Accueil > Critiques > 2017

Feist - Pleasure

jeudi 1er juin 2017, par marc


La trajectoire d’un artiste va parfois vers la limpidité, vers l’épure et la simplicité de la forme. C’est le cas de Dominique A par exemple. A l’inverse, notre amie Leslie Feist semble aller vers plus de complexité au fur et à mesure des albums.

C’est avec son second album Let I Die qu’elle s’était signalé au public européen. C’était d’une délicatesse extrême, d’une subtilité qui tutoyait parfois l’évanescence. Elle a alors bien évolué, captant l’énergie et l’électricité sur l’épatant The Reminder et puis a encore sensiblement évolué sur le plus ample Metals. Si on trace une ligne qui passe par tous ces points, on a presque tout ce qu’il faut pour extrapoler ce Pleasures. On devine entre les lignes qu’il n’est pas limpide, qu’il peut se révéler tortueux, décourageant presque lors des premières écoutes.

Pourtant, à l’analyse, c’est du Feist pur jus. La voix est là, et tous les effets dont elle s’habille aussi. Les morceaux ne sont pas exagérément longs, déstructurés ou dingues, mais on a l’impression que tout a été fait pour en éliminer tout le côté mignon ou soyeux qui caractérisait ses débuts. Le single est ce morceau placé en avant et on ne peut pas dire qu’il cache ses intentions. Il y a des variations, du nerf.

Pour varier donc, elle parsème ses morceaux qui peuvent aussi s’envisager avec des atours simples tant le son est singulier. Elle le roule dans la poussière parfois (Any Party), le saupoudre quelques notes de grosses guitares (I Wish I Didn’t Miss You), utilise des chœurs et même respons (A Man Is Not His Song). L’intensité nait parfois de ces frottements, au détour d’I’m Not Running Away. Elle se livre en tout cas presque sans retenue, ses éruptions étant un peu plus proches d’une PJ Harvey.

Il y a aussi de l’intensité et de la furie sur la première partie de Century et puis après un arrêt, un certain Jarvis Cocker s’en mêle et la fin a la force du Pulp des grands jours. Pour le coup, on aurait aimé prolonger le voyage parce que c’est haut la main le meilleur moment du disque.

On ne conseillera sans doute pas cet album au profane. Il existe en effet bien des albums dans sa discographie qui sont d’un abord plus facile (tous, en fait…). Non, ce n’est pas un album ‘facile’, immédiatement plaisant. Mais il intrigue d’emblée avant de révéler ses charmes. Ne reprenant jamais l’auditeur à rebrousse-poil, il montre que Feist sait exactement où elle va et comment y aller.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Yoo Doo Right - From the Heights of Our Pastureland

    Il y aurait beaucoup à écrire sur les groupes dont les noms évoquent des morceaux d’autres artistes. Obligatoire pour les tribute-bands, cet hommage se retrouve souvent entre Radiohead, dEUS ou The Blank Agains ou Don Aman. Si le nom du groupe de Montréal nous a tout de suite évoqué un classique de Can, la musique n’est pas Kraut ici. Ou pas que.
    Même s’il ne convient pas de juger un livre (…)

  • Sunset Rubdown - Always Happy To Explode

    On a constaté récemment que le talent de Spencer Krug s’exprime le mieux dans deux pôles opposés. Le premier est plus sobre, en piano-voix souvent et dégage une émotion certaine. L’autre est plus épique et peut prendre des formes diverses, plus électriques et incandescentes avec Dan Boeckner au sein de Wolf Parade, plus synthétique quand Moonface rencontre les Finnois de Siinai. Ou alors plus (…)

  • Spencer Krug – 20202021 Solo Piano

    Il y a sans doute une schizophrénie musicale chez Spencer Krug, et sa créativité peut prendre tellement de formes qu’on n’est jamais à l’abri d’une surprise. Donc, pendant les sessions de répétition de Wolf Parade, il a en un jour réenregistré en version piano-voix ls morceaux de son album [Twenty Twenty Twenty One]->2609] qui venait de sortir. Cette sortie qui précède de peu le retour de (…)

  • Islands – What Occurs

    Kate Nash, Menomena, The Decemberists et maintenant Islands avant bientôt Bright Eyes, il faut se pincer pour ne pas se sentir quinze and en arrière. Mais bon, comme ce sont de bons souvenirs et que tout le monde est dans une forme créative manifeste, on ne va pas bouder son plaisir.
    Dans le cas du groupe Canadien, ce n’est pas exactement un retour vu qu’ils sont dans une période plutôt (…)

  • Jawhar - Khyoot

    Comme Raoul Vignal dans un genre proche, l’évolution de Jawhar l’amène à plus de douceur, à plus de rondeur, avec une vraie beauté qui en résulte, un peu différente de celle des débuts, mais tout autant indéniable. Lui qu’on avait notamment entendu aux côtés de Françoiz Breut ou Monolithe Noir dans un passé récent, il reprend ici le fil de sa discographie avec une certaine continuité. Ne (…)

  • Raoul Vignal – Shadow Bands

    On apprécie toujours le retour d’un ami de longue date, surtout s’il reste empreint d’une grande beauté. Comme on l’avait signalé à la sortie du précédent Years in Marble, il s’éloigne d’influences comme Nick Drake (avec un picking virtuose) pour favoriser un mid-tempo qui coule de source comme South, Brother qui relate ses retrouvailles avec son frère qui vit en Espagne. La finesse d’écriture (…)

  • The Golden Son - I am Who am I

    On l’a dit, on connait remarquablement peu d’artistes pour les plus de 2000 critiques écrites ici. Pourtant quelques camaraderies virtuelles ont pu se développer. A force de commenter les albums de The Imaginary Suitcase, j’ai même eu droit à une écoute préliminaire de cet album. Ceci est juste une petite mise au point au cas où vous viendrez fort légitimement douter de mon objectivité en la (…)

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)