jeudi 12 mars 2009, par
Barrissements
Un groupe de Montréal de musique instrumentale avec dans ses rangs deux membres d’Arcade Fire, il y a de quoi être intrigué, non ? Il n’en a pas fallu plus pour que je plonge sur leur premier Recording A Tape The Colour Of The Light, daté de 2003, donc de juste avant le buzz des groupes de là-bas. Il était correct et comptait un morceau hors du lot, The Upwards March et sa montée réellement irrésistible. Encore un groupe de Montréal donc ? Vous exagérez, ça fait au moins deux jours que je n’en ai plus évoqué un. Celui-ci comporte donc six membres dont Richard Parry et Sarah Neufeld (de qui-vous-savez) et est signé chez Arts & Crafts, gage de qualité s’il en est puisqu’ils hébergent en vrac Broken Social Scene, Stars, Feist ou The Dears.
Dans lepost-rock, il y a des figures imposées et une certaine prévisibilité mais presque toujours assez d’action pour que l’attention soit captée, quand ce n’est pas une franche et pure émotion. Malheureusement, pas de ça ici, et on est loin des standards de leurs compatriotes, il est vrai géniaux, comme Godspeed You ! Black Emperor ou Silver Mount Zion. Le but ici est sans doute un peu différent, plus soyeux sans doute, mais le résultat manque un peu d’âme et vraiment d’enjeu.
Sur Air Lines/Land Lines par exemple, les périodes plus calmes ne sont pas là pour appuyer des montées, mais pour qu’un instrument arrive à s’isoler. Et quand ça s’excite enfin, on constate simplement qu’on n’est pas en présence d’un nouveau East Hastings (un des chefs d’œuvres de Godspeed ! etc…), mais d’un morceau de pop instrumentale baroque (elle est pas chouette mon étiquette ?).
D’une manière générale, on est face à un bel objet un peu austère qui manque de facilité mélodique, avec des structures plus complexes qu’il n’y parait et des cuivres qui mènent la danse. On pense aussi assez souvent à Owen Palett et son Final Fantasy. Mais la forme est ici moins compacte, plus ample. Moins axée sur le violon bien entendu. Le pouvoir évocateur s’en trouve un peu affecté et l’impression de BO sans film m’a tenu pendant toute l’écoute. Tant qu’on est dans l’audiovisuel, la rythmique sur la plage titulaire en fait par moments une sorte de musique de générique.
Que faut-il pour relancer l’intérêt ? Il suffit d’une batterie pour réanimer Bucephalus Bouncing Ball et c’est tout de suite mieux. Etrangement, ce sont encore les interludes qui gigotent le plus (le très joyeux The Gaze). Il y a aussi un peu de tension sur le morceau Elephants. D’ailleurs, le pachyderme est sans doute un point de comparaison pertinent pour la musique de cet album du Bell Orchestre. Un peu majestueuse, pas exactement vive, sympathique. De plus, le son du cor peut aussi évoquer la voix du grand animal. Pas à dire, j’ai des analogies qui déchirent.
Parfois, il faut lâcher une critique un peu indigente parce qu’il faut bien constater que l’attention s’égare invariablement à l’écoute d’un album. Pour succéder à un premier LP qui comptait quand même quelques moments de bravoure, Bell Orchestre a privilégié des ambiances plus calmes qui peinent à retenir l’attention. Le casting était tentant pourtant, et la déception n’est que plus grande. Même s’il n’y a rien de rédhibitoire ni de déconseillable sur cette plaque, rien n’est parvenu à m’impressionner suffisamment durablement pour recueillir plus que la faible note qui est la sienne. Quand l’attention est aussi peu maintenue, on attend en général des jours meilleurs.
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