Accueil > Critiques > 2012

Shearwater - Animal Joy

mercredi 15 février 2012, par marc

Plaisir animal


Certains sont sans doute persuadés que quelque part, le concept de ‘critique objective’ est pertinent. Autant vous le dire tout de suite, je pense que c’est une contradiction pure. Par contre, la critique sincère est possible. Expliquer ce qu’on n’aime et ce qu’on aime moins et le motiver, sans penser qu’on est la norme et la jauge universelle de toute chose, c’est encore atteignable. Pour certains groupes cependant, il y a ce moment où la connivence est trop forte, où les émotions ont été trop puissantes et trop nombreuses pour que le recul soit compliqué. On fait quoi, dès lors ? On reconnait tout de suite sa subjectivité et on essaie de répandre sa bonne parole. Vous aurez compris que cet article échappera à toute tentative d’objectivité distanciée.

Mon attachement à Shearwater s’est fait progressivement, mais a subi un fameux coup d’accélérateur avec le magnifique Rook. Depuis, ils trônent très très haut dans mes préférences, et je n’ai presque pas raté d’occasion d’aller les voir en concert (plus que 43 fois dormir). C’est d’ailleurs un live qui était leur dernière production, clôturant ce qu’ils ont considéré comme une trilogie (Palo Santo et The Golden Archipelago en plus du chef d’œuvre susmentionné). Ils avaient d’ailleurs fait connaitre leur volonté de passer à autre chose, sans préciser comment, et s’en sont allés signer chez Sub Pop.

L’évolution est visible, mais ils nous mettent à l’aise en quelques secondes. Le premier morceau est dans le cœur de ce qu’on aime chez eux. Un arpège (occasionnellement dissonant d’ailleurs), une mélodie qui s’envole, une montée en puissance assez irrésistible, il y a tout ça sur Animal Life. Pourtant, on entend poindre au loin une guitare qui vrombit. On la retrouvera plus loin, avec des claviers qu’on n’aurait pas nécessairement attendus de leur part. (Pushing The River et Star Of The Age). La signature chez le label se Seattle m’a été rappelée par une évocation d’un autre groupe signé là-bas, Wolf Parade, dont on retrouve l’intensité fiévreuse du premier album le temps du plus rentre-dedans Immaculate. Le tempo est d’ailleurs plus élevé, et leur allant rend un Breaking The Yearlings tout à fait convaincant.

C’est simplement une coloration particulière à l’album qui est proposée ici, pas une vraie révolution. Animal Life ne sera surprenant que pour ceux qui auraient raté tous les épisodes depuis Winged Life ou Palo Alto, mais le glissement s’est opéré avec subtilité, et ils ont aussi mis de côté certains aspects, comme les tendances légèrement prog de l’album précédent, ou les déboulés épiques de Rook.

Un point commun cependant, ces morceaux se structurent toujours autour de la voix de Jonathan Meiburg. Impeccable dans la subtilité et la prise d’intensité, relevant Insolence à elle seule. On retrouve aussi quelques similitudes avec des morceaux plus anciens You As You Were rappelant 74-75. Et puis, au contraire de groupes appliquant une recette infaillible pour livrer des albums constants (Boxers de The National ou The Courage Of Others de Midlake), ils alternent toujours des morceaux hénaurmes et d’autres plus rangés mais jamais anodins.

Un virage rock, ce n’est pas ce qu’on attendait de Shearwater, groupe cher à nos cœurs s’il en est. Mais, on s’en rend compte très vite, cet album ira rejoindre les autres dans les hautes rotations. Parce que la bande de Meiburg a su évoluer sans renier ce qui nous avait plu. C’est une vision un peu égocentrique, mais le rapport entre l’artiste et l’auditeur n’est-il pas éminemment personnel ? On connait peu de groupes qui enchainent sans faiblir des albums magnifiques. C’est sans doute parce que je pense ça qu’ils sont un de mes groupes préférés, et il faut lire cette critique sous cet angle.

http://shearwatermusic.com/

    Article Ecrit par marc

Répondre à cet article

11 Messages

  • Shearwater - Animal Joy 15 février 2012 21:54, par Mathusalem

    Ha ?... Toi aussi tu comptes les dodos ?

    repondre message

  • Shearwater - Animal Joy 16 février 2012 09:58, par allow

    mais non Marc, tu n’es pas si subjectif... sinon, t’aurais mis 5 comètes !
    Ecoutant cet Animal joy depuis une paire de jours, je pense que je lui aurais bien mis ces 5 comètes... maintenant, c’est peut être plus "immédiat" que d’habitude et du coup je me demande (un tout petit peu !) si ça va tenir sur la durée ?
    Et donc plus que 42 fois dormir... j’y serai aussi bien sûr !

    repondre message

  • Shearwater - Animal Joy 16 février 2012 12:33, par Guismo

    Ah ben on y sera en masse à ce concert alors !!

