Accueil > Critiques > 2007

Andrew Bird : Armchair Apocrypha

jeudi 22 mars 2007, par marc

Trop de subtilité nuirait-il ?


Le moindre paradoxe de la critique n’est pas l’impossibilité dans laquelle on se trouve de commenter un album qu’on apprécie pourtant beaucoup. C’est ce qui m’est déjà arrivé dans le passé avec Andrew Bird. Son Mysterious Production Of Eggs avait beau être un fort bel album, comportant une des meilleures chansons de l’année 2005, je ne suis pas arrivé à rassembler mes arguments.

Cette fois-ci, vous aurez deviné que j’y suis arrivé. Vous êtes malins quand même... Ma première remarque sera pour la pochette qui était plus réussie la dernière fois. Qu’on se rassure, ce qu’il contient est un peu mieux. A ce compte-là, mettez-moi une pochette blanche, je me débrouillerai.

On retrouve donc Andrew Bird avec plaisir. C’est que le morceau Fake Palindromes est un de ceux que j’ai le plus écouté ces dernières années. De plus, entretemps j’ai eu l’occasion de le voir en concert et c’est un des grands performers du moment. L’objet de cette critique sera de déterminer pourquoi on ne connaît pas mieux Andrew Bird.

Tout d’abord, on peut dire qu’il appartient à le race des songwriters d’exception. On range dans cette catégorie des auteurs-interprètes qui imposent leur personnalité de façon non équivoque dans une musique un peu intemporelle. Pour ne reprendre que des exemples récents, on y retrouve des gens comme Sufjan Stevens, Conor Oberst (Bright Eyes) ou Colin Melloy (The Decemberists). On est donc en bonne compagnie. Il y a aussi des gimmicks reconnaissables chez Andrew Bird. Comme il est violoniste de formation, ses arrangements de cordes sont reconnaissables (voyez par exemple Heretics). Il n’y a souvent qu’un seul, ce qui évite le piège du mielleux, voire un pizzicato reconnaissable qui lui suffisent pour définir un groove primitif (Imitosis). On songe aussi au dernier album deFinal Fantasy qui est arrivé après. Autre signe distinctif, il est à ma connaissance un des seuls à pouvoir faire un riff en sifflant (Cataracts). En concert, il est accompagné du seul Dosh (j’ai vu qu’ils tournaient encore ensemble). Celui-ci assure aussi les premières parties avec son projet solo. Il arrive en effet à installer des ambiances, des grooves avec l’aide de seules pédales. Si l’exercice, maintenant courant, laisse souvent la part belle à la virtuosité, il s’en sort très bien. On sent sa patte dans la subtilité de la batterie ou les breaks de Simple X ou Plasticities.

C’est donc une bien belle façon d’emballer des chansons qui se débrouilleraient sans ça. Je veux dire que la sobre complexité est plutôt réservée à une oreille attentive. Sa voix est aussi très versatile, passant d’une nonchalance à la Beck (Fiery Crash) à des intonations plus extraverties comme Jeff Buckley sur Armchair. Cette chanson est d’ailleurs le morceau de bravoure, qui le fait un peu sortir de sa réserve et présente bien des ressemblances avec les chansons du regretté Jeff. Un peu de romantisme échevelle n’a jamais tué personne (à part dans les romans de Goethe).

Ce Armchair est un des rares albums où je n’ai jamais skippé un seul morceau lors de la dizaine d’écoutes qui a précédé la rédaction de cette critique. Ce n’est pas tellement dû au manque de titre nettement supérieur au reste (comme sur l’album précédent) mais à la remarquable constance dans la qualité, sans que les morceaux ne se ressemblent.

