mardi 7 juin 2011, par
Le mot est lâché
Un bon feuilleton, c’est d’abord une bonne histoire. Le pitch de cette quatrième saison des aventures d’Alex Turner – sans compter les spin-off – c’est l’envie du petit gars de Sheffield de renouer avec l’humour de “Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not”. Cinq ans déjà. Cinq ans seulement. Dans cet intervalle, les Arctic Monkeys sont devenus une institution, un des derniers groupes de leur génération à faire du rock à guitares sans être snobés par les radios. Et leur leader, ex-freluquet timide reconverti en éphèbe sympatoche, est considéré à juste titre comme un des plus grands songwriters britons. La preuve avec le disque hyper classe des Last Shadow Puppets, dont on a récemment bien compris que son pote Miles Kane n’y jouait pas les faire-valoir, et puis ce superbe mini-album signé en solo pour accompagner le film “Submarine”.
Après le surprenant “Humbug”, qui voyait la saga transposée dans le désert californien à l’invitation de Josh Homme, special guest star de poids, on sent les Anglais décidés à revenir à quelque chose de moins rêche, de moins fruste ; bref, de plus anglais. Le premier single, un Don’t Sit Down ‘Cause I’ve Moved Your Chair ultra-rageur, n’est là que pour assurer gentiment la transition – ou pour brouiller les pistes. Envoyé en éclaireur il y a quelques mois, Brick By Brick avait fait plus fort encore : chanté par le batteur Matt Helders, hurlant à qui voulait l’entendre « I wanna rock n’roll ! », le morceau témoignait surtout d’un désir manifeste de se faire plaisir. La bande à Turner, qui s’est remise au boulot à Londres avec le fidèle James Ford, s’est ensuite envolée pour la Californie et y a enregistré en toute décontraction les douze titres de “Suck It and See”. Trois minutes et un chouïa de moyenne, avec une constante : l’absence totale de prise de tête.
Peut-on parler d’un album drôle ? Oui et non. Les Arctic Monkeys sont des déconneurs mais pas des guignols, et avant d’être un type impayable Alex Turner est surtout quelqu’un de spirituel. Aussi, selon l’importance qu’on attache aux paroles des chansons, sera-t-on plus ou moins charmé par leur goût du nonsense à la britannique. « Bite the lightning and tell me how it tastes, kung-fu fighting on your rollerskates, do the macarena in the devil’s lair. » Pas vraiment du Shakespeare et cependant, entre textes gratuitement absurdes et chansons d’amour déguisées en pantalonnades, la plume de Turner est plus aiguisée que jamais. Les fulgurances sont nombreuses, la subtilité omniprésente, seule l’intention s’affirme totalement modeste : « I poured my aching heart into a pop song, I couldn’t get the hang of poetry. »
Puisque le mot ‘pop’ est lâché, autant le dire toute de suite : certes, “Suck It and See” offre encore quelques brûlots aux amateurs de sensations fortes ; ça se passe en plein cœur de l’album avec le single précité, un Library Pictures jouissif de puissance débridée et le stoner All My Own Stunts, avec un discret Josh Homme dans les chœurs. Mais l’essentiel du disque fait la part belle aux refrains accrocheurs, aux mélodies qui se fredonnent sous la douche et aux guitares claires comme de l’eau de roche. Ce travail sur la clarté du son, particulièrement ostensible dans l’enchaînement des trois titres tamisés que sont Reckless Serenade, Piledriver Waltz et Love Is a Laserquest, n’empêche pas pour autant le groupe de s’offrir quelques moments de psychédélisme magmatique, comme sur les vaguement Madchester She’s Thunderstorms et That’s Where You’re Wrong¸ judicieusement placés en début en et en fin de parcours.
Pour les passages ouvertement pop, généralement mariés aux textes les plus cocasses, on se référera aux tubesques Black Treacle – avec son irrésistible leitmotiv guitaristique qui fleure déjà bon l’été – ou The Hellcat Spangled Shalalala, dont le titre dit assez son potentiel pour être chanté à tue-tête. On réservera cependant notre préférence à la formidable plage titulaire, coquettement cynique, délicieusement arrangée, et qui synthétise parfaitement les aspirations mi-aigres mi-douces de ce disque encore une fois réussi – à défaut de retrouver le niveau de géniale candeur d’un coup d’essai désormais mythique. L’incidence des projets parallèles déjà évoqués y est en tout cas manifeste, de même qu’on y entend encore des séquelles de “Humbug”. Au bout du compte, “Suck It and See” est le quatrième album le plus logique que le groupe pouvait produire. Pour ainsi dire, du Monkeys « classique ».
Les meilleurs feuilletons, sans doute, sont ceux qui savent s’arrêter à temps. On est loin de penser pourtant que les Arctic Monkeys ont tout dit, tant ils perpétuent leur savoir-faire avec un sens toujours plus aigu de la narration. Comme on retrouve avec enthousiasme des personnages de séries attachants, on écoute un nouvel album des Anglais pour le plaisir simple et sans effort de faire de nouvelles rencontres en territoire connu. Ni bousculé ni déçu, on sera encore au rendez-vous de la saison 5. Sans guetter la surprise, les bouleversements de casting ou l’œuvre définitive, mais juste pour vivre, le temps d’une douzaine de morceaux bien ficelés, les aventures addictives d’Alex Turner et consorts. On est désormais certain qu’on n’est pas près de s’en lasser, pas plus que les futurs épisodes ne risquent de transformer nos vies.
Un album d’inédits sortis pour le Record Store Day, ce n’est pas a priori la proposition la plus alléchante de la part de Wire, même si une discographie étalée sur 43 ans et des setlists imprévisibles regorgent de morceaux peu ou pas entendus. C’est sur le papier donc un album pour fans exclusifs, pour collectionneurs compulsifs et dont le résultat est hétéroclite. Enfin, tout ça serait vrai (…)
Parfois la sortie d’un album nous prend par surprise : on ne l’avait pas vu venir, on n’avait pas suivi les annonces.... Parfois, la surprise est même double car on apprend que c’est la "Part 1" et qu’il y aura donc une deuxième fournée, à l’Automne 2019 précisément. C’est le scénario pour ce nouvel album de Foals.
Car Foals, c’est un groupe qu’on suit désormais sans déplaisir, sachant (…)
Ici, on a toujours privilégié la critique et l’analyse plutôt que le versant personnel, on a toujours dit ‘on’ au lieu de ‘je’ mais bon, on a une vision différente pour certains artistes et il est aussi illusoire et inutile de la cacher. Ainsi le premier texte que j’ai écrit sur un album date de 1992 (non, il n’existe plus de trace du méfait) et traitait d’Amused to Death de Roger Waters, (…)
Le point d’entrée d’un groupe, l’album qui nous l’a fait découvrir, est loin d’être anodin, et conditionne l’image qu’on en aura pour le reste de leur carrière. Quand on découvre leurs débuts, tout va bien, mais il arrive qu’on l’aborde par la bande sans le vouloir. C’est ainsi que j’ai découvert Jesus and The Mary Chain via leur atypique Stoned and Dethroned et Ride à travers Carnival of (…)