vendredi 14 janvier 2011, par
Soupir et tumulte
Ce qui m’a toujours dérangé dans les EP’s, c’est qu’ils constituent une façon décidément trop simple de gagner : comment se tromper avec une poignée de titres censés représenter la quintessence d’une étape artistique, comment décevoir en vingt minutes ? Si les Veils s’en montrent capables, c’est pour les bonnes raisons : au terme des sept titres de “Troubles for the Brain”, le sentiment dominant s’apparente moins au désenchantement qu’à la frustration. Dorénavant portée sur un songwriting concis, la plume de Finn Andrews fait mouche à tous les coups et cette nouvelle livraison, qu’on estampillera une fois de plus du terme inepte et inapte de mini-album, nous lèse par sa brièveté.
Les Veils, depuis leurs flamboyants débuts, ont toujours été un groupe précieux – dans tous les sens du terme. Garants d’un lyrisme écorché dont les années 90 avaient été l’âge d’or, et dont la progéniture n’a trop souvent retenu que les manières affectées, les Veils ont toujours su déjouer les pièges et les clichés. La préciosité, en ce cas, n’a jamais été mièvre. Cette faculté à réussir là où la presque totalité de leurs contemporains se sont cassé les dents en a surtout fait des artistes rares. Car l’excellence des Veils tient probablement dans la sincérité, indéniable, qui émane de leurs deux grands modes d’expression : le soupir et le tumulte.
Pourtant les écueils restaient nombreux, et Finn Andrews s’est détourné de ses habitudes avant qu’elles ne deviennent des manies, des tics langagiers. Déjà sur “Sun Gangs”, le groupe se montrait moins frontalement saisissant, évitait paradoxalement les émotions trop explicites en exacerbant la grâce diaphane de certains titres et la violence atrabilaire des autres. On ne trouvait plus de chansons aussi éloquentes que Not Yet ou The Leavers Dance, mais la dignité des Veils restait intacte, refusait de se laisser dépraver par la tentation de la formule ou d’une routine paresseuse. C’est dans cet état d’esprit libertaire qu’on retrouve l’artiste qui avait saqué tout son line-up entre ses deux premiers albums et quitte aujourd’hui Rough Trade pour fonder son propre label.
Démiurge implacable ou brillant meneur d’hommes, peu importe : Finn Andrews est un jeune artiste avec qui il faudra encore compter, si l’on en croit son talent inentamé pour trousser des mélodies intemporelles. Aussi, il était légitime que la suite du parcours, maturation oblige, touche davantage à une certaine forme de simplicité : les inflexions vocales si particulières ont gagné en sobriété, les arrangements n’accordent aucun compromis aux modernités éphémères qui tendent à démoder les disques en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et le format des compositions abandonne ici toute velléité épique pour se concentrer sur les trois minutes maximales de rigueur.
Et en trois minutes, que de choses ils nous disent, les Veils ! Si Bloom ouvre les débats avec un riff bateau, voire puéril, c’est pour mieux justifier son titre : et le véritable morceau d’éclore peu à peu sous une cascade de guitares limpides, comme une aurore annonçant un jour meilleur. Peu après, The Stars Came Out Once the Lights Went Out pousse encore bien plus loin cette clarté en allumant ses millions d’étoiles, autrement plus glorieuses que les lueurs artificielles à l’œuvre sur ces disques qui cherchent à cacher, sous la pyrotechnie, leur absence d’émotion. Entre les deux, l’épatant Don’t Let the Same Bee Sting You Twice imagine la résurrection de Marc Bolan au cœur de la Louisiane, jammant sur un swamp blues avec John Fogerty.
Mais la première moitié de “Troubles for the Brain” ne justifie pas l’engouement. C’est à partir de la quatrième plage que le disque révèle sa vraie puissance : The Wishbone, un des sommets dans le parcours d’Andrews tant au niveau de l’écriture que de l’interprétation. Lors d’un concert des Veils au Botanique, je me souviens avoir été frappé par la reprise, religieusement focalisée mais terrassante d’intensité, du State Trooper de Bruce Springsteen. C’est à cette même pesanteur paroxystique que nous convient les Veils en à peine cent cinquante secondes, tandis que les mots résonnent encore longtemps après. « Careful what you wish for... », et l’on n’ose plus espérer que le groupe se surpasse encore.
Cependant, avec ses trois merveilleuses ballades – une des spécialités locales – “Troubles for the Brain” n’a pas fini de nous faire rêver. Grey Lynn Park est à ranger à son tour sur l’étagère des plus beaux trophées du groupe, une autre démonstration de pureté qui gagne en épaisseur au fil de sa progression, une pelote de laine qui s’enroule tant et tant que son toucher se fait sans cesse plus soyeux. Us Godless Teenagers, au contraire, vise le dépouillement et dévoile un Finn Andrews moins maître de son art, touchant de fragilité tremblotante et sublime de renoncement. Enfin, vous aurez plus que jamais intérêt à vous procurer la version physique de “Troubles for the Brain” pour goûter à son ultime cadeau, Iodine and Iron, poignant guitare-voix en flottaison.
Faudra-t-il donc se contenter, cette année, des trop courtes nouvelles que les Veils nous donnent du ciel ? Je ne peux m’empêcher d’être partagé entre l’immense plaisir de retrouver des artistes chers en si bonne forme, et le désir brûlant de les voir renouveler la performance sur la longueur, confirmer qu’ils ont plus de sept pépites dans leur besace de chercheurs d’or. À vaincre sept périls, on triomphe sans la gloire des exploits passés. Mais Finn Andrews et ses mercenaires ravivent, dans le cœur des fidèles, la foi en un grand album de rock lyrique finement ciselé et, selon toute vraisemblance, ultra-ramassé. Sous le voile, c’est moins la beauté de l’instant qui subjugue, que la promesse des victoires à venir.
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