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Fuck Buttons - Tarot Sport

mardi 20 octobre 2009, par marc

La guerre des boutons


Il y a des groupes comme ça, qui sont tous seuls dans leur niche. Donc, une fois qu’on est arrivés à expliquer à quoi ressemble leur style qui ne concerne qu’eux et qu’on a dit ce qu’on en pensait, on peut rentrer la conscience tranquille, la mission du critique est accomplie. Quand ce groupe revient, c’est encore plus facile puisqu’on a un album pour faire des comparaisons. La critique n’est pas toujours un hobby difficile quand des groupes y mettent du leur. Pourtant, il n’a pas été facile de boucler cet article

Tout ne tient que sur le côté trippant. Et là, c’est un quitte ou double. Mais quand on se retrouve face à Surf Solar, on sait tout de suite à quoi ressemble une réussite addictive. La version single raccourcie (un tiers de la version de l’album) était une fameuse indication mais je vous conseille quand même l’intégrale qui ouvre d’ailleurs ce Tarot Sport. Il commence seulement et on a déjà un morceau supérieur à leur précédente prouesse (Bright Tomorrow pour rappel). Cette pulsation, on ne l’avait plus guère retrouvée depuis le renversant premier album de The Field. C’est le corps qui a décidé qu’il suivait, c’est tout.Et puis garder la tension intacte dix minutes durant sans qu’il n’y ait beaucoup d’intervention, c’est aussi un petit exploit. Dj’s en goguette, voilà matière à pimenter une intro de set. A la question « et je mets quoi après gros malin ? », j’avoue ne pas avoir de réponse toute prête. D’ailleurs, le revers de cette scintillante médaille c’est que le meilleur morceau est asséné d’entrée de jeu, et la suite devra repartir de cette base trop élevée.

On pense toujours au post-rock electro (ouille, j’avais dit mollo sur les étiquettes) du précédent Nathan Fake. Puis on remarque qu’on approche de plus en plus d’une electro aventureuse pas toujours accueillante de prime abord (Rough Steez). Sans doute la présence d’Andrew Weatherall n’y est-elle pas étrangère. Son passé en tant que producteur d’Happy Mondays ou New Order est un indice.

On pourra toujours trouver une petite référence à Underworld parce que ça ne mange pas de pain (Flight Of The Feathered Serpent) et que c’est quand même assez flagrant. Ils gardent tout au long de ce morceau une vraie tension que leurs habituelles déflagrations de distorsion placide (je veux dire sans augmentation du tempo) et ménagent au milieu du morceau un fort joli passage qui repose principalement sur leur structure rythmique. C’est au milieu de ce brut terreau qu’ils plantent leur dernière banderille de fuzz et ramener leur thème de départ. On peut donc aller se remettre de tant de furie sonore.

Alors, d’accord, c’est assez linéaire (The Lisbon Maru) mais il faut bien admettre que c’est spectaculaire sans être ostentatoire. Je voulais dire tout simplement efficace sans recourir à de viles ruses. On s’éloigne de certains canons du post-rock puisqu’on évite les poncifs de montagnes russes. A la place on a de brusques épaississements de sons. Prenez les 11 minutes d’Olympians, on sent comme jamais leur émulateur de guitare. On sent comme une pédale d’effet (disons, de fuzz distordu) qui s’enfonce après de bien mélodiques passages et s’installe jusqu’à la fin du morceau. Et ce terme guitaristique n’est pas galvaudé, ils utilisent en effet ces pédales en concert. Mais comme sur tout cet album, rien n’accélère. De sorte qu’on a ’impression de pilote automatique est là. On pense qu’ils choisissent un tempo en début de morceau et qu’ils n’en changent plus. C’est donc la compacité du son qui doit emporter la mise, les variations internes, et on peut dire qu’à quelques exceptions près comme Phantom Limb l’effet marche toujours. Donc l’intérêt est émoussé quand arrive un Space Mountains. Ils y vont plus ou moins fort et de fait, les morceaux peuvent plus ou moins vite trouver leur chemin. Mais peut-on se plaindre de la répétition d’un procédé qui fonctionne à presque tous les coups ? C’est une question qu’on s’était déjà posé pour le Boxers de The National

Le prometteur premier album était donc seulement une semonce. Avec le recul, ils appliquent ici la recette qui marchait sur leur meilleur morceau de l’époque, et réussissent presque à tous les coups. Leur science du son, leur intensité bruitiste couplée à la production d’Andrew Weatherall leur font faire un bond en avant Pourrez-vous résister au terrible Surf Solar ? Pas moi.

    Article Ecrit par marc

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7 Messages

  • Fuck Buttons - Tarot Sport 22 octobre 2009 13:42, par Laurent

    Effectivement, il y a un net pas en avant entre ce second album et le premier, dont j’ai oublié le titre et que je ne possède de toute façon pas sur support physique, lui ayant voué une relation d’amour-haine faisant basculer mes impressions du fascinant au carrément chiatique. En revanche ici, c’est (très) écoutable de bout en bout, totalement maîtrisé, absolument prenant. Et là, je me retrouve face à une interrogation susceptible de lancer un bon débat parfaitement inintéressant...

