vendredi 18 février 2011, par
Jeune vieux
On s’est déjà longuement étendu sur la question : la musique country-folk, pourtant attachée initialement à un terroir et à une tradition, s’est depuis longtemps affranchie des frontières qui l’ont vue naître. Si, aujourd’hui, cette conception du barde vagabond – « like a hobo, like a hobo »... d’accord, j’arrête – n’est plus l’apanage des Américains et de leurs paysages rocailleux, on ne réfrénera jamais totalement son étonnement à l’idée qu’elle soit si fidèlement incarnée par un natif des plates terres de Flandre.
Arborant modestement, sur la pochette de son second album, l’écharpe du Bob Dylan de “Blonde on Blonde”, le Gantois Bram Vanparys ne va pas chercher plus loin les comparaisons avec le maître du genre. Davantage porté sur le vague à l’âme que la protest song engagée, n’hésitant jamais à fricoter avec la fée électricité et substituant un chant racé aux inflexions nasillardes de rigueur, ce roi de nulle part est un songwriter économe mais jamais avare, un précieux chevalier de la subtilité.
D’“Alas My Love”, son précédent fait d’armes, on avait particulièrement apprécié la concision, l’art de s’inviter dans les foyers sans chercher à s’y imposer, cette façon d’être tendrement ardent sans brûler la moindre politesse. Sur “Eleonore”, les chansons prennent plus régulièrement leur temps mais, en neuf titres bien négociés, difficile de le trouver long. D’autant plus que Bram Vanparys sait encore comment laisser un auditeur sur sa faim, lorsque par exemple un fade out frustrant nous coupe en plein élan sur The Garden.
Indéniablement, le jeune homme prend de la bouteille. Or on peut parfois se demander si, dans ce registre épuré voire un tantinet conservateur, la maturation ne revêt pas rapidement des allures de vieillissement précoce. Alors, sénile le gamin ? Sur la plage titulaire en tout cas, il ne fait pas mystère de la modestie de ses ambitions : « What you see is what you get, Eleonore. » La fille en question joue même les personnages récurrents sur Girl from the Play, autre morceau aux charmes exempts de juvénisme. « Just like a woman », aurait dit Bob.
Pourtant, dans les gracieux arrangements co-signés par Koen Gisen, on trouve toujours de quoi conserver l’émoi intact : un piano qu’on frôle sur Sleeping Miners, ou celui qu’An Pierlé – comme par hasard – maltraite avec amour sur Some Are Fearful ; l’ambiance western-spaghetti de Hear Them Calling ; quand ce n’est pas, tout simplement, le chant habité de Vanparys qui nous emmène sur des points culminants que son pays d’origine ne connaît pas (The Poet, Mother).
Il y a une force tranquille à l’œuvre sur ce disque, une mise à nu qui se fait tout en pudeur, une sagesse à peine croyable de la part d’un garçon de pas même vingt-cinq berges – comme Bob Dylan à l’époque où il enregistrait... “Blonde on Blonde” ! Sous son écharpe rayée en laine, le cœur de Bram Vanparys est frileux et, pour peu qu’on aime se frotter à une musique dépourvue de fièvre mais pas de chaleur, ses frissons sont contagieux. Alors on sort la bouillotte et, tant que durera l’hiver, on s’écoute ça sous la couette.
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