vendredi 18 avril 2014, par
Perle des sables
Il est des étiquettes tellement intrigantes et percutantes qu’il semble compliqué de les éluder. Et rien à faire, quand on me sort l’analogie de « Nick Drake des sables », je suis forcément curieux. Le plus surprenant, c’est que ce rapprochement est tout de suite confirmé par ce qu’on écoute. Nick Drake donc, dont Jawhar a un peu la voix et la mélodie traînante et langoureuse (Allemni). Mais pas l’arpège caractéristique. Pourtant, ce morceau est inspiré d’un genre tunisien populaire et un peu mal famé, le mezoued, a priori éloigné de l’univers de l’anglais disparu il y a déjà 40 ans. L’allusion au sable venant, lui du surprenant emploi de la langue arabe, majoritaire sur cet album.
La musique arabe, c’est un peu comme le cinéma indien, un monde tellement loin de mes références qu’il est illusoire de le soumettre à l’exercice critique et a priori peu attirant au premier degré pour s’y abandonner. Il a reçu un octave de la musique (genre de Victoires de la musique à la Belge) dans la catégorie ‘musique du monde’. Ce qui est en partie étrange parce qu’aufinal, et à part dans l’emploi de la langue, on sent moins d’influence orientale que sur l’album My Wilderness de Piers Faccini. Lequel pourrait être pris pour une référence valide. La comparaison est facile mais il cède aussi à la tentation de la chanson en français. Et il a bien raison. Evidemment, c’est moins singulier, mais on ne peut s’empêcher de penser qu’il a une personnalité qui lui permettrait de se distinguer dans notre langue aussi, lui qui est installé en Belgique. Notons aussi qu’on entend de l’anglais (Such A Breeze, If I Rise) sur cet album, et que le passage d’une langue à l’autre sans en altérer le style est très fluide. De plus, le joli gimmick triste de Sulphur & Stone apporte un vrai charme musical.
Parce que oui, au-delà du pitch et du dépaysement relatif, cet album brille surtout par ses morceaux. Amaman pourra vous rester longtemps en tête, comme pouvaient être obsédantes des mélodies anglo-saxonnes quand on n’en comprenait pas encore les mots. Et puis, de façon très pertinente et pédagogique, les textes sont expliqués sur bandcamp, ce qui tend encore à rapprocher de ces histoires intemporelles.
Si c’est le recueillement et une certaine langueur qui baignent cet album, il n’en est pas pour autant lymphatique, remué qu’il peut être par le chouette orgue d’Ayech ou à l’occasion du mid-tempo Tahellic
‘Venez pour la curiosité, restez pour les chansons’ pourrait être le slogan de cet album de Jawhar. Parce qu’au-delà d’une barrière de la langue qu’on oublie vite, on est séduit et tentés de se baigner encore et encore dans le sable chaud de cet album qui vibre.
Il sera le 18 mai au Botanique de Bruxelles dans le cadre des Nuits Botanique 2014
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