dimanche 28 février 2010, par
L’eau a coulé sous les ponts
Il y a rire et rire mais franchement, la nostalgie a ses limites. Qu’on remette au goût du jour les tendances du passé – ça s’appelle un revival et on en a déjà parlé – c’est une chose entendue. Il faudrait voir, cependant, à ne pas confondre vintage et intemporel : produire un album comme pour faire croire qu’on réédite un bidule culte sorti à ma naissance, personnellement ça me dépasse. Où se situe la pertinence d’une telle démarche ? Bon, si l’artiste veut se faire plaisir, c’est son problème. Mais quand j’écoute un oldie, c’est en toute conscience du décalage, de l’héritage, en pleine immersion. Alors si, en 2010, on se remet à faire du post-punk sans prendre la peine de le réadapter un tant soit peu à l’époque, désolé mais je ne peux m’empêcher de trouver ça un brin prétentieux ou, à tout le moins, plutôt maladroit.
Bien sûr, il va s’en trouver des laudateurs, pour clamer que les compositions cheap de Julie Campbell brillent par leur minimalisme, que The XX bâtit son actuel succès sur le même credo, et que cette jeune Mancunienne ravive brillamment la flamme des premiers Echo & the Bunnymen voire Joy Division. Bref, le monde ne manque pas de trente-cinquenaires (ou plus) dans le plus complet déni de cette douloureuse réalité : l’eau a coulé sous les ponts depuis 1980. Et The XX, groupe bien plus moderne qu’on ne le croit, ne l’ignore pas. Lonelady, en revanche, semble se complaire dans un hermétisme régressif, un passéisme trop naïf pour posséder son charme propre, quand bien même ses chansons n’en manquent pas.
Car c’est bien de là que naît la frustration face à l’attitude onaniste du one-woman-band Campbell : à la base, elle a tout pour exciter. Une écriture nerveuse, bien près de l’os, un chant rêche et aguicheur juste comme il faut. Qu’on ne m’accuse donc pas de préférer le lisse à l’acéré, de prêcher le grandiloquent contre l’économe. Seulement, réduire des petits bijoux de songwriting comme Immaterial ou If Not Now à de banales resucées de Gang of Four, voilà le crime. Et contraindre l’auditeur à associer des morceaux tels que Intuition ou la chanson-titre à Rick Astley et Katrina & the Waves, voilà le châtiment.
Il reste bien, pour rattraper l’ensemble, la froideur de Marble ou la beauté intransigeante de Fear No More, morceau de conclusion moins figé que les 35 minutes rétrogrades qui l’ont précédé. On ressort cependant de "Nerve Up" avec l’impression d’un relatif gâchis, ce qui dit assez qu’on n’a pas perdu tout espoir en cette jeune artiste. Maintenant, quitte à rédiger une critique plus sévère, autant vilipender un talent prometteur au lieu de perdre son temps à parler de l’album de Marina & the Diamonds – une belle daube, celui-là. Et pour ceux qui verraient dans cet ultime name-dropping une pirouette gratuite, détrompez-vous : ça va vraiment mieux en le disant.
En matière de critique, tout est question de perception. Certes, on tente de définir le contexte, de placer une œuvre dans une époque au moment où elle se déroule (oui, c’est compliqué) mais souvent, on essaie en vain de définir nos affinités électives. Et puis si on n’arrive pas à expliquer, rien ne nous empêche de partager. Ainsi, on a adoré tout de suite ce que faisait Squid. En alliant (…)
Une certaine distance vis-à-vis des artistes qui sont critiqués ici rend incongrue la proximité géographique. 1480 est un morceau ici mais aussi un code postal. Y a-t-il une école wallonne de la turbulence ? Si on se réfère à La Jungle et ceci, ce n’est pas impossible. Est-ce une coïncidence s’ils font tous deux partie du catalogue Rockerill ? Nous ne le pensons pas.
Mais cet album produit (…)
Le post-punk anglais avec morgue est un genre très particulier dans lequel les Londoniens de Squid s’étaient distingués. Il faut dire que ce substrat est utilisé dans tellement de contextes pour tellement de résultats, de Bloc Party à Black Country New Road en passant par Art Brut qu’on peut le décliner de bien des façons.
Et Squid balaie à lui seul une belle partie du spectre, allant même (…)
Cet imposant album d’un trio lillois nous semble familier sans que ce ne soit exactement identique à quoi que ce soit. Si on tente de retrouver son chemin, on est très vite tentés de s’y perdre pour mieux s’y fondre. Le chant très expressif dès Deer Flight, un peu comme si Patrick Wolf s’était mis au post-punk poisseux et éructait (aboyait même sur Revenge). On y secoue lentement la tête (…)