samedi 13 février 2010, par
La belle et le magicien
Le problème, avec le premier album de cette jeune Américaine, c’est que la question va immanquablement se poser de savoir où commence son talent de metteuse en lumière et où s’arrête la griffe – la greffe ? – de Dave Sitek, ensorceleur en chef des albums de TV On The Radio et porte-parole officieux de l’au-delà sonore. En sa qualité de producteur mystique, l’homme avait déjà, entre autres, donné aux deux premiers albums de Celebration plus de relief que la foi l’eût exigé, et offert un écrin plus rocailleux que nature à la voix de belle au bois dormant enrouée de Scarlett Johansson – c’était pour la bonne cause et un hommage (plutôt réussi) à Tom Waits, mais ça restait définitivement un album de producteur.
De plus, quand on possède, comme Sitek, le don d’imposer une patte aussi unique et glaçante à tout ce qu’on touche, on finit tôt ou tard par y laisser traîner des miettes de formule magique : la manière peut devenir maniérée, le savoir-faire se sait faire tic. Danger Mouse, autre Midas stakhanoviste et équivalent quartzeux de ce que Sitek serait au schiste, ne me contredira pas sur ce point : au final, derrière l’esbroufe et les trouvailles, ce sont les chansons qui font la différence. Et justement, Holly Miranda sait en écrire, des chansons. Si bien que le label XL, pas exactement réputé pour son mauvais goût, lui a récemment donné la possibilité de les faire entendre au grand public. On leur en saura gré tant, dès la première écoute, il semble évident que l’ex-Jealous Girls pourrait toucher droit au cœur même armée d’une simple guitare folk.
Pourvue d’une de ces voix hantées par la grâce sans être enclines à racoler, elle s’inscrit dans la veine pop baroque qui nous a valu, l’an dernier, d’entendre de bons albums chez Jesca Hoop ou Imogen Heap, bien qu’en termes d’ambition on penserait davantage à St. Vincent ou Florence & The Machine. Ainsi, dès l’enjôleur Forest Green, Oh Forest Green, on se sent immergé dans un univers musical prenant, à même de satisfaire les exigences immédiates des amateurs de soul revivaliste comme de séduire certaines oreilles horrifiées par les playlists radiophoniques. Le goût prononcé mais encore discret de Sitek pour l’âge d’or de la pop – on se souvient de sa reprise solo de With A Girl Like You sur la compilation "Dark Was The Night" – se fait dès lors l’argument clé d’un album aux sonorités souvent chaleureuses (Sweet Dreams, Sleep On Fire). On n’est pas pour autant exempté de séquences plus austères (l’atmosphère pesante de No One Just Is), nouant parfois des liens trop étroits avec les vieilles recettes du nerd aux manettes (le moins mémorable High Tide).
L’avantage d’avoir un bon carnet d’adresses est aussi de pouvoir faire appel aux amis des amis. Kyp Malone vient ainsi poser sa voix ici ou là ; ça donne notamment l’olympien Slow Burn Treason, digne de trôner au sommet de n’importe quel album de TV On The Radio et à même de nourrir l’espoir d’autres pactes vocaux de cet acabit. On en jurerait, l’alliance de ces timbres-là semble être le fruit d’un fatum maléfique. Autre moment fort, Joints ressemble à la progéniture logique du Pink Floyd de Shine On You Crazy Diamond. Lançant une incantation serpentine à la lune, le chant naïf de Miranda semble avoir décidé d’arracher l’esprit de Syd Barrett à sa torpeur. Quant à Waves, c’est ce qu’elle pouvait faire de mieux comme croisement entre hypnose krautrock (pour les boucles) et slow langoureux post-Scorpions (pour les bouges).
"The Magician’s Private Library", s’il ne marquera donc pas forcément le début de carrière de Holly Miranda du sceau du chef-d’œuvre, a en tout cas le mérite de nous révéler une artiste à suivre de très près. Bien plus qu’un disque de producteur à ranger dans la bibliothèque privée du magicien Sitek, c’est le cri de parturition d’un talent de premier plan dont on attend ardemment la future confirmation.
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