samedi 14 mai 2011, par
Pour s’enfiler quelque chose d’un peu plus digeste le week-end, revenons sur quelques disques dont on n’a pas trouvé l’occasion de parler en long et en large. Du coup, autant en parler vite et bien, comme ça vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous aura pas prévenus... C’est parti cette semaine pour dix albums de musiques urbaines, entre électro et hip-hop plus ou moins tous publics, de quoi battre le pavé tant qu’il est chaud.
Quand on se penche sur ce que le web dit de Fredrik, trio suédois éligible au statut de future valeur sûre, on n’arrête pas de lire des références au folk pastoral. Curieux car, hormis peut-être sur Inventress of Ill, leur musique nous semble plutôt s’inscrire dans une sorte d’électro claire-obscure, orchestrée et régulièrement envoûtante, suffisamment intrigante en tout cas pour expliquer ce doux fumet de hype qui annonce leur arrivée sur la scène internationale. On retrouve sur “Flora” des moments d’authentique communion avec la nature, mais une nature déformée dans un cauchemar pixellisé, comme celle que défendait récemment Julianna Barwick – en version nocturne (Ylva). Sinon, on situerait plutôt Fredrik entre les moments apaisés de Fedaden et de Memory Tapes. Humblement prometteur.
Est-ce que la musique de Gang Gang Dance se danse ? Est-ce qu’elle peut s’écouter, seulement, sans entraîner d’effets secondaires ? En ouverture, les 11 minutes de Glass Jar accomplissent le plus gros travail de sape cérébrale depuis le Surf Solar des Fuck Buttons. Et quand la voix de Lizzie Bougatsos, comme échappée d’un Bollywood de supernova, d’un Orient complètement à l’ouest, vient ajouter à l’hypnose, tout contact visuel est vain comme tout “Eye Contact” est sain. Incorporant des éléments empruntés au math-rock (Chinese High) ou à The Knife revu et corrigé up-tempo (MindKilla), l’album réussit à produire un de ces magmas sonores qui ne confinent pas à la bouillie, et dont l’incandescence se vit comme une expérience jusqu’au bout du corps.
Tout le monde ou presque a déjà entendu parler de “The Fall”, le fameux disque réalisé par Damon Albarn sur son Ipad fraîchement acquis, et offert par Gorillaz à ses fans le jour de Noël. Parce que beaucoup d’entre eux avaient une dinde au four le 25 décembre dernier, peu ont jugé utile de jeter une oreille à cet album sorti après les tops de fin d’année. Ils sont passés à côté d’une collection de bidouillages sonores tout au plus sympathiques, loin en tout cas de la géniale pop mutante de “Plastic Beach” dont elle constitue un complément mineur, aujourd’hui disponible au format physique. Un achat dispensable, on l’aura compris, mais peut-être Damon vous aura-t-il donné envie de mettre un peu de sous de côté pour vous payer la même tablette que lui.
Au sein de ses World Famous Beat Junkies, le DJ californien J Rocc avait déjà fait tourner quelques têtes – et une tripotée de vinyles. L’art du turntablism, il l’envisage au même titre que beaucoup de ses congénères, comme une affaire d’archéologue ; un fouineur de sons prêt à coller des centaines de fragments bout à bout, non pour reconstituer un artefact, mais bien pour en construire de nouveaux. L’introduction Rocchead’s Delight fait à ce niveau bien plus fort qu’un Girl Talk ou un DJ Shadow, plus proche en réalité de l’esprit bricoleur assez bon enfant des Avalanches et autres Books. La suite ne trompe cependant pas : on évolue bien en territoire hip-hop, comme le prouvent maints grooves décontractés, si bien que les 7 minutes disco de Party viennent, à la limite, plutôt jouer les trouble-fêtes.
C’est le problème avec ces fichues attentes : on nous annonce la venue d’une nouvelle prophétesse prête à poursuivre l’œuvre de « mainstreamisation » du dubstep, et nous on s’emballe, on s’emballe... pour se retrouver face à quoi, au final ? Une fille qui sait se servir d’un ordinateur et de son joli grain de voix à l’accent londonien charmant, pour produire un single efficace (Katy on a Mission) et un jeu de mots douteux (Witches Brew), mais surtout beaucoup de house sortie du garage pour faire danser les plages méditerranéennes. Subissant ces 50 minutes de rythmiques bourrines loin des boiler rooms festivalières, on trouve le temps long, très long, d’autant plus quand on est happé sans prévenir par les sangsues lounge de l’interminable Hard to Get. Vite, une bonne bouffée de punk-rock !
En utilisant la caution d’un faux groupe de rap bling-bling pour récupérer tous les clichés du genre et faire passer les pires insanités dans leurs sketches musicaux, Andy Samberg et ses deux acolytes pourraient bien avoir inventé une nouvelle forme d’humour parodique, mainstream mais politiquement incorrect, souvent fin mais archi-vulgaire. Si le principal intérêt du disque réside sans doute dans le DVD de clips tordants qui l’accompagne, les chansons possèdent une efficacité propre. Les textes résument ce qui se fait de plus hénaurme en matière de drôlerie au Saturday Night Live, portés par une artillerie sonore qui ferait passer le budget pub de TF1 pour un sponsoring de soirée scoute. Et puis, un album où se côtoient Beck et Michael Bolton ne peut, en soi, que redéfinir le sens du mot « décalage ».