    J’hésite : où classer ce "Tarot Sport" ? Dans ma tour CD "Art-Rock", mêlant post rock, math rock, kraut et autre progressiveries (pêle-mêle s’y côtoient Archive, Battles, !!!, Mogwai, Liars ou encore Health) ? Ou dans la tour "Electro" (comprenant aussi bien Boards of Canada, Amon Tobin, Gang Gang Dance, Tellier ou les frères chimiques) ?

    Le débat des étiquettes est ouvert et, accessoirement, me permettra de faire de l’ordre dans le bureau. D’avance merci.

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    • Fuck Buttons - Tarot Sport 22 octobre 2009 13:56, par Marc

      Sur ce site, on peut attribuer des mots-clés pour définir des associations. C’est comme ça qu’est faite la liste en haut à droite (articles connexes). Pour cet album, j’ai mis "post-rock" et... "electro". Donc te voilà pas bien avancé...

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      • Fuck Buttons - Tarot Sport 22 octobre 2009 15:27, par Mmarsupilami

        Moi, je l’ai mis à "f".

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        • Fuck Buttons - Tarot Sport 22 octobre 2009 18:02, par Erwan

          Voir Sufjan Stevens ** et Fuck Buttons **** l’un à côté de l’autre ça me pique un peu les yeux quand même...
          Finalement ce que j’ai préféré dans ce Tarot Sport c’est d’en faire la chronique !

          http://www.danslemurduson.com/archive/2009/10/19/album74-fuck-buttons-tarot-sport.html

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          • Fuck Buttons - Tarot Sport 23 octobre 2009 08:15, par Laurent

            Oui mais non : Sufjan Stevens c’est à "S" et Fuck Buttons à "F", donc ils ne sont pas l’un à côté de l’autre. D’ailleurs Sufjan Stevens va dans la tour "Songwriters". Ah, c’est pas ça ?

            Allez quoi, on parle quand même pas d’"Illinoise" (*****) non plus... C’est comme la réédition de "Run Rabbit Run", tout est bon pour nous refourguer le génie de Sufjan Stevens, un artiste prétendument prolifique (il n’en est qu’à 2 Etats sur 50) mais pas forcément constant (3 grands disques sur 8 so far). Ceci dit, je l’adore évidemment le Sufjan, et j’aime vraiment aussi "Tarot Sport", que je trouve réussi et suffisamment riche pour me laisser emporter par sa folie cybernétique sans m’ennuyer (7/10 pour moi, voire 8 si le temps le permet). Néanmoins, j’aime aussi toute la mauvaise foi mobilisée par Erwan dans sa critique ; je raffole de la mauvaise foi. ;)

            Parce que c’est un point de vue intéressant, aussi, de critiquer des oeuvres qu’on n’aime pas, dans un genre qu’on n’aime pas (enfin, c’est l’impression que ça donne). Et l’exercice doit être jouissif. Faudrait que je critique un disque de rock wallon un de ces quatre...

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            • Fuck Buttons - Tarot Sport 23 octobre 2009 09:59, par Mmarsupilami

              La mauvaise foi, une fois, ça va...

              Sufjan Stevens est un archétype de la nouvelle incontinence musicale !
              Artiste mineur qui croit accomplir des projets pharaoniques sans prendre de potion magique.
              Il aurait dû être belge. Non, peut-être ?
              Pour clôturer son grand projet géographique, il n’aurait plus qu’une Région à faire (1)...

              Adepte moi-même de la mauvaise foi, je suis convaincu par la chronique d’Erwan, surtout par son importantissime volet "plaisir de l’auteur" auquel j’adhère tout autant. J’imagine que si on demandait à un fan de Mastodon de faire une chronique de Sufjan Stevens, il dirait au premier morceau "Ca bêeeele", au deuxième "Ca bêeeele", au troisième "Ca bêeeeele", etc, etc. Et qu’avec mon accent à couper au couteau, je lui dirais : "Ca va en le disant une fois !". Sufjan, c’est un peu le Numerobis des songwriters.

              Ceci dit, les Fuck Buttons, c’est bien vrai, c’est beaucoup de bruit et de mal à la tête. A la Belge, je le dis une fois. Et je ne le répète pas à l’infini.

              Récapitulons donc : adepte de la mauvaise foi et du plaisir onanistique de l’auteur ?
              Je n’ai écouté ni l’un ni l’autre des deux albums évoqués ici.
              CQFD !
              Et, si Laurent fait sa chronique de rock wallon, promis j’en ferai une de rap flamand.

              (1) Et tant qu’à faire dans la private joke, peut-être aussi un EP de Stevens pour Bruxelles-Halle-Vilvorde ?

              (Tiens -et ceci n’a rien à voir- si vous cherchez des artistes qui ont mis la barre très hauts et sont constants dans la qualité : le dernier -et neuvième- Califone, All My Friends are Funeral Singers)

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              • Fuck Buttons - Tarot Sport 23 octobre 2009 19:59, par Laurent

                Tant que tu dis du bien de De Jeugd Van Tegenwoordig, je promets de me taire sur Austin Lace ! ;)

                (Au fait, les smileys, je vous avoue que je ne suis pas plus fan que ça - j’ai passé l’âge - mais ça reste pratique quand on veut lever toute ambiguïté sur le ton de son écrit...)

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