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Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain

vendredi 17 juin 2011, par Laurent

Much ado about nothing


On va tout de suite se calmer. Dans une première moitié de 2011 qui proclame davantage la bonne forme des talents confirmés qu’elle ne révèle de nouvelles têtes essentielles, le premier album de Wu Lyf était attendu comme le messie par une horde de zombies en manque de chair fraîche et prêts à enfoncer des portes (ouvertes) au premier murmure de la hype. Ça, pour sûr, l’énigmatique groupe anglais a su faire le buzz avec une stratégie marketing vieille comme Mylène Farmer : le silence radio. Ce serait, malgré tout, oublier un peu vite les démos découvertes l’an dernier, suffisamment hétéroclites et fascinantes pour nourrir les plus grands fantasmes à l’égard de Wu Lyf, à l’acronyme déjà intrigant : « World Unite Lucifer Youth Foundation ».

Tout ça pour ça, serait-on tenté de dire aujourd’hui. Quel intérêt sur le long terme le quartette peut-il en effet retirer de cette publicité qui, volontaire ou non, n’en demeure pas moins mensongère ? Comment ne pas se dire, dès la première écoute de “Go Tell Fire to the Mountain”, que le groupe n’est pas (encore) à la hauteur de sa (non-)réputation ? Certes, la visibilité est un luxe que tous les artistes ne peuvent pas se payer, et la traînée de poudre qui a révélé Wu Lyf leur a sans doute rendu ce service en les plaçant sous les projecteurs alors même qu’ils n’avaient rien à montrer. Cela étant, ces gars vont désormais devoir composer avec la méfiance de ceux qui, comme ici, risquent de les blâmer d’avoir été autant surestimés.

Bien sûr, le soutien que leur apporteront certains, qui se donnent tant de mal pour avoir raison avant tout le monde (voir la couverture très prévisible des Inrocks), maintiendra quelque temps l’illusion. Mais on ne va tout de même pas se forcer à entendre sur ce disque la flamme de génie qu’on n’y entend pas. C’est d’autant plus regrettable qu’en réalité, “Go Tell Fire to the Mountain” est... un sacré bon album ! Seulement, en fait de fusion improbable entre les genres, d’un œcuménisme qui aurait érigé Wu Lyf en grand combo générationnel et universel, on a ni plus ni moins affaire ici à du chouette rock crypto-sataniste, volcanique en effet dans sa façon de charrier une constante odeur de soufre annonciatrice du feu. Comme le résume très bien le dernier titre du disque : Heavy Pop.

L’identité des Mancuniens, c’est d’abord la voix lycanthrope de leur chanteur Ellery Roberts, en éructation ininterrompue pendant trois quarts d’heure ; c’est aussi, évidemment, le facteur discriminatoire essentiel de l’adhésion à cette musique chargée, qui évoque des Crystal Antlers en pleine transe incantatoire avant le sacrifice humain. On pense aussi aux chantres du rock inquiétant tels que Current 93, en général sur la première moitié de chaque chanson, puisque presque toutes sont construites sur le même schéma de montée fiévreuse avant l’inévitable éruption. Et là, la comparaison qui revient le plus immanquablement à l’oreille, ce sont les Foals, pour le sens rythmique envoûtant et cette manie de faire sonner les guitares comme des brise-lames (de rasoir).

Bref, rien de fondamentalement inédit ici, quand bien même Wu Lyf n’a rien non plus du groupe baudruche qui s’évaporera comme il est venu. Se détachant du lot, d’excellents titres comme le limpide Concrete Gold, le troublant Dirt ou l’impeccable Cave Song – de loin le meilleur de l’album – prouvent que la formation, après s’être longtemps tue pour être sûre qu’on l’entende, a bel et bien des choses à dire. Pas de quoi fouetter un chat, se convertir à une secte ou sacrer Wu Lyf révélation de l’année. Mais en faisant abstraction ou, du moins, en exorcisant par la catharsis cette sensation d’avoir été floué par les apôtres de la hype, on peut légitimement apprécier – j’allais dire « en toute sérénité »... or voilà bien un mot à bannir définitivement du lexique musical en présence – cet album urgent, exténuant aussi, mais prometteur à défaut d’être incroyable.


