vendredi 23 juin 2006, par
Il est des choses qu’on ne devrait pas laisser faire. Même si c’était pour une bonne cause, gosses ou autre, on ne devrait pas laisser chanter un morceau comme Perfect Day par de pâles tâcherons de la pop anglaise dont la moitié sont déjà oubliés. Reprendre comme un inconsistant Band Aid un chef d’œuvre m’a fait mal un mois durant. Mais c’est fini maintenant. Restons quand même sur ce morceau. La fragilité à ce niveau est rare, c’est pour ça qu’elle est touchante. Une chanson appartient souvent à son auteur. C’est spécialement vrai pour Lou Reed. Il y a ce titre qui n’est même plus un tube mais véritablement un classique. La plupart des albums du monde se seraient contentés d’un titre de cet acabit. Mais pour le même prix, vous en avez un second ! Et non des moindres puisqu’il s’agit de rien de moins que Walk on the wild side. Mélopée chaloupée à l’air de basse reconnaissable entre tous, vous l’avez compris, nous sommes au cœur de l’histoire. Aux manettes, celui qui est en 1974 à l’apogée de sa carrière, David Bowie soi-même. Du rock déstructuré. On sait que c’en est mais on sait aussi que ce n’est pas que ça. C’est de la poésie, c’est léger comme une bulle d’air, c’est indispensable.
Revenons en arrière, nous sommes en 1967. Un peintre pop art qui amené du nouveau, Andy Warhol, décide de produire un groupe qui laissera lui aussi une trace. Un chanteur-guitariste approximatif (Lou Reed), un violoniste (John Cale) et le tour est joué. Vous connaissez les guitaristes virtuoses, les tricoteurs, et bien imaginez-vous l’inverse et vous êtes dans le bon. Car c’est de ce foutoir qu’est sorti la vague actuelle de bidouilleurs. Mélodies simplissimes, solos ridicules (disons-le, écoutez celui de All tomorrow parties), et anglais germanique de la chanteuse de l’occasion Nico, mannequin à ses heures et auteur d’albums plus, disons, difficiles qui préfigurent ceux de Dead can dance. Normalement, en toute bonne logique, ça ne doit pas marcher. Et, de fait, commercialement, ce n’est pas la ruée. La légende veut cependant que chaque acheteur ait fondé son propre groupe. Il est vrai qu’on veut faire pareil. On n’y arrivera pas, c’est comme ça.
Il s’agit d’un de ces groupes qu’on aime sans vraiment pouvoir argumenter, un peu comme les Sonic Youth. Moi aussi, j’aimerais être fascinant avec deux accords (pas un de plus !) comme sur Heroïn. Ultime bizarrerie dans une discothèque idéale, cette pochette légendaire représentant une banane revisitée par Warhol. On dit ‘la banane’ comme on dit ‘la vache’ pour l’album de Pink Floyd. Ultime hommage. Mettez-vous ça dans les oreilles, la musique de ces trente dernières années s’éclaire d’un coup d’un seul. (M.)