Accueil > Critiques > 2019

Morrissey - California Son

mercredi 29 mai 2019, par marc


I thought that if you had an acoustic guitar
Then it meant that you were
A protest singer
Oh, I can smile about it now
But at the time it was terrible.

Ce sont des paroles de Shakespeare’s Sister, morceau (forcément) brillant de The Smiths, qui prend une tournure ironique presque un quart de siècle après sa sortie. Parce que si Morrissey a une nostalgie non feinte d’une manière générale, on n’imaginait pas qu’il pourrait reprendre un répertoire des sixties en passerait par des protest-songs. D’autant plus que ses incessantes et intempestives prises de position ne le placent jamais dans le clan des progressistes. Il n’y a d’ailleurs aucune ironie dans ces moments-là, ce qui rend la chose plus brutale encore.

Reprendre un répertoire ancien semble pourtant une idée naturelle pour lui. Il reste bien évidemment un grand interprète. Le choix du morceau de Bob Dylan est un peu étrange, le très répétitif Only A Pawn In Their Game a un effet un point de vue assez complexe, semblant expliquer le meurtre d’un militant des droits civiques Medgar Evers en concluant que le meurtrier a été manipulé. On garde un gout étrange en bouche tout en se disant qu’il s’en sort mieux musicalement que Bryan Ferry dans le même genre d’exercice. Reprendre le rock spatial de l’icone rock gay Jobriath est évidemment un choix bien plus logique. Et convaincant en l’espèce. Le fan de base pensera aussi que Suffer the Little Children de la Canadienne Buffy Sainte-Marie est sans doute un clin d’œil à Suffer Little Child des Smiths.

Quand on n’est pas familier des versions originales, on peut aussi brièvement penser que ce ne sont pas des reprises. Il se lâche d’ailleurs dans des arrangements nettement plus kitsch que sur ses albums récents. Lady Willpower ou Don’t Interrupt The Sorrow de Joni Mitchel flirtent tout de même avec l’easy-listening. Et Wedding Bell Blues ne peut pas vraiment fonctionner quand on n’est pas quinquagénaire.

L’autre source des morceaux exclusivement nord-américains est une certaine idée de la pop sixties. It’s Over lui permet de monter comme il le fait finalement peu souvent. On découvre d’ailleurs que ce morceau de Roy Orbison a également été repris par Bonnie Tyler ou… Jonathan Meiburg. Mais le meilleur morceau est sans aucun doute le beau Some Say I Got The Devil de la tellement attachante Melanie, lequel a déjà fait les beaux jours de Tortoise ou Will Oldham.

Bon, il est sans doute inutile de préciser que notre discothèque et la sienne n’ont pas énormément de recouvrement. Le point commun entre tous les albums de reprise est le plaisir et on sent qu’il est tout de même là. De la part de cet acariâtre Morrissey, c’est déjà ça. Il faudra maintenant des albums spectaculaires pour qu’on puisse passer au-delà du désenchantement maintenant un peu rance de Morrissey et celui-ci n’en est pas vraiment un, vous l’aurez compris.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • The Smile - Wall of Eyes

    Même en 2042 et après avoir sorti 13 albums réussis, The Smile restera ’le groupe des deux types de Radiohead’. C’est comme ça, le groupe d’Oxford est trop ancré dans la culture pop pour passer au second plan de quoi que ce soit. Mais cette encombrante et inévitable figure tutélaire ne doit pas oblitérer les qualités indéniables de The Smile. Les deux protagonistes, flanqués du batteur Tom Skinner au (...)

  • PJ Harvey – I Inside The Old Year Dying

    C’est un phénomène que j’ai du mal à m’expliquer. Il m’est difficile voire impossible de me plonger dans des œuvres récentes d’artistes que j’ai beaucoup aimés il y a longtemps. Si dans certains cas c’est la qualité de leurs albums qui est l’explication la plus facile (Muse, The Killers, Foals...), c’est plus mystérieux en ce qui concerne Radiohead, Nick Cave ou PJ Harvey.
    Il faut dire aussi qu’elle a pris (...)

  • Ralfe Band - Achilles Was A Hound Dog

    Outre un flair hors-normes pour dégotter des talents très actuels (Nadine Khouri, Raoul Vignal, Emily Jane White...), Talitres a aussi le chic de remettre en selle des formations culte. A l’instar de Flotation Toy Warning ou The Apartments, Ralfe Band était passé sous nos radars et c’est le label bordelais qui nous le signale.
    Et il fait bien. Si les albums précédents du groupe d’Oly Ralfe datent (...)

  • The Veils – ...And Out of the Void Came Love

    The Veils est ancré à l’histoire de ce site puisqu’à peu de choses près ils avaient constitué un de nos premiers coups de cœur, en 2004. On avait évidemment suivi toute leur discographie, noté qu’ils étaient absents depuis un petit temps mais il faut être honnête, on avait un peu oublié l’album solo de Finn Andrews. En une heure et quinze morceaux, un des albums de l’année fait le tour du propriétaire et des (...)