Accueil > Critiques > 2009

Loney, Dear - Dear John

mercredi 28 janvier 2009, par marc

Le rythme de la mélancolie


Il n’y a rien de plus délicat qu’une première écoute d’un groupe. Rien n’est plus subjectif, soumis au contexte, et n’inspire autant la méfiance. Pourtant, c’est souvent là que se cachent les plaisirs de la découverte. On n’entre pas dans toutes les discographies comme dans un moulin mais une entrée en matière engageante est toujours agréable, quitte à réviser son jugement plus tard. Tout ceci pour annoncer que la première écoute de Loney Dear m’a vraiment impressionné. Alors que je ne savais pas trop ce que j’allais y trouver, juste intéressé par une flatteuse réputation, j’ai tout de suite trouvé mes marques, un souffle qui m’a surpris et m’a fait écouter cet album souvent dans un laps de temps très court

Je n’avais prêté qu’une oreille distraite à la nouvelle de la ressortie de Loney, Noir chez Sub Pop en 2007. Mais le succès critique du projet du suédois (eh oui, encore un…) Emil Svanängen était indéniable et je n’ai pas passé ma chance cette fois-ci. Grand bien m’en a pris.

Et ça part pied au plancher avec Airport Surroundings (disponible gratuitement ici , cadeau et bonheur). On se dit que Fujiya & Miyagi pourraient sonner comme ça s’ils se mettaient enfin au café. Et le soufflé ne retombe pas avec Everything Turns To You qui présente un peu moins d’énergie mais plus de douceur, avec une amplification du son qui montre les soubresauts auxquels on sera soumis tout au long de ce Dear John. Puis, on a une impression de relâchement, surtout lors des premières écoutes. C’est que quand le ton se fait plus lent et subtil, il faut plus de temps pour en apprécier tous les charmes. I Was Only Going Out est donc placé en position ingrate mais son intérêt grandit avec le nombre de passages dans l’oreille. Mais on n’est pas au bout de nos (bonnes) surprises. Ce faux retour au calme appelle des sensations qui ne peuvent que venir. Car cet album n’est pas éreintant puisqu’il varie les atmosphères pour offrir un plus grand plaisir d’écoute.

On comprend assez vite qu’il aime les accélérations (Harsh Words), mais pas les montagnes russes. On n’a d’ailleurs pas toujours un décollage, mais une prise d’intensité qui jamais ne dénature le morceau (Summers, Violent). Et puis quand l’accélération ne vient pas, l’ambiance peut rester très bonne, relevée de violons (I Got Lost). On peut aussi ne pas succomber à tout, et la plage titulaire par exemple m’a semblé momolle malgré sa fin beattlesienne

Il faudra attendre les soubresauts d’Under A Silent Sea pour qu’on retrouve les sensations du début. Sa montée en violons de synthèse m’a fait faire un bond dans le temps, histoire de retrouver le spectre de The Aloof (All I Want Is You, ce genre). Mais la petite perle de l’album s’appelle Distant, ses coups de caisse claire doublées de vibraphone, ses chœurs de voix enfantines ne semblent pas déplacées comme chez un vulgaire Scala. En trois petites minutes, on a un des morceaux qui vont nous rendre 2009 très beau.

Ce qui touche dans une voix est toujours difficile à définir. Quand c’est un peu plaintif ou geignard, l’appréciation est encore plus subjective. J’ai donc apprécié la sienne, ce qui m’a facilité d’autant l’accès à ma première bonne surprise de 2009. Question famille d’affinités, on pensera à l’IDM pour les moyens mis en œuvre et pour l’impression de pop savante (entendez élaborée par une seule personne). Un mélange de délicatesse, de rythme et d’une bonne dose d’inspiration ? Dans le genre, il faut remonter jusqu’au dernier génial The Notwist dont les fans auront sans doute intérêt à jeter une oreille sur ceci. On ne retrouve pas la même versatilité sans doute, mais les publics peuvent être les mêmes. Au total, les amateurs de mélancolie rythmée, de sons léchés bien finis qui n’hésitent pas à chatouiller là où ça fait du bien d’être chatouillés seront les premiers visés. Nous sommes là pour partager des coups de cœur, n’est-ce pas ? En voici justement un.

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

3 Messages

  • Loney, Dear - Dear John 28 janvier 2009 14:53, par Laurent

    Le dernier Loney, Dear est formidable. Emil Svanängen ne s’y réinvente en rien et pourtant, le charme opère encore. Je me disais justement hier, à la nième écoute, que ce garçon méritait décidément sa place au panthéon des tout grands songwriters de la décennie, à côté des Sufjan Stevens, des Konstantin Gropper, des Murray Lightburn. Sinon, je voulais surtout citer deux titres à écouter d’urgence : I Lose It All (sur "Sologne") et Hold Me (sur "The Year of River Fontana")... je ne m’en suis jamais remis.

    repondre message

  • Loney, Dear - Dear John 28 janvier 2009 15:14, par ToX

    Très jolie chronique.
    De mon côté, ça fait quelques années qu’Emil et moi on se connait. On s’est d’ailleurs rencontré aux Nuits Botanique il y a deux ans et quelques mois plus tard à l’ABClub. Un gars assez étrange et renfermé sur lui-même. Après quelques écoutes distraites, j’ai un peu de mal avec ce Dear John. Je réécoute ces précédents opus comme Loney, Noir et je me dis que c’était mieux avant... plus touchant. Deux morceaux sympas que je retiens cependant de ce nouvel album I Was Only Going Out et Harm.

