Accueil > Critiques > 2020

Palo Alto - Différence et Répétition

vendredi 16 octobre 2020, par marc


Il est des idées qui ne respirent pas la gaudriole. Quand un projet musical se met en tête d’évoquer l’oeuvre du philosophe Gilles Deleuze tout en ressuscitant l’esprit de Soft Machine, on se prépare à un défi intellectuel. Et en l’espèce on a un peu tort. Certes ce n’est pas un album pour profiter du soleil d’automne mais le trio formé de Jacques Barbéri, Laurent Pernice et Philippe Perreaudin reste dans des genres qui nous plaisent et d’une musicalité jamais démentie.

Les guitares acides de The Tears of Nietzsche se déplacent en brouillards, avec un sax en liberté pour un Résultat plutôt hypnotique. Rhizome commence par du drone, par une structure plus compacte bientôt pulsée par un synthé potentiellement analogique. Le climat s’installe, vrombit un peu. Et puis la pulsation arrive, inexorablement. Pour le coup, on est plus dans de l’ambient haut de gamme que dans de l’expérimentation pure. Les cordes sont triturées mais le beat est ferme.

C’est donc essentiellement de la musique instrumentale. Mais avec des lectures. Les textes sont pertinents, sans doute mais trop perchés pour votre peu érudit serviteur. Contrairement à ce que les titres en anglais laissent à penser, les lectures sont en français, la langue du philosophe mais aussi celle des intervenants. Notons d’ailleurs que Richard Pinhas qui participe ici a déjà fait de la musique avec Deleuze sur des textes de Nietzsche, on reste dans le même cercle de références donc, rien n’est dû au hasard sur ce genre de projet.

Alain Damasio propose ses propres textes sur un triptyque. Donc oui, c’est plus aventureux. Moins ludique que Houellebecq avec Bertrand Burgalat. Et d’une manière, il force une attention différente, un peu contre-productive par rapport à la musique, qui ne se fait qu’illustration sonore. Et c’est un peu dommage, surtout que la déclamation pourra rebuter. On se prend donc à préférer la longue plage finale qui ne joue pas de ruptures mais d’évolutions subtiles.

Cet étrange et souvent très bel objet se devait de sortir sur un label à la hauteur de l’enjeu et c’est du côté du très pointu et impeccable Sub Rosa (jetez un oeil à ce qui est disponible ici https://subrosalabel.bandcamp.com/) que ça parait. Le concept aventureux et ambitieux ne doit pas vous tromper, cette évocation musicale reste accessible et tout qui se frotte régulièrement à la musique instrumentale prendra un vrai plaisir ici. Parce que ce bel objet est suffisamment maitrisé pour intriguer sans décourager. Être favorable à la prose et à la diction d’Alain Damasio est évidemment un plus.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

  • Sigur Rós - Átta

    Avis important pour les artistes : si vous comptez entamer un hiatus, arrangez-vous pour le faire après un bon album. C’est la bonne idée de la formation islandaise qui nous avait laissés en 2013 sur l’excellent Kveikur. Depuis, on savait le projet un cocon, notamment avec le départ de certains membres. Evidemment, on avait suivi les aventures solo du chanteur Jónsi Birgisson mais rien n’indiquait (...)

  • Bravery In Battles - The House We Live In

    Même si c’est contre-intuitif parce que le post-rock est essentiellement instrumental, le style a souvent été engagé. Entre les revendications de Godpeed You ! Black Emperor et la protection de la Grande Barrière de Corail de Selfless Orchestra, les exemples abondent. Le collectif parisien Bravery in Battles est présent sur le combat environnemental comme en témoigne la copieuse musique du film The (...)

  • The Aquatic Museum - The Aquatic Museum

    On a vérifié pour vous, le Luxembourg n’a pas d’accès à la mer. Pourtant, le collectif articulé autour de Claire Parsons évoque l’élément liquide. On pense à Selfless Orchestra qui mêlait post-rock et défense de la Grande Barrière de Corail. De post-rock il est aussi question ici, même si quand ils pratiquent le genre ils le mâtinent d’une pincée de big band. Ça donne Trash Tub, le genre de morceau plus (...)

  • Bärlin - State of Fear

    Cet imposant album d’un trio lillois nous semble familier sans que ce ne soit exactement identique à quoi que ce soit. Si on tente de retrouver son chemin, on est très vite tentés de s’y perdre pour mieux s’y fondre. Le chant très expressif dès Deer Flight, un peu comme si Patrick Wolf s’était mis au post-punk poisseux et éructait (aboyait même sur Revenge). On y secoue lentement la tête pendant que la (...)