A la question posée plus tôt de savoir ce qu’il manque à Andrew Bird pour ‘exploser’ on pourrait sans crainte répondre rien. Car on ne voit pas très bien ce qu’il manque ici. Mais il faut toujours un peu se pousser pour aborder un album d’Andrew Bird. Un peu comme quand on hésite à aller à la piscine et une fois bien dans l’eau on a du mal à comprendre pourquoi on a tellement rechigné à faire son sac. C’est qu’en fait il a un peu les défauts de ses qualités. Il faut avoir envie d’une musique d’une qualité supérieure. Au contraire de la tendance actuelle qui sépare ceux qui en font un peu trop de ceux qui jouent sur le minimalisme, il tente une voie médiane qui veut maximiser les possibilités qu’offre un line-up réduit.

On peut quoiqu’il arrive conclure à une progression d’Andrew Bird. Cet album, s’il comporte quelques perles (Imitosis, Dark Matter, Armchairs, Cataracts, Scythian Empire), n’a que le champêtre instrumental de clôture au rayon des dispensables. C’est en écoutant attentivement de bout en bout cet Armchair Apochrypha) qu’on se rend compte qu’il est un des grands talents du moment. Il lui manquait un vrai grand disque. Serait-ce celui-ci ? Vu que c’est un des meilleurs que j’aie été amené à écouter cette année, la réponse peut être positive.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

3 Messages

  • Andrew Bird : Armchair Apocrypha 22 mars 2007 09:23, par Paulo

    j’ai écouté ses titres proposés sur myspace, c’est vraiment de la splendide composition. Juste que je n’accroche pas à sa voix.

    et pis Dosh, le "rémy brica" d’Anticon.. ;o)

    repondre message

    • Andrew Bird : Armchair Apocrypha 22 mars 2007 10:45, par lucas

      Vous avez pas envie de critiquer plus de sorties électroniques ? C’est volontairement orienté "indie" en fait...

      repondre message

      • Andrew Bird : Armchair Apocrypha 22 mars 2007 17:22, par Marc

        Disons simplement qu’il n’y a pas vraiment de ligne éditoriale mais que c’est ce que j’écoute le plus.

        Si j’écoute aussi de la musique électronique, j’ai plus de mal à en parler par manque de références et de vocabulaire. LCD Soundsystem est dans le pipe mais ça mérite un certain développement. Je ne sais pas si j’arriverai à parler de Gui Boratto mais je vais essayer, vu que je l’écoute en boucle.

        Sinon, si tu veux te lancer, tu es le bienvenu...

        repondre message

  • Bright Eyes - Five Dices All Threes

    Conor Oberst a aquis très tôt un statut culte, le genre dont il est compliqué de se dépêtrer. Lui qui se surprend ici à avoir vécu jusque 45 ans (il y est presque...) nous gratifie avec ses compagnons de route Mike Mogis et Nate Walcott d’un album qui suinte l’envie.
    Cette envie se retrouve notamment dans la mélodie très dylanienne d’El Capitan. On peut retrouver quelques préoccupations du (…)

  • Fink – Beauty In Your Wake

    Un écueil fréquent auquel se frottent les artistes à forte personnalité est la répétition. Quand on a un son bien défini, un univers particulier, les variations sont parfois trop subtiles pour être remarquées ou remarquables. Si vous avez écouté deux albums de Stereolab vous savez de quoi on veut parler. Si on identifie un morceau de Fink assez vite, il y a malgré tout suffisamment d’amplitude (…)

  • My Name Is Nobody - Merci Cheval

    La veille musicale est un engagement à temps plein. Une fois qu’on a aimé un.e artiste, il semble logique de suivre sa carrière. Pourtant il y a trop souvent des discontinuités. Mais il y a aussi des possibilités de se rattraper. La présence de Vincent Dupas au sein de Binidu dont l’intrigant album nous avait enchantés en était une. On apprend donc qu’il y avait eu un album en mars et (…)

  • The Decemberists – As It Ever Was So It Will Be Again

    Il y a quelque chose de frappant à voir des formations planter de très bons albums des décennies après leur pic de popularité. Six ans après I’ll Be Your Girl, celui-ci n’élude aucune des composantes de The Decemberists alors que par le passé ils semblaient privilégier une de leurs inclinations par album.
    On commence par un côté pop immédiat au très haut contenu mélodique. On a ça sur le (…)