mercredi 28 février 2007, par
Noir sur toutes les faces
Peut-être que je suis trop Pitchfork à la lettre. Mais leurs suggestions tapent souvent dans le mille. Encore une fois, c’est via ce medium que j’ai découvert Deerhunter. D’une manière paradoxale, ce sont des Etats-Unis que proviennent les plus intéressantes tentatives de renouveler ce genre plutôt désuet qu’est la cold-wave en tentant – et réussissant – des hybridations nouvelles. Il suffit de citer les Texans de I Love You But I’ve Chosen Darkness ou Snowden (originaires d’Atlanta comme Deerhunter) pour comprendre que de belles réussites sont encore possibles.
Deux choses frappent d’emblée à l’écoute de cet album : la variété des genres en présence et l’agencement des morceaux. Il s’agit en effet d’un album pour le moins ambivalent puisque près de la moitié des titres sont des pièces instrumentales ambient assez sombres. Le reste quant à lui oscille entre dream-pop vintage et cold-wave robotique.
Revue de détail. Si on pense à Joy Division sur la plage titulaire, on songe plus à l’esprit qu’à la forme. En effet, dès qu’on entend quelques notes d’Interpol ou des Editors, on songe au légendaire groupe de Manchester alors que c’est juste le souvenir qu’on en a à travers la répétition de gimmicks. Ecouter Joy Division, c’est se retrouver face à une musique plus noire et plus bruyante. On retrouve donc ici l’esprit du Velvet Underground qu’Ian Curtis avait insufflé. Lake Somerset est quant à lui un rejeton malsain des alliances contre-nature de I Love You But I’ve Chosen Darkness pour les réminiscences de Echo And The Bunnymen et de Nine Inch Nails pour l’aspect robotique. Le tout glisse vers une fausse cacophonie modérée par une rythmique d’abord imperturbable mais qui se joint à la danse. Les morceaux instrumentaux dépourvus de rythmique, n’auraient sans doute rien gagné à se retrouver bout-à-bout sur un album (ou, en l’occurrence, sur un demi-album). Il suffit de songer au malaise qui accompagne l’écoute d’un Ostenbraun de Death In June (référence obscure, j’en conviens) par exemple. Les deux styles ne semblent fusionner que sur Octet, un long crescendo qui semble le carnet de voyage du Velvet Underground au pays des chauves-souris. Ce morceau marche sur la longueur, c’est-à-dire quand on se laisse aller à la répétition de ce rythme hypnotique. Le reste, situé en fin d’album, peut être assimilé à de la dream-pop ou plutôt nightmare pop, un de ces moments où My Bloody Valentine émerge d’un mauvais rêve ou d’une gueule de bois (Spring Hall Convert). Heureusement, il y a aussi des moments moins déprimants avec Strange Lights ou Hazel St. (morceau pop passé au concasseur d’une rythmique qui a l’air déréglée de loin). Ces morceaux tombent à un moment de l’écoute où on pensait que la noirceur était leur seul mode d’expression.
Car c’est aussi l’autre caractéristique de l’album. Alors qu’on se voyait bien installé dans la routine un intrumental malsain / une déflagration cold, les quatre derniers morceaux sont plus ‘pop’. Enfin, ce n’est pas les Fratellis non plus... Alors qu’on pense de prime abord qu’une répartition pareille déforce l’écoute, plusieurs passages sur cet album montrent toute la pertinence de la démarche. Les passages plus calmes rythmiquement offrent des pauses entre des moments intéressants en tant que tels mais qui auraient lassé à se retrouver à la queue-leu-leu. Et les morceaux plus shoegazing (les années ’90 sont de retour, ressortez vos tee-shirts Ride ou Curve) placés en fin d’album auraient semblé incongrus mêlés à la sècheresse de ce qui précède. Ecoutez-le en shuffle (j’ai essayé) et vous aurez l’impression d’une compilation hétéroclite.
Faire un album cohérent avec des références qui partent dans tous les sens ? Ce n’est pas la moindre des performances de Deerhunter. Si évidemment tout ceci suinte la séduction sombre et si le public potentiel (je suis encore une fois top dedans) n’est pas extrêmement large, le talent de Deerhunter pour pratiquer le tout est tellement manifeste que ce curieux objet est l’album qui s’impose si au moins une des références vous plaît.
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