitch To Go Home qui sonne assez garage., tout en ajoutant suffisamment de bruit pour qu’on soit emportés. Ou dégoûtés, je me rends compte que cette probabilité n’est pas faible. Surtout qu’ils tracent leur propre chemin, au risque de perdre du monde en route. Créer des paysages sonores à base de batterie et de cris de guitare, voilà le challenge. En pratique, ça se traduit par des éclats de guitare avec de vrais morceaux de wah-wah dedans ou encore du terrorisme sonore (Pythagoras) qui sur un fond de batterie réminiscent du Colony de Joy Division sonne comme un soundcheck d’A Place To Bury Strangers. Kermesse donc.
Alors, oui, c’est rude, assez rude même… Et ne comptez pas sur moi pour vous faire croire qu’on en ressort indemne, qu’on s’y balade comme dans un album d’Au Revoir Simone. La remarque déjà citée sur la musique expérimentale garde une pertinence toute particulière en l’espèce. Surtout que l’aspect rêche et brut rend étrange certaines excentricités, comme les peu réjouissantes paroles en français de la plage titulaire ou ce type qui beugle du Françoise Hardy puis de l’engagement suranné sur un fond de caisses claires qu’on pensait remisées depuis Tago Mago (Je Bouffe).
Cette allusion à une œuvre majeure de Can n’est pas anodine, puisque Faust est une de ces formations survivantes du long soubresaut allemand qui secoua le monde la musique. Terroristes sonores, tendance canal historique donc. Quand on entend une basse tendue, on brandit le Krautrock, c’est un réflexe pavlovien bien connu des scribouillards musicaux que nous sommes. On a en effet souvent l’occasion de trouver des traces de Can dans plein de choses qu’on aime (de LCD Soundsystem à Fujiya & Miyagi en passant par Portishead ou The Coral) mais le kraut, c’était plus vaste que ça, plus complexe. Si j’ai toujours autant de plaisir à réécouter du Can, j’avoue qu’il est plus difficile de se frotter à Faust ou Neu. Il fait être honnête, cette ancienneté n’a pas suffi à générer beaucoup de critiques ni de commentaires (en voici un petit). Les comparaisons avec Can peuvent sembler un peu trop évidentes mais c’est assez troublant, et pas toujours à l’avantage de ceux-ci. Certains anciens albums de Can restent toujours passionnants, au-delà même de leur intérêt historique. On peut aussi s’étonner que la relecture qui est faite du son de l’époque soit aussi littérale. Wire nous a montré dans un passé récent qu’on peut évoluer sans trop de nostalgie même après 35 ans d’existence.
L’expérimental, c’est aussi ça, le résultat d’un tri un peu lâche qui fait certes ressortir les bons moments (il y en a) mais impose de serrer les dents à d’autres. Cette survivance n’a pas rentré les griffes, ce qui réjouira sans doute les puristes mais le simple amateur que je suis n’a pas été conquis outre mesure.
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