vendredi 3 décembre 2010, par
« Life’s what happens to you while you’re busy making other plans »
Difficile de recenser aujourd’hui le plus grand songwriter vivant. Mais il y a fort à parier que si un certain Mark Chapman ne s’en était mêlé il y a de cela tout juste trente ans, il en aurait aujourd’hui septante (ou soixante-dix, pour notre lectorat international). Cet anniversaire est comme toujours l’occasion rêvée pour certains opportunistes de lancer quelques rééditions mercantiles ; pour leurs clients mélomanes, c’est surtout celle de (re)découvrir l’éblouissante perfection d’un album tel que “Plastic Ono Band” ou l’excellence insoupçonnée de “Double Fantasy”. Voire, pourquoi pas, de prendre conscience que le petit enfant bercé jadis par Darling Boy a décidément bien grandi.
Comment envisager une carrière artistique lorsqu’on est le fils de John et Yoko, qu’on a grandi en regardant papa interpréter des chansons qui ont changé la face du monde, en voyant maman honnie pour son intolérable appropriation du génie public ? Sean Lennon a balayé ces questions en n’embrassant la production discographique qu’à de longs intervalles et surtout, en assumant totalement son héritage. C’était, du moins, particulièrement flagrant sur son second et magnifique album “Friendly Fire”, recueil de ballades lumineuses où son chant évoquait de façon plus que bluffante la période new-yorkaise du pater.
Entre-temps, il a signé la bande-son expérimentale d’un spectacle autour d’Hamlet et un morceau pour le top model roumain Irina Lazareanu – une chanson qui m’obsède depuis des années et qui n’a jamais été suivie du moindre embryon de parcours musical pour la fille en question. Pour autant, Sean Lennon n’en a pas fini avec les mannequins. La preuve, son cœur en a élu un autre et, suivant à la lettre les préceptes de sa figure tutélaire, il a enregistré un disque avec elle. Cela dit, vu qu’aucun groupe n’a splitté, on ne verra sans doute aucune voix s’élever pour traiter la ravissante Charlotte Kemp Muhl de tous les noms. Au contraire : c’est un groupe qui naît – et se voit traiter d’un seul nom, mais à coucher dehors : Ghost of a Saber Tooth Tiger.
Peut-on, doit-on y voir un projet à long terme ? Pas évident : comme pour légitimer l’aspect récréatif de cette escapade à deux, le couple l’intitule “Acoustic Sessions”. Implicitement, ça ne sonne pas comme un debut album officiel. Encore que. Les chansons, habillées comme il se doit des frusques les plus légères, sont malgré tout d’une réelle élégance. Les voix se répondent avec une évidence naturelle, garçon et fille partageant le lead et l’idylle d’un titre à l’autre. Vu d’ici, ça pourrait ressembler à un énième lot de bûches à consommer à feu ouvert un dimanche matin, entre le chocolat chaud et les batailles de boules de neige. Mais on ne saurait réduire quelqu’un qui a assisté à la composition de Woman sur un piano blanc au statut de premier Cocoon venu (de Clermont-Ferrand).
Si rien ici n’est prêt à bouleverser son époque, la profondeur est inaltérable et l’intérêt, sur 35 petites minutes, ne saurait décemment faiblir. Il faut dire tout de même que les titres dominés par Sean l’attisent d’autant mieux, lui dont l’organe subtil est capable d’emmener un Rainbows in Gasoline bien au-delà de sa valeur primaire. Et c’est sans compter l’appui de l’élue de son chœur, contrepoids éthéré d’un chant déjà suave, reflet vaporeux comme celui qui illustre la pochette du disque. Quand ces deux voix-là se sentent trop seules au monde, c’est un entrelacs d’instruments célestes qui les soulèvent comme une chorale d’enfants malins dirigée par Danny Elfman (Dark Matter White Noise).
Même confronté à sa virile solitude, parce que The World Was Made for Men, Lennon fait acte d’ubiquité en accordant son pas sur celui d’Elliott Smith, quand il ne se pique pas de marcher sur les traces de tonton Paul (Robot Boy et son je-ne-sais-quoi d’And I Love Her). Pour l’avoir vu en concert – et c’était superbe – on sait que son français est délicieux ; il n’en prononce pourtant pas un mot sur Jardin du Luxembourg, peut-être échaudé par un duo un peu vaseux avec -M- il y a quelques années. Préférant parfois les borborygmes aux arrangements sirupeux (Shroedinger’s Cat), ce duo-ci professe sa soif de simplicité au détour de chaque changement de corde.
Insidieusement, ces “Acoustic Sessions” finissent par vous contaminer de leur amour, forcément passéiste, pour un certain pop-folk fort en vocalises de la fin des années 60. Peu à peu aussi, les a priori s’estompent pour permettre d’entrevoir le rôle joué par Charlotte Kemp Muhl qui, loin de faire de la figuration, apporte à ces chansons bien plus qu’une part de candeur. Mais évidemment, ce sont les retrouvailles avec un artiste rare et précieux qui font de l’album du jour un moment si savoureux, cette graine de géant dont son père disait, peu avant de mourir : « I can hardly wait to see you come of age, but I guess we’ll both just have to be patient. » Quelque part entre les anges, sa patience est largement récompensée.
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