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Patrick Wolf – Crying The Neck

vendredi 4 juillet 2025, par marc


Après un silence de plusieurs années pendant lequel on avait accepté l’idée que la somme Sunlights and Riverlights serait notre album de référence, il était revenu en 2024 avec un EP assez emballant qui donnait l’espoir d’en entendre plus.

Et s’il a attendu 14 ans avant de revenir avec un tout nouvel album sous le bras, ce n’est pas pour passer par la porte de service mais par la toute grande porte, notamment par le Reculver introductif. Il a gardé une ampleur dingue, des chœurs (Oozlum) mais un peu moins de synthés, ce qui confère un aspect moins pop. Ces morceaux hénaurmes comme Dies Irae nous donnent un aperçu de ce que Coldplay aurait pu être. Certes, c’est parfois un peu too much mais c’est parce qu’il se laisse porter par son élan. Et les sons restent moins lisses que chez les exemples précités, sans doute parce qu’il n’y a pas 18 producteurs qui se concentrent sur les nombres de streams et de passages radio.

Deux chanteuses viennent en renfort et elles sont bien connues de nos services. Collaborer avec Zola Jesus semblait tomber sous le sens tant la profondeur de l’univers un peu sombre de la Californienne pouvait s’accommoder de la flamboyance du violoniste anglais. Etrangement, le résultat sur Limbo est un peu lisse alors que le duo promettait quelque chose de plus dark sur le papier. On est alors plus proche d’un Imagine Dragons (toute proportions gardées bien évidemment) que ce qu’on entend sur le reste de cet album consistant. Pour impressionnants qu’ils soient, ce ne sont pas ceux qui suscitent le plus d’émotion.

Elle arrive plutôt avec The Curfew Bell et son intro de piano limpide. C’est un des grands morceaux de l’album (et de l’année ?) parce qu’il n’est pas menacé par une dérive pompière. Oui, le chant reste affecté mais on tient un morceau qu’on va chérir. Chez lui, les cordes ne sont jamais ornementales. On ne parle pas ici d’arrangements, mais de la structure même du morceau, pour flirter avec le classique d’une belle façon, laissant les cordes seules terminer. Pas d’alliance contre-nature, c’est de la beauté pure et solide et il enchaine avec Lughnasa qui en semble le prolongement. C’est là qu’intervient la seconde chanteuse invitée, la précieuse Serafina Steer dont le chant plus sobre s’accorde bien à celle de Wolf. Sa voix donc occupe beaucoup d’espace sonore, ce qui permet à Jupiter de se contenter de peu d’autre chose. Le séquencement est assez judicieux, c’est un album conçu comme un tout à écouter d’un bloc, les transitions semblant assez fluides.

On ne s’était pas rendu compte à quel point Patrick Wolf nous avait manqué. Et il revient dans sa meilleure forme, dans la lignée de ce qui avait tant plus mais sans tomber dans la redite non plus. On lui pardonne aisément d’en faire un peu trop tant on se laisse emporter par son allant.

    Article Ecrit par marc

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2 Messages

  • Patrick Wolf – Crying The Neck 7 juillet 14:53, par Laurent

    Plusieurs choses m’incitent à vouloir jauger sur la longueur.

    1) De nombreuses années se sont écoulées depuis la dernière fois où j’ai écouté un album de Patrick Wolf (la place des "Wo" dans les tours CD peut l’expliquer en partie), et je m’étais résolu à clore le chapitre consacré à cet artiste (considéré comme disparu) jusqu’à ce fameux EP sorti de nulle part il y a deux ans.
    2) J’ai écouté ce nouveau disque deux fois ce matin et c’est presque trop beau pour être vrai : il n’y a rien à jeter.
    3) Dans la foulée, j’ai réécouté toute sa disco (les vacances commencent bien) et en fait, je me suis rappelé qu’il n’y avait pas grand-chose à jeter non plus.

    Un des tout bons disques de 2025 ? Ça y ressemble, mais j’ai envie de rester prudent à cause du côté baroque justement. Ça rend l’album cohérent mais ça peut aussi faire sa redondance. Je me dis que ce qui fait la force de Patrick Wolf, c’est peut-être justement quand on ne l’écoute pas souvent. En tout cas je te rejoins sur le morceau à la Imagine Dragons (toutes proportions gardées donc, parce que IG c’est quand même la lie de l’humanité) ainsi que sur la qualité presque artisanale de la production (monsieur Wolf fait tout quasi tout seul, ceci explique cela).

    Comme tu as sans doute eu beaucoup plus de temps pour digérer (je suis, pour ma part, tombé sur le disque par hasard chez le disquaire il y a à peine quelques jours), je conçois que ton regard est sûrement plus assuré. En tout cas, en matière de première/deuxième impression(s), on est sans problème au niveau du dernier Perfume Genius.

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    • Patrick Wolf – Crying The Neck 11 juillet 12:46, par marc

      C’est vrai que comme c’est très riche, il vaut mieux ne pas abuser, sachant que c’est tellement hors-mode qu’on pourra le ressortir n’importe quand. C’est aussi ce qui fait que ça vieillisse aussi bien, qu’on peut se replonger dedans des années après.

      Un des retours les plus inespérés de l’année sans doute. Il y a Pulp aussi mais on en reparle forcément bientôt...

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