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9 Messages

  • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 17 juin 2011 14:28, par Benjamin

    Je trouve ça dommage tout ce qui se passe autour de ce groupe : ça le dessert tragiquement alors qu’à mon avis les choses n’étaient nullement calculées (j’en pense un peu comme Joris dans les coms sur PS). Pour le reste, on est bien d’accord :)

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    • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 17 juin 2011 14:55, par Laurent

      Absolument. Et je devrais presque m’en vouloir d’avoir choisi cet angle pour parler du disque, mais en passant cet aspect sous silence j’aurais été ni plus ni moins qu’hypocrite. On est d’accord sur le fait que ça dessert ou, pire, desservira le groupe en fonction de ce qu’il aura à proposer plus tard. En attendant, l’essentiel c’est qu’on en ait entendu (beaucoup trop) parler, qu’on ne soit pas passé à côté de l’album et qu’on le trouve plutôt bon. Après, que sera sera.

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      • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 17 juin 2011 20:53, par Robja

        Salut à tous,

        Vous avez raison d’insister sur le "buzz" fait autour du groupe, mais il ne faudrait pas évacuer le fond au profit de la forme, ce qui est une aporie dans le contexte d’aujourd’hui. Bon, j’aurais mis quatres étoiles- peut-être qu’il manque la chanson à tomber par terre, en croix, agenouillé, et en proie à une transe mystique- effectivement. Néanmoins, je comprends les Inrocks sur ce coup-là. Le son est colossal, et ça me fait penser au premier album d’Arcade fire. Il faut l’écouter et le réécouter pour se persuader de sa déchirante richesse. Ce qui est ambivalent, c’est ce mélange de mélancolie et d’espérance, de hargne et de douceur. C’est un album à double tranchant, carnassier, c’est un uppercut enchanteur, une clameur moite et immémoriale, éraillée par une détresse intarissable, tranfigurée par un vacarme de cathédrale, éternisée par cette douleur à crever vivant, par ce fracas oecuménique à transpercer les os, à arracher les oreilles. Une mélopée liturgique et hallucinatoire, une déréliction musicale. Je parle d’oecuménie, mais aussi de déréliction, car c’est une musique qui isole, qui ne se partage pas.

        Je m’emballe un peu, certes. Je ne suis sans doute pas objectif. Ni serein.

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        • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 18 juin 2011 07:36, par Laurent

          Forcément, dès qu’un groupe enregistre dans une église, on pense à Arcade Fire. On imagine d’ici les formations données aux groupes débutants sur la meilleure façon de sonner mystique et abyssal, avec un stage de trois jours à Canterbury. ^^

          Plus sérieusement, merci pour ton commentaire qui a l’humilité de ne pas se prétendre objectif (comme si ma critique l’était...) tout en procédant lui-même, dirait-on, d’un certain état de transe priapique. ;D

          La richesse du disque est là, indéniable, mais il n’empêche que les morceaux ont tendance à obéir à une certaine forme de routine cachée sous une dose effectivement supérieure d’intensité (et l’intéressant côté "oxymorique" que tu fais bien de souligner). Cela dit j’ai entendu ailleurs au moins aussi riche, aussi intense, mais en moins crispant. Donc pour le morceau qui tue je retiens encore une fois Cave Song, et pour le reste une collection de chansons pas plus effrayantes que sur le dernier Tyler the Creator.

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          • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 18 juin 2011 16:47, par mmarsupilami

            Je dois bien avouer que mon scepticisme est sans limite dans ce cas d’école : la dénonciation d’un "buzz" dont je n’ai pas entendu parler. C’est fatalement la moitié de ma personnalité, celle du fouineur qui s’interpelle -voire !- s’en offusque (foutu orgueil !). Heureusement, cette moitié se fait facilement remettre à sa place par l’autre moitié, plus importante encore (ben oui, mes deux moitiés assemblées font un tout bien plus grand que un...), celle du rigolard empathique...

            C’est donc ce tout plus rigolard que vantard qui pose la question : Laurent (et tout le monde, puisque tout le monde semble opiner du bonnet de haut en bas) , tu peux m’expliquer où et sous quelle forme tout ça (la provocation au buzz) se passait ? Quelles sont ces courants qui transportent des buzz que je ne connais ?

