mardi 11 septembre 2007, par
Un euphorisant à la framboise
Il faut que je vous fasse un aveu, je n’avais pas complètement succombé à Feels. Des moments vraiment puissants (Banshee Beat) s’enchainaient à du plus obscur pour moi. C’est avec d’autant plus de plaisir que j’ai succombé à celui-ci. La différence n’est pas gigantesque, les tempos sont plus uniformément élevés par exemple, ce qui est faible comme base de comparaison. Mais ça suffit pour passer de l’ambiance intrigante à l’euphorie pure et simple.
Dès les premières secondes, j’ai été happé par la sarabande. Peacebone ressemble à une (strawberry) jam devant un orgue de barbarie déréglé alors que Unsolved Mysteries qui suit serait une java brisée. Il est sur toute sa longueur moins abstrait que les précédents, rempli de mélodies tordues, certes, mais qui sont là quand même. De même, le chant colle au mieux à la musique, c’est-à-dire plutôt expressif et qui en suit les circonvolutions, à renfort de dédoublements si les circonstances l’exigent.
J’hésite toujours à faire des analogies entre la musique d’un album et sa pochette mais dans ce cas, une tarte aux contours indéfinis mais sans conteste sucrée donne un bizarre appétit colle au contenu. On pourrait dire aussi que c’est une pâtisserie ratée. Quand je vous disais que je me méfiais de ce genre de comparaisons…
Inutile de se lancer dans un épluchage couche par couche de cette musique qui se juge plus sur ses réalisations. Mais on ne le répétera jamais assez, pas de bon album sans de bons morceaux. Le niveau général est, on l’a dit, fort élevé mais il est encore transcendé à deux occasions. For Reverend Green a la roublardise de ces bombes dont on attend l’explosion alors qu’elles on déjà fait leur effet. Plus allumé encore, Fireworks traine ses chœurs déconnants sur toute la longueur, poil à gratter d’un indie se prenant parfois bien au sérieux (l’écriture de Win Butler par exemple) et est la pièce majeure de cet album. Il porte impeccablement son titre en tous cas et son intensité pourra même séduire les fans d’ Arcade Fire. C’est d’ailleurs la frange la plus aventureuse du public des Montréalais qui semble l’audience la plus à même de se mettre à jour avec cet album. Si vous lancez le fan de pop de base frontalement sur Cuckoo Cuckoo, vous allez passer au mieux pour un givré aux goûts étranges, au pire pour un snob. C’est aussi parce qu’il faut a priori un background, certes très léger mais indispensable, pour aborder ce genre de groupe qu’ils ne passeront jamais sur une radio commerciale. D’ailleurs, au contraire des albums formatés, l’intérêt croît au fil des écoutes.
Cet album sera donc sans doute encensé pour deux raisons. Ses qualités intrinsèques d’abord et puis l’accession a un nouveau statut. Petite comparaison un peu belge : alors que cet été Arcade Fire montait sur la main stage du Pukkelpop, Animal Collective donnait un concert gratuit au Recyclart. Toute la différence de statut est dans cette constatation.
Neuf titres, c’est généralement ma dose de chansons favorite. D’autant qu’il est agencé de façon très plaisante, avec trois titres nerveux puis les deux pièces maitresses et la fin parfois plus expérimentale qui se clôt sur une comptine qui part en vrille (Derek)
Heureux Panda Bear. Non content de nous avoir séduits avec son album, il remet ça avec Animal Collective. Alors que son lumineux et toujours aussi recommandablePerson Pitch aurait pu faire de l’ombre à la collaboration, il semble au contraire avoir été une libération, permettant d’exprimer ici un sens festif jamais démenti. L’album de Panda Bear comportait des chansons mais c’est au rayon des trouvailles sonores et de l’ambiance installée qu’il marquait des points. C’est donc par cet aspect un album de producteur, solaire mais solitaire qui s’inventait des chœurs d’amis. Ici, on a l’impression d’une collaboration qui fait des étincelles, d’idées qui rebondissent.
En dépit de son caractère très difficile à décrire simplement, le dernier album d’ Animal Collective représente le meilleur de la musique indépendante, entendez libre des contraintes mercantiles et styles prédéfinis. On apprécie cet album parce qu’il dispense une saine euphorie tout au long de l’écoute. Ce n’est certes pas le choc émotionnel d’un Funeral, mais la maîtrise et l’expérience leur permettent de livrer une œuvre complexe et jouissive. Déjà élevé au statut de groupe culte (c’est-à-dire que peu de gens l’aiment vraiment beaucoup), Animal Collective peut envisager de mettre plus de monde dans sa poche grâce à cet album pétillant et inventif qui est un des plus sûrs générateurs d’euphorie qu’on ait écouté.
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