samedi 26 mai 2007, par
Je vous présente votre nouvel ami
Il faut parfois se faire violence pour terminer une critique. Pas que ce soit une torture d’écouter certains albums, mais on peut longtemps repousser le moment où on se sentira prêt. Et avec des groupes comme The National, ce moment peut être repoussé indéfiniment. Leur précédent album, Alligator, m’avait inspiré une critique plutôt tiède, avant de complètement faire son effet. Un concert magnifique plus tard, c’était un de mes favoris de l’année et il ne m’a plus quitté depuis. Au vu des réactions glanées ça et là, je n’ai pas été le seul dans le cas. Pour ce quatrième album des New-Yorkais issus de Cincinnati, la connivence fonctionne plus vite. Parce qu’on connait les gaillards. Ensuite parce qu’il émane de lui une force plus immédiate.
Quand on a découvert Fake Empire qui ouvre cet album, il y a quelques temps maintenant, l’alchimie s’est établie tout de suite. C’est qu’après un démarrage subtil, la grosse artillerie est convoquée. Cette batterie syncopée, on l’a réécoutée des dizaines de fois depuis et ça marche encore. En abordant l’album, on est donc dans d’excellentes dispositions. Le second morceau se montre encore plus fort (Mistaken For Strangers), plus pugnace. Ca y est, on baisse la garde, on devient réceptifs. D’anxieux amateurs, on est demandeurs. Bon, il est temps que j’arrête l’analyse track-par-track que j’apprécie si peu en tant que lecteur.
Avant de détailler plus avant, qu’est-ce qui caractérise le style de The National ? C’est assez complexe à expliquer. Car elle fonctionne comme un tout. The National, c’est un groupe de rock. De classe, mais de rock. De la race de ceux qui peuvent booster leur intensité naturelle par l’énergie musicale. Car ce n’est pas dans la complaisance lente qu’ils trouvent leur meilleur terrain de jeu mais dans l’apport d’une section rythmique impitoyable. La batterie est omniprésente, bien en avant, fièrement. La basse est très discrète mais apporte une densité non négligeable. Les guitares ne versent jamais dans le riff, plutôt dans l’arpège acoustique, et si elles rugissent c’est en arrière-plan (Apartment Story). En plus, vous aurez droit à du violon, du piano (merci Sufjan Stevens qui vient joue sur Racing Like A Pro et Ada). Chaque morceau comporte sa montée en intensité. C’est à ce moment-là qu’ils donnent toute leur mesure. Contrairement à leurs précédents albums, aucun morceau n’échappe à la règle. Parfois, cependant, c’est dès le départ qu’on est happé, comme sur ce Slow Show, qui propose cependant des moments d’apaisement, le temps de "I’v been dreaming about you/For 29 years/Before I met You". Un des hauts faits d’un album qui n’en manque pas (en outre de ce qui a déjà été cité, voyez le très prenant Guest Room).
Il y a aussi une composante essentielle au montage The National : la voix de Matt Berninger. Elle est de celles qu’on n’oublie pas, et qui peut transcender à peu près n’importe quoi. On pensera à Nick Cave, Leonard Cohen ou Stuart Staples (l’ombre des Tindersticks enrobe plus que jamais l’album). Mais pas comme comparaison littérale, juste pour cette impression qu’il chante pour nous seuls. C’est de toute façon dans la cohérence entre le chant et la musique que réside la force de ce Boxers. On sent que tout a été composé et pensé en groupe. A des lieues du songwriting savant qui montre sa dextérité, on a un son compact, intense. Et puis il y le supplément d’âme, l’étincelle, ce qui fait que je suis ‘tombé dedans’, ce qui échappera à toute analyse. C’est comme ça.
Une des bonnes surprises, c’est l’accessibilité. Ceci n’est pas destiné aux corbeaux et la classe qui le parcours empêche de sombrer comme certains Coldplay (certains passages pourraient évoquer ce groupe quand il est en forme) dans du démonstratif. Pour ceux qui auraient déjà goûté aux joies du groupe, la quasi absence de morceaux plus recueillis il est un élément déconcertant. Même quand le départ est plus lent (Start A War) le morceau accélère presque inévitablement. On peut penser qu’ils ont eu peur de baisser la garde. Or ils ont réussi en la matière de très belles choses comme Daughters Of The Soho Riots. Il est évident aussi qu’ils ont trouvé le style après lequel ils courraient. C’est peut-être moins varié, mais c’est tellement brillant qu’on leur pardonne. Et ils prouvent sur le Gospel final que l’intérêt n’est pas une question de bpm’s. Evidemment, ceux qui n’aiment que la joie et courir les papillons sur un fond de disco ne seront peut-être pas à la fête mais la portion de mon aimable lectorat qui apprécie l’émotion musicale comme une valeur en soi savent que de bons moments les attendent.
Il est toujours casse-gueule de se lancer comme ça dans une critique à sens unique. Mais je ne vois tellement pas de raisons de gâcher mon plaisir que je vous livre brutes mes impressions. The National, porté haut au firmament par un Alligator qui a fini par s’imposer comme un des fleurons d’une année 2005 qui n’en manquait pourtant pas, vient de mettre au monde un album tout simplement somptueux. Racé et profond, long en bouche et délectable de bout en bout, il s’invite dans notre petite liste d’albums préférés. Sortez vos housses, cet album va s’incruster chez vous pour un bout de temps.
Dans le cadre du tout nouveau tout beau blog collaboratif de Jérôme Colin radiolibre.be (que même je suis dedans), la première session acoustique leur était consacrée. C’était moyen. Je déconne. Voyez ça ici.
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