Accueil > Critiques > 2006

Tapes ’n Tapes : The Loon

lundi 28 août 2006, par Marc


Encore une expérience limite, encore un surf sur de la poudreuse vierge baignée de soleil. L’Amérique est un continent et sa musique "indépendante" (guillemets de rigueur) aussi.

Et si Can avait survécu au Punk ? Ils auraient pu faire un morceau comme ’just drums’. Avec en guest occasionnelle la ligne de basse légendaire de I wanna Be Your Dog des Stooges. L’influence plutôt seventies au sens large puiqu’elle peut aller du rock serré à la Wire (Jacov’s Suite, la fin de Cowbell) jusqu’aux vibrations qui proviennent des premiers balbutiement psychédéliques (l’époque des premiers Pink-Floyd) sur Crazy Eights, voire même de Beck. Vous avez dit singulier ? Oui, un peu, mais loin d’être dérangeant, ni mémorable en l’occurrence pour ce dernier morceau.

On perçoit aussi quelques traces de glam sur The Illiad ou In Houston. Mais le son est plus acoustique (le spectre des Violent Femmes qui a marqué des générations d’une certaine Amérique musicale ?), donc moins tapageur. Par contre Insistor tire presque sur le surf-rock. Très entraînant, un peu comme du Coral qui aurait mis un tigre dans son moteur. C’est le morceau à tester en priorité si le charme n’avait pas agi du premier coup.

Comme pour Band of Horses (on y pense surtout sur Manitoba où le chant est à rapprocher de celui de Bright Eyes), My Morning Jacket, Wilco, Islands, Modest Mouse ou Spoon (sur Buckle) qui peuvent leur être rapprochés pour l’intransigeance et la variété, tout ceci respire une certaine musique indépendante américaine, avec ce que ça suppose comme étrange sensation d’être le seul Européen à écouter ça. Donc, si les groupes cités précédemment vous ont plu, vous faites partie du club restreint des motivés qui cherchent matière Outre Atlantique. Tant mieux pour nous en fait.

Ils développent une bonne intensité sur In Houston, qui mêle habilement la douceur d’un couplet relevé de clochettes et des refrains plus rentre-dedans (tout est relatif, je n’irai pas comme certains à évoquer les Pixies). Mais ils peuvent aussi se faire plus doux sans perdre d’intérêt (Manitoba) puis s’emballer.

C’est une musique de montées et de descentes, de climax et d’énervement occasionnels (10 Gallons Ascots, Manitoba). Mais il faut une fois encore prêter attention pour traquer l’intensité. A ce stade, on est clairement dans la musique pour initiés, pas que ce soit obscur mais il faut montrer sa bonne volonté. Que ceci ne vous effraie pas, tout est plutôt pop et facile d’accès.

Ce n’est pas une musique basée sur rien qui fonctionne par autosuggestion, mais elle suppose d’avoir pu auparavant apprécier certaines des références susmentionnées, comme s’il fallait briser l’emballage pour accéder au produit. Mais une fois dedans, c’est fini pour vous. Les premières écoutes ne m’avaient pas préparé à être à ce point accroché.

Un très bon album qu’il faut donc apprivoiser. Pas que les sons soient bizarres ou que le genre pratiqué soit obscur, mais il faut un peu d’attention et de patience pour que tous les charmes se dévoilent. Mais le jeu en vaut vraiment la chandelle. (M.)

    Article Ecrit par Marc

Répondre à cet article

  • DM Stith – Fata Morgana

    Difficile de revenir après plusieurs années d’absence, surtout si on était associé à un courant qui s’est un peu éteint. C’est en effet dans la vague freak-folk, mêlant écriture et musique aérienne et organique à la fois qu’on avait placé DM Stith. Avec son pote Sufjan Stevens ou autres Grizzly Bear, il était même un des plus éminents représentants de ce style qui nous a valu bien du plaisir.
    Toujours aussi (...)

  • The National - First Two Pages of Frankenstein

    The National est sans doute le groupe qui nécessite le moins d’introduction. Parce que si on considère les critères du succès et de la pertinence artistique actuelle, c’est sans doute le plus grand groupe de rock du monde. Si on ajoute qu’Aaron Dessner s’est hissé sur le toit du monde des producteurs, que son frère jumeau Bryce réussit quelques belles musiques de film et que des projets comme LNZNDRF (...)

  • boygenius – The Record

    Sororité est sans doute le premier mot qui vient en tête à l’évocation de boygenius. Depuis ce live de KEXP où elles sont accueillies par Sheryl Waters, on a fondu pour cet incroyable trio. A priori, leur seul EP de 2018 n’appelait pas de suite mais comme c’est visiblement l’envie seule qui les guide ici, elles ont voulu prolonger l’expérience. Il faut dire que la démarche n’était pas celle d’un (...)

  • Xiu Xiu - Ignore Grief

    Si on a depuis toujours associé Xiu Xiu à la personnalité hors-normes de Jamie Stewart, on sait que la place d’Angela Seo est centrale. Le caractère de duo est maintenant encore mieux établi, la parité étant assurée au chant. Mais n’attendez pas de changement de cap, la flippante musique de Xiu Xiu garde tout son mystère.
    Cet Ignore Grief n’a pas la flamboyance electro de certains essais antérieurs. Il (...)