mardi 2 août 2016, par
Dans l’énorme réserve de disques d’EveryDay Music à Seattle, Johnny Halliday est relégué dans le rayon ‘world music’, ce qui en dit long sur la popularité des musiciens français Outre-Atlantique. Comme souvent, les paroles ne sont pas comprises dans des cultures non francophones. Mais dans le cas de Gainsbourg, le potentiel allusif et salace de la musique et de l’interprétation seule est suffisant pour en faire l’auteur français le plus exportable, le plus respecté hors du cocon franco-français. Pour lui rendre hommage donc, on a échappé à une bien putassière ‘Génération Gainsbourg’. A la place, on a eu un joli casting pour Monsieur Gainsbourg Revisited. Et puis, surtout, il y avait les deux magnifiques albums de Mick Harvey, Intoxicated Man (1995) et Pink Elephants (1997). Il donne donc une suite près de vingt ans après, en gardant aussi l’allusion éthylique dans le titre.
Il n’est évidemment pas resté inactif depuis, lui qui est aussi connu pour avoir fait partie des Bad Seeds de Nick Cave et qui maintenant accompagne PJ Harvey (pure homonymie) sur les routes. On a notamment reparlé de lui ici à l’occasion de la sortie de son plutôt réussi Four (Acts of Love) et on se souvient aussi de fantastiques musiques de film (Ghost... of The Civil Dead).
Mais son acte de bravoure, c’est de s’attaquer par la face nord à l’imposante discographie du sulfureux Serge. Tout d’abord, il y a l’obstacle de la langue, parce que Gainsbourg s’en joue, multipliant les allitérations et les rimes improbables. Et cette mission-là est encore une fois accomplie, l’esprit semblant plus important qu’une lettre qui n’aurait pas passé la rampe de la traduction littérale.
Musicalement ensuite, le défi de taille est aussi réussi. Il a en effet décidé de faire aux chansons de Gainsbourg une balade du côté des Bad Seeds. Le traitement convient particulièrement à Man with The Cabbage Head. C’est puissant, plus distordu et évidemment complètement en ligne avec la façon de la bande de Nick Cave. Ce qui nous vaut une bonne dose de noirceur qui va bien au teint de ces morceaux. I Envisage (J’envisage) en devient moite et vénéneux, ce qui colle quand même bien au sujet, tout comme à The Convict Song (La Chanson du Forçat) qui se voit assez profondément réinterprétée, elle qui était assez minimaliste dans sa version originale. Le cabaret vénéneux de Deadly Tedium (Ce Mortel Ennui) vaut aussi le déplacement, tout comme Boomerang qui semble bien plus percutante que la version originale. Étrangement, on retrouve notamment Bertrand Burgalat à la mise en son, tout comme sur les deux premiers exercices. Le résultat est en tout cas assez différent de ce que nous sert le responsable du label Tricatel.
Ce qui frappe aussi, c’est la cohérence entre les morceaux, pourtant des relectures de chansons pouvant avoir vingt ans de différence. La sélection est d’ailleurs assez pertinente et fait la part belle aux chemins de traverse de la discographie, empruntant notamment beaucoup aux musiques de film. Ce qui fait que quelqu’un ne connaissant pas tous les recoins du maitre pourrait prendre ces morceaux comme de bonnes nouvelles compositions. A Violent Poison aurait pu se retrouver sur les albums solo d’Harvey, et on imagine que Nick Cave en ferait aussi quelque chose de grand. On distingue cependant quelques gimmicks vraiment brillants qui ont été pertinemment gardés. Le piano de More and More, Less and Less par exemple. Evidemment, il puise aussi dans le patrimoine, on n’échappe donc pas à Coffee Colour (couleur Café).
Sur les deux premiers albums d’hommage, une certaine Anita Lane remplaçait les collaboratrices féminines certes légendaires mais uniformément limitées vocalement. Le résultat était vraiment troublant mais ce n’est plus la trop sous-estimée Australienne qu’on retrouve ici mais une certaine Xanthe Waite qui remplit fort bien sa part du travail. Plus en tous cas que sa femme Katy Beale qui est plus proche du niveau des collaboratrices originales (moins bien, donc) sur The Decadance (La Décadanse) qui garde sa sublime mélodie.
Vingt ans après avoir transposé des morceaux de Gainsbourg pour le public anglophone, l’Australien Mick Harvey est plus que jamais l’homme de la situation. Pour ceux qui sont ferrés dans cette grosse discographie, c’est une relecture plus sombre et dense qui montre à quel point tous ces morceaux tiennent le choc des années. Pour les amateurs du genre qui n’ont qu’une connaissance superficielle, c’est tout simplement un bon album de rock noir avec des compositions au top.
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