mercredi 17 février 2010, par
Syndrome de Stockholm
Le revivalisme, c’est un peu comme la pierre philosophale : en remettant au goût du jour ce qu’on avait trop tôt taxé de ringardise terminale, il permet aux apprentis alchimistes de transformer le plomb en or – le secret résidant moins dans la mixtion que dans le sens du timing. Syndrome de Stockholm du mélomane, le revival nous fait finalement aimer nos anciens bourreaux, les muant qui en plaisir coupable, qui en adhésion tardive.
Temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, les années 80 furent à ce titre d’exemplaires tortionnaires, où – pour reprendre le bon mot de Calvin Harris – à peu près tout était acceptable. On ne reviendra pas sur les excès de ladite décennie, les images traumatisantes refluant d’elles-mêmes (synthés en bandoulière, gel à cheveux ou t-shirts sans manches, pour n’en citer que quelques-unes) et tellement d’artistes y ayant sacrifié leur amour-propre sur l’autel de la modernité (à l’époque, on appelait ça comme ça). Mais je m’égare.
Toujours est-il que depuis quelques années, la "décennie maudite" fait son retour en force. Ça a commencé avec la part assumée, soit le retour de la cold wave, puis on a eu droit en vrac : à la revanche du rock de stade, au réveil de l’électro discoïde et plus récemment, à la vengeance de la synth-pop. Question de génération toute légitime : quand on a passé sa prime enfance au son de Human League, on fait logiquement ses armes musicales sur base de ces repères. Les Ladyhawke, Little Boots et autres La Roux ne sont pas des revivalistes opportunistes mais simplement des jeunes filles nées sous le règne de Duran Ier. Et pour ma part, je suis plutôt friand de leurs sucreries – à consommer avec beaucoup de modération.
Au terme de ce trop long préambule, les allergiques au moindre son de Casio auront compris qu’ils peuvent passer leur chemin. Car Chew Lips, trio londonien – deux garçons, une fille, pas mal de possibilités – a bien les mains braquées sur le dancefloor et le regard tourné vers le passé. Encore que. Auteurs de quelques singles remarqués sur le label branchouillard Kitsuné, ils ont tourné la page et privilégient ici la cohérence du format album, sans tube évident mais avec un relatif supplément d’âme. Bien sûr, un slow comme Too Much Talking n’éveillera au mieux qu’un ennui poli chez les 99,99 % d’auditeurs qui ne dorment pas sous un poster de Cerrone. En revanche, ceux qui rêvent de réentendre Beth Ditto chanter chez Siman Mobile Disco résisteront difficilement au groove mélancolique de Gold Key.
C’est d’ailleurs dans ses moments les plus franchement charnels que le groupe se défend le mieux, la voix de sa chanteuse Tigs constituant sans doute son principal atout. Selon son degré de bonne volonté, on pourra ainsi succomber au refrain sautillant de Karen, qui aurait pu se référer à Karen O des Yeah Yeah Yeahs – pour le côté narquois du chant – mais évoque en réalité la chanteuse des Carpenters. Laquelle, selon Tigs, arrivait à transmettre de l’émotion sur les arrangements les plus kitsch. Un manifeste en soi. Incapables de rivaliser de noirceur avec, au hasard, The Knife, les Chew Lips empruntent cependant, à l’occasion, une intéressante voie médiane en s’immergeant dans la pénombre. Se rapprochant davantage d’un groupe comme Telepathe fictivement produit par Moroder, ils se montrent alors capables de jolies fulgurances. Eight et Slick sont ainsi les titres les plus réussis.
Ne sachant de quoi demain sera fait, je ne ferai aucun pari sur la longévité de l’actuel revival synthétique ou de ses fers de lance. En tout cas, à l’instar de l’équidé légendaire dont son titre s’inspire, "Unicorn" galope sans passer inaperçu : en 10 plages et 35 minutes, il fond sur la langue comme un chocolat fourré, pas forcément long en bouche mais irrésistiblement onctueux.
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