Accueil > Critiques > 2011

White Lies - Ritual

lundi 17 janvier 2011, par Laurent

Bottes de sept lieues


Les White Lies sont de retour. Pour ce trio cafardeux dont le premier album s’intitulait “To Lose My Life” et dont le porte-étendard scénique continue de s’appeler Death, c’est une nouvelle plutôt enthousiasmante dans la mesure où Charles Cove, Harry McVeigh et Jack Lawrence-Brown auront donc résisté à la tentation du suicide collectif. Bien leur en a pris d’ailleurs, puisque ce “Ritual” de passage devrait en toute logique leur ouvrir les portes d’un triomphe olympique aussi sûrement que l’avaient fait en leur temps les seconds albums d’Interpol, Editors et autres fleurons de la cold-wave pour les stades.

Gonflés aux stéroïdes, les gamins londoniens – 66 ans au compteur en additionnant les trois – partent à l’assaut des âmes perdues avec des refrains king size. Bigger Than Us, chantent-ils d’ailleurs en plage 3, conscients d’avoir enfilé les bottes de sept lieues de l’ogre rock pour arpenter en si grandes foulées les marches de la gloire. L’ambition dévorante derrière cette couche de fausse modestie, les White Lies ne s’imposent aucune retenue et le programme est clair : The Power and the Glory. Reste à savoir s’ils ont fait le choix de l’audace ou celui de la facilité. « Would you think me a coward though I’d be the hero ? » Ni l’un ni l’autre, sans doute.

Le chemin suivi par les Whites Lies, s’il s’avère relativement prévisible, surprend du moins par la vitesse à laquelle ils l’ont parcouru. « I got a sense of urgency, I got to make something happen. » Sur ce plan, pas de doute : le zèle est tel qu’il rend les progrès accomplis pour le moins impressionnants. Toutefois, on ne saurait résumer “Ritual” à ses moments de grandiloquence vertigineuse et le groupe a d’autres arguments à faire valoir. Ainsi, les programmations d’Is Love semblent lorgner vers le dancefloor de ces indie discos que chante si bien The Divine Comedy : sans peine, on peut s’imaginer les futurs remixes et des prétentions qu’on n’aurait pas conçues auparavant de la part d’un groupe aussi neurasthénique. Let’s Dance to Joy Division, comme disaient d’autres.

C’est que les synthétiseurs, ingrédient jouant généralement le rôle d’aromate sur “To Lose My Life”, sont indéniablement mis en avant sur “Ritual”, où les White Lies sonnent comme des modèles plus tardifs et au succès plus logique, de New Order à Soft Cell en passant par Ultravox, ou comment promouvoir la dépression pour les masses. Le groupe défend ce credo avec une certaine intelligence sur les titres downer-tempo, non sans quelques touchantes maladresses : Peace & Quiet et ses échos involontaires de Tears for Fears, Come Down et son gospel gothique décidément trop connoté eighties.

Cependant que le cœur de l’album propose une belle poignée d’hymnes moins fiers-à-bras : Streetlights, vaguement réminiscent de Gary Numan, le brûlot Holy Ghost, plutôt efficace, et un Turn the Bells franchement irréprochable avec sa rythmique de science-fiction. Les White Lies ont donc sans doute encore une belle énergie créatrice à canaliser et, maturité aidant, un proche avenir pour convaincre. On attend donc sans trop y croire la suite du parcours, écriture remoulée et ambitions revues à la baisse.


Répondre à cet article

  • Squid - Ô Monolith

    Le post-punk anglais avec morgue est un genre très particulier dans lequel les Londoniens de Squid s’étaient distingués. Il faut dire que ce substrat est utilisé dans tellement de contextes pour tellement de résultats, de Bloc Party à Black Country New Road en passant par Art Brut qu’on peut le décliner de bien des façons.
    Et Squid balaie à lui seul une belle partie du spectre, allant même tutoyer la (...)

  • Bärlin - State of Fear

    Cet imposant album d’un trio lillois nous semble familier sans que ce ne soit exactement identique à quoi que ce soit. Si on tente de retrouver son chemin, on est très vite tentés de s’y perdre pour mieux s’y fondre. Le chant très expressif dès Deer Flight, un peu comme si Patrick Wolf s’était mis au post-punk poisseux et éructait (aboyait même sur Revenge). On y secoue lentement la tête pendant que la (...)

  • Rodolphe Coster and Band – High With The People

    On va être tout à fait honnêtes, on n’avait jamais entendu parler du Bruxellois Rodolphe Coster malgré un parcours visiblement déjà fourni, avec un gros pied dans la musique de danse contemporaine. Mais ce n’est pas le plus important, on a copieusement apprécié cet album immédiatement familier.
    New York est ici un endroit d’enregistrement ici mais aussi un style, avec une forte dose de post-punk (...)

  • Unik Ubik – I’m Not Feng-shui

    Quand on avait entendu Maggie Débloque, on n’avait pas tout de suite succombé. Peut-être que l’idée de s’en prendre (justement) à une ministre démise depuis des lustres ne semble pas l’idée de l’année. Surtout parce que la musique à haute dose d’énergie et de complexité attend son moment. Il est arrivé plus tard, et il est arrivé, et l’album passe d’un coup d’un seul. Parce qu’une fois que l’envie est là, on (...)

  • Lescop - Rêve Parti

    Il y a des noms qui sont liés à une époque, qu’on oublie forcément un peu avant de les voir ressurgir de nulle part. Lescop fait partie de ceux-là, vous l’avez definé, petit.e.s futé.e.s que vous êtes. Les années ’80 sont une esthétique qui n’a plus déserté le paysage musical depuis plus de 20 ans. Mais si ce troisième album reste dans ce (micro)sillon, il le fait avec tant d’allant qu’on ne peut que céder. (...)

  • LSSNS - Transit

    I know it when I see It
    Cette phrase d’un juge de la cour suprême américaine quand on lui demandait ce qu’était la pornographie peut aussi s’appliquer à certains styles musicaux, aussi faciles à identifier que compliqués à décrire. Les années ’80, ce n’est pas qu’une lointaine décennie, c’est un parfum qu’on reconnait tout de suite chez ce trio finno-allemand.
    Et il convient bien à cette pop au synthé bien (...)

  • The Ultimate Dreamers - Echoing Reverie

    Le vintage années ’80 est un style qui se pratique depuis des dizaines d’années. S’il peut évidemment être pratiqué par des novices, on ne se lasse pas non plus de ceux qui ont vécu les évènements en direct. Outre les légendes Wire, il y en a d’autres qui ressurgissent du passé. Actif au milieu des années ’80, le quatuor belge est revenu aux affaires à la faveur du confinement qui les avait vus dépoussiérer (...)

  • AstraSonic - Society

    Les influences, on peut les aborder frontalement ou par la bande. Dans le cas du second album du groupe belge, si les marqueurs post-punk ou cold sont bien là, ils sont déjà très processés. On vous a déjà parlé de groupes comme Ultra Sunn (et on vous reparlera de The Ultimate Dreamers) plus frontalement cold wave ou gothique, on est plutôt ici dans un pop-rock mélancolique qui lorgne du côté d’un (...)