vendredi 24 avril 2015, par
Il y a deux catégories de pères fondateurs. Ceux qui sont toujours révérés pour leur œuvre, dont les noms sont connus même de ceux dont la musique n’est pas la préoccupation principale, dont les albums sont légendaires et décortiqués à l’extrême. Elvis, les Beatles, les Rolling Stones, Led Zeppelin, tout ça... Dans l’inconscient collectif, ils ont été novateurs, ont changé les choses. Mais leur influence est tellement absorbée qu’on n’en sent même plus les traces dans la musique actuelle.
Et puis il y a les autres, (relativement) plus obscurs mais dont étrangement il subsiste des traces bien plus marquées dans des pans entiers de la musique actuelle. Ce sont des formations comme Sonic Youth, Velvet Underground, Can ou Wire. Il est donc doublement intéressant de découvrir un album de Wire, tant ce groupe a marqué l’histoire et a su rester pertinent.
Un petit tour du côté de ceux qui les ont repris est d’ailleurs bien éclairant. De REM à Spoon en passant par une kyrielle de groupes shoegaze ou U2, ils savent ce qu’ils doivent à ce groupe anglais. Ce que la légende du rock n’avait pas prévu, c’est le vieillissement des cadres, ce que deviendrait la fureur juvénile quand l’âge est là. Une des réponses peut venir de ce quatorzième album déjà depuis 1977 qui ne donne jamais l’impression d’entendre de la musique du passé.
La dernière partie de la carrière de Wire est vraiment active, avec un quatrième album en huit ans, soit une production tout à fait dans la norme d’un groupe en activité. Et le plus étonnant, c’est de constater que ces albums se suivent sans nécessairement se ressembler. Après avoir mis à forme des maquettes vieilles de trente ans pour Change Become Us, ils se sont concentrés sur du tout nouveau matériel.
Très nouveau même puisque Blogging déballe toutes les lubies électroniques de notre époque. Dingue d’entendre parler de twitter, d’ebay et Apple par la voix qui nous a jadis livré 12 X U. D’une manière générale, la cuvée 2015 de Wire est plus douce, plus gouleyante, ce qui pourrait paraitre un non-sens en leur chef. Ils déroulent tranquillement (trop ?) Shifting et on se surprend à se laisser bercer par la beauté des accords doux-amers d’In Manchester ou Sleep-Walking. C’est donc occasionnellement une musique qui prend son temps, ce qu’on n’aurait pas pensé dire un jour d’un groupe qui a livré des albums de 21 titres en 35 minutes (réécoutez Pink Flag, faites-vous plaisir).
Ils osent même la montée sur Swallow, ce qui n’est pas dans leur habitude mais évidemment, ça ne peut que marcher. Le moins conforme reste le plus lourd Harpoon planté en toute fin d’album, grand morceau intense de onze minutes.
Intemporel est un terme un peu galvaudé à notre époque qui appose sans problème des nostalgies de toutes les périodes. Pourtant, il convient rarement aussi bien que pour ce groupe. Il faudrait une analyse plus poussée pour le confirmer, mais le nombre de formations issus directement de la période punk et encore pertinents dans leurs sorties en 2015 est plus que limité. En clair, je n’en vois pas d’autres pouvant nous encourager à les suivre pendant près de 40 ans.
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