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Regina Spektor - Far

lundi 31 août 2009, par marc

Le bleu du ciel


Ecrire cette critique avant qu’elle ne m’échappe complètement, voilà le but de cette rédaction. Parce qu’à force de trimballer un album partout avec soi, on perd le recul nécessaire à l’élaboration d’un avis.

Musicalement, c’est logiquement le piano qui tient la meilleure place. Et ça permet de passer de l’intimité à l’ampleur, même si évidemment on a souvent entendu ça. Pour faire la différence, Regina Spektor peut compter sur ses talents d’écriture et d’interprétation pour éviter la répétition. Les treize titres composent en effet une importante livraison qu’on trouve copieuse de prime abord. Et puis, on réfléchit et on se dit qu’on serait bien embêté d’en choisir une à retirer.

Et mine de rien, on se dit qu’on enchaine les bons moments comme Blue Lips, le morceau qui m’avait donné envie d’écouter cet album dans son intégralité avec ses crescendos, sa langueur, ses accalmies, bref toute la panoplie qu’on aime bien retrouver dans une chanson. A chaque entame de nouvelle chanson on se dit « ah oui, celle-là aussi elle est bien », ce qui est un sentiment de bon album non ?

Le léger prend régulièrement le pas sur la langueur (Folding Chair) et c’est un sentiment d’équilibre qui prédomine. Mais la performance, c’est d’aligner les morceaux qui restent dans l’oreille, qu’on reconnait et qu’on attend d’une écoute à l’autre. C’est le cas de Machine. Elle n’est pas parfaite, certes, mais tellement attachante. Comme souvent, elle peut compter sur une voix attachante qui lui permet des petites fantaisies comme sur Dance Anthem Of The Eighties.

Des morceaux comme Laughing With sont évidemment plus émouvants de par leur sujet. Les sujets d’ailleurs peuvent très bien tenir la route tout en parlant d’ordinateurs en macaroni (The Calculation) ou en s’appuyant sur des mots non existants tels quels (Eet). De plus, je crois que c’est une des premières fois que je suis sur le point de terminer une critique sans recourir à des comparaisons avec d’autres artistes.

Regina ne cherche pas à nous épater ou nous soutirer des sentiments contre notre gré, elle propose simplement de jolies chansons, loin de tout hermétisme ou prétention. Et son dernier album devient instantanément familier sans effort apparent. Sans doute l’aspect un peu convenu y est-il pour quelque chose mais bon, ce sont finalement ces albums dits faciles qu’on écoute le plus au total et celui-ci a été largement amorti. Je ne vois pas d’autre solution que de conclure que ceci est un de mes albums préférés du moment.

    Article Ecrit par marc

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3 Messages

  • Regina Spektor - Far 31 août 2009 18:06, par Laurent

    Je ne suis pas d’accord quand tu dis que le fait de trimballer l’album partout (si je comprends bien, le fil des écoutes successives, voire entrecoupées si j’extrapole) ferait perdre le recul nécessaire. J’en veux pour preuve ceci : si j’avais dû critiquer ce disque la semaine où il est sorti, j’en aurais sans doute parlé comme d’un sympathique recueil de ritournelles hésitant entre légèreté et gravité, et où l’omniprésence du piano finit par installer une certaine lassitude. Bien mal m’en aurait pris !! Puisque, à force de le trimballer justement, et incapable encore aujourd’hui de l’effacer d’un ipod où la plupart des albums tiennent rarement plus d’un mois, parce que rien à faire, je ne parvenais pas à épuiser les ressources (mélodiques, lyriques, émotionnelles...) de ce disque faussement banal, j’ai fini par comprendre... et capituler. Comprendre ce que quelques écoutes discrètes m’avaient à peine permis d’entrevoir, capituler devant tant d’évidence : il y a tout simplement, sur le dernier Regina Spektor, une collection de très grandes chansons. C’est bête à dire et tellement bateau, mais la seule chose qui permette à un disque "monochrome" de passer l’épreuve du temps, c’est la puissance de ses compositions. Et de "The Freewheeling Bob Dylan" à "Harvest" en passant par "Either/Or" d’Elliott Smith, "Reckoner" de REM ou encore un album des Stooges, c’est ça qui a fait la différence et la richesse de certains chefs-d’oeuvre que certains ahuris (genre moi il y a quinze ans) auraient pu écouter en disant : "Bof, toutes les chansons se ressemblent."

    Évidemment, je n’irai pas jusqu’à qualifier "Far" de classique instantané ou le comparer aux sommets susdits, je voulais juste illustrer mon propos et insister sur le fait qu’on est tout de même en présence d’un grand album. Pas nécessairement celui de l’année mais au rayon "pop de chez pop qui s’assume pop", en tout cas, c’est à mon sens ce qui s’est produit de mieux. Effectivement, rien à jeter et la longueur passe bien (bon, à la limite on vire Wallet et je me sens pas plus mal) ; à noter hélas, à ce propos, que l’album vient de ressortir avec deux titres bonus (je le tenais en main il y a une demi-heure). Honnêtement, préférez l’édition initiale et écoutez ce disque, beaucoup.

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  • Regina Spektor - Far 31 août 2009 18:10, par Laurent

    Sinon, pour les comparaisons, tu as bien fait de t’abstenir : a-t-on vraiment besoin de lire encore une fois les noms de Tori Amos, Kate Bush ou Joni Mitchell ? Je prends les clichés sur moi, c’est cadeau. You owe me one : n’oublie pas de citer Joy Division dans ta critique du prochain Editors...

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    • Regina Spektor - Far 1er septembre 2009 14:42, par Marc

      Je ne voulais évidemment pas dire qu’une froide analyse prématurée est préférable mais qu’après un certain temps, une musique devient indissociable des conditions dans lesquelles on l’a écouté souvent, de la somme de ces moments passés et qu’il devient tellement familier qu’on peine un peu à trouver des arguments pour que les gens écoutent (et tout le monde à intérêt à découvrir ce Far).

      Il y a un peu plus de deux ans, quand le temps me manquait mois, je donnais aussi sur le blog un avis après une première écoute en plus des critiques. Un retour quelques temps après pourrait être fort utile, parce que souvent, il est impossible d’évaluer le temps qu’on va passer après un album. Surtout quand on a comme hobby d’en découvrir deux à trois par semaine. Parfois on sait tout de suite (Funeral, ce genre), parfois on se dit que c’est pas mal avant de ne plus le lâcher (Alligator de The National, les albums de Spoon), ou on trouve une porte d’entrée sur le tard (Snowden, Tv On The Radio). Qui aurait pensé que réécouterais aussi les Pipettes ? (c’est à la limite de l’outing, ça...).

      Pour les références, je n’écoute que peu ces incontournables "madames avec un piano", donc j’ai fait l’impasse...

      Je n’oublierai pas Joy Division pour Editors. Si le single est annonciateur de l’album, je crois que je l’aurais trouvé tout seul hein. Hihi

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