Après avoir publié un des meilleurs albums hip-hop de la décennie écoulée – “The Cool”, qui portait drôlement bien son nom – c’est peu dire que Lupe Fiasco était attendu au tournant. Et le virage en question débouche sur une impasse : un ou deux titres à la hauteur (très bon All Black Everything), mais surtout un ramassis de pelures FM où le Chicagoan cède, entre autres vices, à cette abjecte tendance des hitmakers américains à découvrir l’eurodance avec vingt ans de retard, pour l’ériger en nouveau sommet du cool des matières sonores. Fait avec humour comme chez TTC, c’est jouissif. Ici, c’est bêtement putassier et parfaitement... loupé : un beau fiasco. Venant d’un gars qui avait jadis eu le bon goût de sampler Thom Yorke, on ne peut que constater le laisser-aller.
L’univers ultra conceptuel de Stupeflip, sa mythologie de carton-pâte où sectes du futur et personnages de rappeurs hardcore croisent les tentatives commerciales de PopHip, a sans doute joué un rôle plus déterminant dans son parcours que les compositions foutraques du schizophrénique Julien Barthélémy. Cependant, six ans après un “Stup Religion” décalqué sur le premier album, le Crou est de retour en plutôt bonne forme. Il y a ici des brûlots de rap hurleur (Stupeflip Vite !!! , Check da Krou), des instrus malsains (La Menuiserie, Sinode Pibouin), des tubes rigolos (Hater’s Killah, Gem lé Moch’) et de vrais morceaux pour plaire aux radios déjantées (Gaëlle, Ce Petit Blouson en Daim). Dans sa catégorie, Stupeflip n’étonne plus mais reste imbattable. Être seul dans sa catégorie, ça aide aussi.
Si vous vivez sur une planète musicale dont les habitants ont omis d’en pratiquer l’idiome, on ne vous a peut-être pas dit que le hip-hop vernaculaire avait enfanté de nouveaux dialectes. Odd Future, la coqueluche du moment, est un collectif responsable de plusieurs méfaits soniques et visuels en libre service, et Tyler the Creator est son plus sûr atout. Sur son deuxième album, il décline un rap lent et ultra malsain, déclamé d’une voix de zombie de 19 ans hanté par celle de sa mauvaise conscience. Le gamin s’en tamponne, choque, rumine sur 15 titres ses obsessions pour le sexe et la violence avant de se laisser aller à la confidence en toute fin de parcours (Golden). Dérangé et dérangeant, Tyler fait souffler un vent fétide de nouveauté sur le hip-hop : enfin, du rap qui fait vraiment peur.
Le traitement infligé à la soul par un James Blake la diluant génialement dans le dubstep, voilà ce dont Jamie Woon semble avoir voulu s’inspirer pour donner forme à sa musique ; si ce n’est qu’ici, la matière première toucherait plutôt au r’n’b contemporain, tel qu’il fait les beaux jours des radios-matraques. La suite coule de source : difficile de comparer Ray Charles et Usher, de confondre Smokey Robinson et R. Kelly, d’imaginer les Temptations frayer avec les Boyz II Men. Aussi, pour original que sonne le résultat, on se départ difficilement du sentiment qu’il est appelé à séduire de plus jeunes générations que la nôtre, et que le procédé ne fait jamais que prolonger certaines techniques de juxtaposition tentées en leur temps par Craig David.
Alors que les dossiers de presse font état d’un album qui n’existe que dans la tête de ceux qui le défendent, il est difficile de faire mieux que Un album de la presque-maturité où la mélancolie succède presque au second degré... Cela risque d’en faire pleurer plus d’un·e !
Cette laconique présentation met le doigt sur ce qui fait la spécificité de Peritelle, ’presque’. Parce que c’est dans (…)
Pendant plusieurs années, on a pris l’habitude de croiser des morceaux de Glauque, à un tel point qu’on était persuadés que ce premier album n’en était pas un. Mais entre recevoir un morceau percutant de temps en temps et enchainer autant d’upercuts d’un coup, il y a tout de même une fameuse marge.
Evidemment, le champ lexical de la boxe n’est pas facile à éviter ici. ‘Album coup-de-poing’ (…)
Au moment d’aborder un album, on est parfois submergés par les informations, les intentions et les comparaisons aussi élogieuses que non pertinentes. Le collectif de Toronto (une vingtaine de membres quand même) ne suit décidément pas cette tendance tant il est compliqué de savoir qui fait quoi, voire qui en fait partie tout court. C’est sans doute voulu et cohérent avec le forcément un peu (…)
On ne peut pas dire qu’en tant que ville industrielle, Charleroi nous ait livré autant de frissons musicaux que, disons Sheffield ou Manchester. Et si ça changeait ? On n’en sait rien mais un environnement pareil peut aussi être stimulant comme peut le prouver le groupe du jour, distribué par les Liégeois de Jaune Orange montre une belle vitalité.
L’immédiateté, les avis rapides et (…)