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PJ Harvey - White Chalk

mercredi 26 décembre 2007, par Fred, marc, Paulo

Surpris, captivés et heureux.


PJ Harvey a toujours joué de contrastes, passant de l’ombre et de la lumière : Lumière et prestations mémorables sur scène/ ombre et discrétion dans le privé.

De même pour ces albums, elle a réussi le pari de surprendre le public à chaque sortie, passant des collaborations trip-hop, au rock raide, en faisant un crochet dans les complaintes sombres d’un certain Nick, pour accaparer le devant de la scène avec un album d’ouverture (Stories from the city,...) pour enfin revenir à un discours rude et direct sur le Uh Huh Her.

Ce White Chalk ne déroge pas à la règle : PJ change ici la donne, offrant cette fois un album aux compositions concentrées sur le piano.
Cette album concept renouvelle le type de répertoire de PJ Harvey de manière fort intéressante, et nous apportent une dizaine de chansons, exquises et consistantes dans leur ensemble.

Le résultat est forcément plus intime, plus doux, plus cotonneux que ce nous avions connu d’elle jusqu’à ce jour.

Dans The Devil, Dear Darkness, les tempos sont calmes, on découvre en douceur cette univers agréable.
Les accords sur Grow grow sont légèrement moins "exacts", les ruissèlements d’harpes nous entrainent dans des envolées en trois temps, guidés par la voix de Polly.

La cover épurée avec Polly et certains des titres donnent l’impression de se retrouver au fin fond du far west (banjo sur White Chalk ou Silence), dans la petite maison dans la prairie (La robe de Polly) ou bien encore dans un vieux saloon avec son piano honky-tonk désaccordé (To Talk To You).
Ce type de composition brute avec ces instruments désaccordés est d’ailleurs un autre trait de cet album comme le prouve le bien nommé Broken Harp.

Dans ces atmosphères, la voix semi-étouffée, la douce mélancolie, Silence nous rappelle Lisa Germano, ce qui est une référence en la matière mais dont les univers sont a priori très éloignés.
Et il y a cette intensité qui confère un peu d’intimité à un titre plus léger comme The Piano.

En parlant de piano, on remarque ça et là quelques similitudes avec des chansons de Bat For Lashes dont c’est la discipline première. Cependant l’album de Polly Jean fait preuve de plus d’abnégation vis-à-vis des émotions, se fait plus proche et moins "cold wave".

Pour compléter le pédigré de ce White Chalk, on signalera que la production a été confiée à des compères de longues dates, John Parish et Flood [1].
On y sent une certaine retenue devenue rare dans les productions actuelles, une voix éloignée et fragile qui force l’intimité et renforce les mélodies mélancoliques.

Seul véritable point négatif ; l’album est un peu court (33min). Peut-être est-ce pour vite revenir aux premiers morceaux dont les mélodies donnent un peu de fraicheur à une écoute un peu hypnotisante ?

Au final, on est évidemment content de retrouver Polly et un peu surpris par la différence de la démarche.
Bien sûr, son talent indéniable l’empêche de se planter mais à l’instar de Nebraska de Bruce Springsteen, on imagine qu’il s’agit plus d’une pause que d’une nouvelle orientation. C’est que les chanteuses dont ce genre d’intimité est le fonds de commerce sont légion.
En outre elle avait déjà commis un retrait similaire par rapport à ses productions plus habituelles avec Is This Desire ? en 1998, en s’éloignant des guitares pour fournir des pièces plus ambiancées autour de basses, claviers et électroniques diverses.

En résumé, une fort bonne surprise pour une PJ Harvey dont on attendait finalement pas mieux, et qui arrive une fois de plus à nous prendre à la dérobée. Apparu en toute discrétion dans le courant du deuxième semestre, il pourrait bien dépasser d’autres albums sur la ligne d’arrivée dans la course aux meilleurs albums 2007.


Notes

[1aka Mark Ellis, il a produit entre autres pour Depeche Mode - Violator -, Smashing Pumpkins - Mellon Collie...-, PJ Harvey - To Bring You My Love -, U2 - Zooropa -. Voilà un court extrait des albums à son actif.

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