Accueil > Critiques > 2018

I am Stramgram - Tentacles

mercredi 24 janvier 2018, par marc


En littérature, on appelle épopée savante une épopée issue de l’imagination d’un auteur et non la retranscription d’une légende orale. En musique, on a aussi une lignée d’artistes se débrouillant seuls ou presque qui ont su nous enchanter ces dernières années. Citons The Callstore ou Noiserv. On distingue le même côté moins organique imposé par le procédé et la même constance dans le résultat même si ici la gamme semble plus élargie encore.

Vincent Jouffroy est de cette trempe-là et après s’être distingué en remportant le prix Ricard Live Music en 2016, il livre ici un album varié et solide à la fois. Sur base du délicat single Serra ‘s Snake (on y reviendra), on pouvait s’attendre à de la douceur. On la retrouve tout de suite, certes, mais elle est assez vite bousculée par une belle montée sur Underwater Tank qui se permet aussi de laisser retomber la pression pour mieux la remettre. On sait donc qu’il y aura de l’intensité, qu’on tient peut-être un des premiers bons albums de ce 2018 qui débute seulement.

Pour encore mieux brouiller les pistes, il ajoute de la pulsation sur Nothing but The Time You Waste qui apporte bien vite un changement de direction. Cela dit, ce morceau est à peu près le seul de son genre sur cet album et c’est ce qui semble justifier les références revendiquées à des artistes comme Beck ou Eels. Pour le reste, il peut se lancer dans un lancinant Set a Thought ou combiner harmonies vocales et grosse guitare pour pousser Eaten Alive vers le haut.

On dépasse donc la délicatesse pour l’intensité et c’est très bien comme ça puisque si on retrouve plein de belles envolées, elles ne sont pas systématiques. L’emploi de l’anglais ne l’est pas non plus puisque Serra’s Snake est en grande partie chanté en français. La montée suer ce morceau ne se fait pas en mode électrique et on peut sans trop s’avancer penser que ça plaira aux nombreux amateurs de Sufjan Stevens. La voix a plutôt des accents de Damon Albarn sur beau et élégiaque Safes.

On sent que c’est un talent seul aux commandes de ce projet parce que le son y est typique. Mais on sent que Vincent Jouffroy sait exactement où il veut aller et sait adapter son style à ses envies. Le résultat est la première grande découverte de 2018.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Jawhar - Khyoot

    Comme Raoul Vignal dans un genre proche, l’évolution de Jawhar l’amène à plus de douceur, à plus de rondeur, avec une vraie beauté qui en résulte, un peu différente de celle des débuts, mais tout autant indéniable. Lui qu’on avait notamment entendu aux côtés de Françoiz Breut ou Monolithe Noir dans un passé récent, il reprend ici le fil de sa discographie avec une certaine continuité. Ne (…)

  • Raoul Vignal – Shadow Bands

    On apprécie toujours le retour d’un ami de longue date, surtout s’il reste empreint d’une grande beauté. Comme on l’avait signalé à la sortie du précédent Years in Marble, il s’éloigne d’influences comme Nick Drake (avec un picking virtuose) pour favoriser un mid-tempo qui coule de source comme South, Brother qui relate ses retrouvailles avec son frère qui vit en Espagne. La finesse d’écriture (…)

  • The Golden Son - I am Who am I

    On l’a dit, on connait remarquablement peu d’artistes pour les plus de 2000 critiques écrites ici. Pourtant quelques camaraderies virtuelles ont pu se développer. A force de commenter les albums de The Imaginary Suitcase, j’ai même eu droit à une écoute préliminaire de cet album. Ceci est juste une petite mise au point au cas où vous viendrez fort légitimement douter de mon objectivité en la (…)

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)