mercredi 23 décembre 2009, par
Il y a quelques semaines, tout ce que je connaissais de Benjamin Biolay d’un strict point de vue discographique c’était A l’Origine que j’avais vraiment bien aimé par moments mais qui m’avait aussi laissé perplexe par ailleurs. C’est sans doute ce qui explique que je n’ai pas écouté Trash Yéyé à l’époque, alors que je trouvais vraiment très bon Merco-Benz. Je l’ai évidemment écouté depuis pour me rendre compte du chemin parcouru. Il apparait comme moins flamboyant et plus intime que cette double Superbe. Un bien bel album aussi tout de même. Parce que cet article va me voir essayer de rassembler mes arguments pour expliquer à quel point j’ai apprécié celui-ci.
L’intro de La Superbe m’a replongé dans l’introduction d’un album un peu sous-estimé mais qui m’est cher, le Southpaw Grammar de Morrissey. On peut aussi dire que la flamboyance et le romantisme contagieux peut rapprocher Benjamin du Moz’ et ce morceau donne le ton : épique. Pourtant, la monotonie sera définitivement bannie de l’écoute et les références pourront être nombreuses si on les cherche, mais pas envahissantes. Par exemple, on pense au taciturne Jean-Louis Murat sur les plus sobre Raté (disons Mustang pour fixer les idées) plutôt mal nommé. Et s’il n’a jamais caché l’influence de Gainsbourg (et de son arrangeur Vanier), le moment le plus littéral dans sa relecture est un des morceaux les plus faibles de cette Superbe (La Toxicomanie)
Il reste évidemment des paroles qui laissent circonspect. Ce copieux double album commence par « On reste Dieu merci à la merci d’un conifère », mais le plus étrange c’est que tout passe, parce que le ton à la fois premier degré et narquois permet ce genre de fantaisie ou alors la plus franche trivialité : Elle était jamais jouasse/Et t’avais tous les torts/Elle t’a niqué ta race/Et tu la pleures encore (Miss Catastrophe).
Des paroles parfois absurdes comme je nage dans un champ de fraises (très bon Night shop) font sourire, mais ne sont même pas incongrues. Comme c’est le mélange de panache et d’accroche à la vraie vie qui constitue une des forces de son écriture, les variations sont multiples et maitrisées. Son ton un peu détaché mais viscéral qui en fait un grand interprète, lui qui n’est pas un grand chanteur.
Il y a ces choses un peu désespérées, d’un romantisme un peu poussé mais brillant qui montrent qu’au sein d’un album convaincant il peut encore pousser un cran plus loin les procédés utilisés sur les autres morceaux. Et sur la longueur, l’aspect lancinant finit par nous avoir (Night Shop) et si c’est un peu préfabriqué, je ferme les yeux si l’ensemble est plaisant (Reviens Mon Amour). Un Suis Mon Regard est aussi un peu ce qu’une certaine chanson française indigente (Vincent Venet ?) n’arrive pas à composer.
Les arrangements sont toujours riches, mais semblent coller littéralement aux morceaux, et on sent bien que son talent de musicien les infuse dès la conception. Ce n’est pas un boulot d’embellissement mais fait partie de l’ADN des morceaux. Et en fait au final un des rares singer-songwriters à la française. Alors, oui, c’est violonneux à mort, Benjamin est plutôt de ceux qui vont mettre une couche de trop que de trop peu, mais sincèrement, ce n’est pas souvent qu’un album en français passe aussi souvent en aussi peu de temps et où la musique ne sert pas de prétexte. Et en sus, le sens mélodique est indéniable (Lyon Presqu’île).
Ce que j’apprécie spécialement, c’est que si tout ici est bon ou presque, il y a des titres qui arrivent encore à hausser le niveau. Et au gré des écoutes, il y a deux morceaux qui sortent encore du lot, se hissant au niveau du meilleur de notre langue. Par ordre de situation dans l’album, il y a d’abord ce formidable Ton Héritage, sorte d’auto-portrait en creux qu’on devine dans cette chanson à la seconde personne. Question de ressenti encore une fois mais ce morceau m’a mis à genoux, par sa mélancolie tenace, l’accompagnement qui ne lâche pas, les paroles qui jamais te retombent et la touche repeat qu’on peut enfoncer sans crainte de lassitude. Voilà à quoi ressemble une chanson en français à son zénith.
Plus étrange est la Brandt Rapsodie. Constitué de l’alternance des points de vue masculin et féminin, elle retrace au présent une relation à base de messages téléphoniques et autres listes de courses. C’est brillant, touchant comme la vraie vie, implacable comme cette fin qu’on ne voit pas venir. C’est Jeanne Cherhal qui répond et elle est très à l’aise dans cette radioscopie subjective présentée sous une forme légère. Une lectrice parlait dans un commentaire sur Karin Clercq de « la trivialité du quotidien ». Voilà le maitre-étalon de la chose maintenant. On ne voudrait pas venir après. Et il faut regarder du poignant Personal des Stars pour trouver une réussite du genre.
Le second volet de l’album le voit tenter des choses plus intimistes ou plus expérimentales sans toujours les transformer mais sans non plus montrer de morceaux mièvres. Ce ne sont certes pas des épluchures ou des morceaux inaboutis, mais un pas de côté. Les passages synthétiques de Jaloux de Tout sont peut-être dispensables, mais ils s’incorporent sans trop de mal à ce trop long morceau. Bien évidemment, je n’ai pas été convaincu complètement par le plus electro-disco Assez Parlé de Moi et je n’aurais pas pleuré l’absence des poussées électriques de Buenos Aires mais dans une livraison de 23 titres, il vous faudra choisir votre dose.
Le culot et le talent de Benjamin Biolay l’obligent depuis toujours de rechercher l’album définitif. Bien franchement, le tour que prend sa discographie est bien plaisant et le place non seulement comme un des meilleurs musiciens français (il l’était déjà depuis longtemps) mais un des meilleurs albums tout court. Parce qu’en prenant les 10-15 moments de cette Superbe, il y a de quoi en faire tout simplement un des sommets de l’année. Les pieds dans le quotidien et la tête dans des arrangements aériens, ces morceaux vont ravir.
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