    Et pourquoi pas le revoir dans quelques mois aux Nuits Botanique (quand il sera de retour de sa tournée avec Andrew Bird aux states)

    repondre message

  • Loney, Dear - Dear John 28 janvier 2009 17:11, par Marc

    Bon, visiblement, c’est encore un train indispensable que je prends en marche. Il me semble que je deviens coutumier du fait. Il faut donc que je rattrape Loney Noir un de ces jours, celui-ci m’a mis en appétit.

    Ce serait bien de les voir tous les deux, avec Andrew Bird. A ce propos, une critique arrive incessamment sous peu.

    A bientôt les amis.

    repondre message

  • Sébastien Guérive - Obscure Clarity

    On avait déjà croisé le chemin de Sébastien Guérive, apprécié cette sculpture sur son qui dégage une majesté certaine mais sans grandiloquence. Cet album ne fait que confirmer et appuyer cette impression.
    C’est le mélange d’organique et d’électronique qui est la plus grande réussite, ce qui permet à la fois de ménager l’émotion et de garantir une pulsation basse, cardiaque qui n’est pas un ajout de beats a (...)

  • Edouard Ferlet - PIANOïD²

    L’EP sorti l’an passé nous avait déjà signalé le talent et la singularité d’Édouard Ferlet. On rappelle donc la singularité de son procédé. Il utilise deux pianos dont un mécanique piloté par une machine semble dialoguer avec celui qu’il manipule en direct. Ce pilotage crée un dialogue, indéniablement, mais s’il permet de se laisser surprendre, il faut tout de même une sacrée maitrise.
    Pas de souci à avoir, (...)

  • Batz - Red Gold Rush

    Batz est le projet de deux musiciens et producteurs français, Seb Moreau et Franck Marchal et si ces noms ne vous disent rien non plus, ce premier album devrait changer les choses. Surtout qu’ils ont eu la bonne idée d’inviter sur 5 titres la chanteuse Charlotte Savary qu’on avait surtout connu comme chanteuse principale du projet Wax Taylor.
    C’est un argument d’appel sans doute aucun, et le très (...)

  • Magnetic Rust - Reject

    Un peu de distraction et hop, on laisse passer deux albums. C’est ce qui est arrivé depuis La Chute de Magnetic Rust, nom de guerre du Nordiste Kevin Depoorter. On peut le déclarer maintenant, on ne laissera plus passer l’occasion. Parce que cet album confirme tout ce qu’on en pensait tout en complétant son univers.
    Lequel n’est pas si facile à cerner d’ailleurs. Si ce n’est pas frontalement de (...)

  • Odd Beholder – Feel Better

    On aime atteindre ce stade de familiarité avec un.e artiste qui devient sa propre référence. C’est ce qui arrive avec ce nouvel album de la Suissesse Daniela Weinmann. On a bien appréhendé son style finalement deux petites années se sont écoulées depuis Sunny Bay et on a toujours gardé la Zurichoise dans un coin de notre tête.
    De quoi directement se concentrer sur le contenu, ses sujets toujours (...)

  • Inutili - A Love Supreme

    Si cet album d’Inutili a le même nom qu’un increvable classique de John Coltrane, il est cependant bien moins jazz que New Sex Society qui nous avait plu en 2019. Ce que la formation italienne garde par contre, c’est le goût des morceaux en perpétuelle évolution. Comme chez beaucoup de formations, le confinement a rallumé le désir de jouer ensemble et ce plaisir est manifeste ici.
    Après une (...)

  • Spencer Krug - I Just Drew This Knife

    Les choses sont sans doute un peu plus simples depuis que Spencer Krug officie sous son nom propre mais ce n’est pas ça qui a ralenti sa légendaire productivité. Pour jeter un peu de confusion tout de même, il reprend la route avec Sunset Rubdown...
    La transition de Moonface à Spencer Krug s’est faite en même temps que son apparition sur Patreon. En gros, c’était le versant plus personnel, distillé (...)

  • Peter Kernel – Drum To Death

    La batterie est un instrument créatif, ce n’est pas une découverte pour vous. Mais au-delà des batteurs qui prennent des sentiers de traverse comme Philip Selway de Radiohead, Father John Misty qui a commencé comme batteur de Fleet Foxes ou Tyler Ramsay de Band of Horses, il y a ceux qui mettent leur instrument au cœur du projet comme Anthony Laguerre dont on vous reparle prochainement. Et puis il (...)