vendredi 27 novembre 2020, par
Même si la musique de Loma incite à l’abstraction, à la sensation, il n’est pas inutile de commencer par un bref rappel des faits. C’est après une tournée commune que Jonathan Meiburg de Shearwater, Emily Cross et Dan Duszynski de Cross Records ont eu envie de prolonger l’aventure et de former Loma. Petite particularité, ce n’est pas Meiburg qui chante alors que c’est sans doute un des meilleurs vocalistes de la planète. Mais la voix de Cross est tellement envoûtante que ce premier album est une réussite, devenant même ici album de l’année.
Il faut dire aussi qu’on suit cette bande depuis (voire même plus longtemps dans le cas de Jonathan), qu’on a suivi leurs parcours, entre le dernier album de Cross Records devenu projet solo d’Emily Cross, l’écriture du livre de Meiburg ou ses intimes performances solo réservées à ses supporters Patreon, l’élaboration du prochain Shearwater produit par Duszynski et évidemment la gestation de cette petite pépite sonore dont il est question aujourd’hui. Signalons aussi qu’ils sont signés sur le fameux label Sub Pop de Seattle, lequel n’a pas reconduit le contrat de Shearwater, groupe jumeau maintenant qu’on tient toujours pour un des meilleurs groupes du monde entier
Comment décrit-on un envoûtement ? On pourrait être un peu plus techniques et parler de production (qui va bien plus loin que la mise en son) si on savait de quoi on parlait mais il suffit sans doute de dire que l’impulsion pour ce second album vient de l’enthousiasme partagé par Brian Eno pour le morceau Black Willow du premier album. Sans ça, cet album n’aurait peut-être même pas existé. C’est d’ailleurs le légendaire musicien et producteur qui enlumine lui-même le discret final Homing et le moins qu’on puisse dire est qu’il a compris le ton de l’album.
Un des fils conducteurs et une des raisons de notre attachement est la belle voix d’Emily Cross. On pense à celle de Susanna sur I Fix My Gaze qui ose l’extrême lenteur en ouverture d’album. Elle sait rester discrète et est le meilleur contact d’une âme à une autre. Cette production foisonnante rend cet album moins lisse que ceux de Bat For Lashes par exemple. On en est fort proches sur un morceau comme Breaking Waves Like a Stone qui profite de quelques prises d’intensité vraiment prenantes, d’un traitement électronique suffisamment discret pour ne jamais dénaturer l’intention. Ces arrangements d’ailleurs sont consubstantiels aux morceaux, forment leur ossature plutôt qu’en être les ornements. Cette maîtrise s’exprime par exemple sur les voix doublées et chœurs d’Elliptical Days qui mettent en avant la fluidité du morceau plus que sa réelle complexité.
Il y a évidemment des merveilles déjà identifiées et connues. Elles surgissent quand les lignes mélodiques se font plus limpides et sont destinées à rester en mémoire. Ocotillo garde un pouvoir d’évocation (renforcé par un clip forcément contemplatif), de lourds nuages mais de lumineuse beauté. Sur le magnifique Half Silences qu’on avait déjà identifié, la voix y prend une profondeur encore supérieure. Et puis il y a l’irrésistible légèreté de batterie de Given a Sign, morceau tendu comme on les a déjà aimé sur le premier album. Ils installent des ambiances comme personne. Si l’album fonctionne parfaitement comme un ensemble, ce sont ces moments encore plus forts qui le rendent indispensable.
Don’t Shy Away est donc un très bel album, gratifiant à plusieurs niveaux d’écoute, sachant qu’une implication plus grande laissera sourdre plus d’émotion pure. On adore, vous l’avez compris.
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