            Bon week-end, mes amis !

            Pour éteindre vos troubles et noyer les buzz, écoutez simplement le nouveau Marissa Nadler.

            ’tain, c’est beau !

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            • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 18 juin 2011 21:57, par Joris

              Si je peux me permettre de (re)mettre mon grain de sel. Je comprends que tu n’aies pas vu le buzz, parce qu’il n’y a eu de buzz que pour les personnes qui étaient au courant. En bref, quelques vidéos sur Youtube, un article sur la Blogothèque, des live reports du Midi festival et des Transmusicales... Bref, que des choses qui passent facilement inaperçues si on ne les regarde pas en profondeur.

              C’est pour ça que le terme de buzz me parait inapproprié, parce qu’au final la seule chose qui distingue WU LYF des autres groupes du même genre, c’est qu’ils ne donnaient pas d’interview et qu’on attendait l’album avant d’en parler.

              Enfin, toute cette histoire me laisse assez perplexe, en ce qui me concerne le buzz ne m’atteint jamais, soit parce que je ne le vois pas, soit parce que j’en fais abstraction, ce qui est beaucoup plus facile que certains articles le laissent entendre. Et puis après tout, un buzz c’est pas une campagne de promo, c’est juste plusieurs personnes qui parlent de la même chose, donc c’est par définition contournable et involontaire...

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  • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 18 juin 2011 21:00, par Laurent

    Je conçois ta vexation... ^^

    Ça m’arrive presque chaque fois que je surprends une conversation entre ados. ;D

    Pour te répondre le plus simplement du monde : disons que les fomenteurs de buzz en tous genres (citons Inrocks, Pitchfork, Magic, j’en passe et des tas) annonçaient unanimement Wu Lyf comme la next big thing depuis une petite année maintenant... et ne sois pas chagrin si ça t’a échappé, l’important restant de partager la musique qu’on aime à grand renfort de défrichage et non celle qu’on nous dit qu’il faut aimer pour être à la page.

    Sinon, pour penser à autre chose j’écoute le dernier Boy et c’est aussi merveilleux (le Marissa étant encore en chemin entre les USA et ma boîte aux lettres, et parce que je préfère attendre de le tenir en main).

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  • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 19 juin 2011 06:51, par Laurent

    @ Joris (lire @ Mmarsupilami pour le com précédent)

    Tant mieux si tu arrives à faire abstraction de ce que tu as pu éventuellement lire sur Wu Lyf avant la sortie du disque. On est d’ailleurs bien d’accord sur le fait que cette publicité était globalement involontaire. Si j’écoute et essaye en tout cas de critiquer le disque pour ses qualités propres, il m’est cependant difficile de me dégager de deux a priori. Le premier, c’est le caractère enthousiasmant des démos, dont l’album ne me paraît pas totalement à la hauteur (c’est le cas de tant de LP qui ne tiennent pas aussi bien la route que les EP qui les précèdent). Et le second, c’est que quand tout le monde (pas le groupe mais bien plus de médias que tu n’en cites) dit que ça va être génial, je n’arrive personnellement pas à faire abstraction du fait que je ne suis pas d’accord avec des "professionnels de l’opinion" dont l’avis a précédé le mien et aurait pu m’influencer si j’avais moins... d’esprit critique. ^^

    Du reste, j’insiste pour répéter que j’aime cet album mais mets en garde (sur base de ma seule subjectivité) ceux qui croiraient qu’on assiste là à la naissance d’un nouveau groupe "important". On nous a déjà fait le coup en faisant jouer des rôles messianiques inappropriés à, par exemple, The XX, qui n’ont jamais fait que sortir un bon album. J’ai cru à l’époque, et soutiens toujours, que ça ne peut pas faire du bien aux artistes sur le long terme.

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  • Wu Lyf - Go Tell Fire to the Mountain 21 juin 2011 21:53, par Seb H.

    J’ai l’impression que ce album, au lieu de tomber du bon côté de mes synapses, s’en est allé percuter mon cerveau et s’y est évaporé faute d’avoir pu s’y connecter à quoi que ce soit. Voilà donc, très peu pour moi.

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