    Ceci dit, ca va être dur d’égaler le concert qu’ils ont donné à l’Archiduc et où ils ont déroulé Rook.

    Allez ma petite vidéo du concert de 2010 à la rotonde pour se donner (encore plus) envie : http://www.youtube.com/watch?v=WF346QfOwzE

    Quant à ce Animal Joy, il me tarde d’autant plus de l’écouter. Merci pour cette chro ;-)

    repondre message

    • Shearwater - Animal Joy 16 février 2012 17:38, par Marc

      Hé bé, ce n’est plus un concert, c’est carrément une convention !

      Tu as vu Rook à l’Archiduc ? Je ne t’aime paaas.

      Tiens, je me rends compte avec effarement que les photos de la Rotonde en 2010 ne sont plus en ligne, contrairement à l’article. Les photos de 2008 sont par contre, comme l’article d’époque

      repondre message

      • Shearwater - Animal Joy 17 février 2012 12:24, par Guismo

        Oui, par contre je ne vais reconnaitre aucuns d’entre vous....

        Mmarsu je n’ai jamais pu l’identifier malgré les quelques concerts qu’on a fait ensemble et le fait qu’il soit photographe.

        repondre message

  • Shearwater - Animal Joy 17 février 2012 16:08, par tofque

    Dingue...
    Je tombe sur cette critique à l’instant même ou je découvre l’album :)
    Expliquez-moi comment ce groupe est-il si peu connu, et ne joue "que" à la Rotonde ?
    Et bien c’est pour notre plus grand plaisir...
    Je pense aussi qu’il sera dur de s’identifier, donc d’avance un bon concert !

    PS : sinon, aucun rapport, mais j’étais à l’orangerie la semaine dernière pour voir The Maccabees, et je trouve leur dernier album vraiment incroyable...

    repondre message

    • Shearwater - Animal Joy 20 février 2012 18:51, par Marc

      Pourquoi Shearwater n’est-il pas plus connu ? J’avoue ne pas avoir de réponse définitive. Pitchfork en parle dans le début de sa critique. J’avais cru à l’époque que faire quelques premières parties de Coldplay leur donnerait plus de notoriété. En fait, non. Et on a déjà abordé le sujet dans les commentaires de The Suburbs. La conséquence heureuse étant comme tu le dis de pouvoir les écouter dans des salles humaines et chaleureuses...

      Je dois bien avouer que je ne connais les Maccabees que de nom...

      repondre message

      • Shearwater - Animal Joy 21 février 2012 13:34, par tofque

        Peut-être trop mélancolique ? Une voix difficilement pénétrable ?
        Dans tout les cas, merci pour cette excellente critique (et toutes les autres aussi d’ailleurs...).
        Pour les Maccabees, tu as probablement des millers d’albums à écouter, mais je te le conseille fortement :)

        repondre message

  • Shearwater - Animal Joy 19 février 2012 20:30, par didier

    J’avoue aussi que c’est impeccable au niveau de la subtilité et que la critique est fondé.

     
     
    C’est cool d’avoir mis le lien du site internet pour y aller faire un tour.

    repondre message

  • Sufjan Stevens – Javelin

    Chez Sufjan Stevens, il y a les choses qu’on admire et celles qu’on adore et ce ne sont pas nécessairement les mêmes. Et si chez les fans de la première heure le meilleur était au début, c’est sans doute son fantastique Carrie and Lowell qui a été le plus acclamé et est considéré comme la ‘base’ de son style. Parce que Sufjan, c’est bien plus large que ça, entre albums hénaurmes et risqués, ambient pas (...)

  • Taughtme - Laugh On Me

    L’album enregistré en Islande semble être un passage obligé pour bien des musiciens. A l’instar de compatriotes comme John Grant ou Low Roar (le regretté Ryan Karazija), Blake Aaron Henderson a suivi les conseils de son ami harpiste Úlfur Hansson et est allé enregistrer son cinquième album sur la fameuse île.
    Et comme presque tout ce qui émane de ces terres d’exception, il en ressort une délicatesse (...)

  • Rufus Wainwright – Folkocracy

    S’il n’est pas immédiatement associé à une scène folk historique, le pédigrée de Rufus Wainwright ne laisse pas de doute. Il est le fils de Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle (chanteurs folk proches de la scène de Laurel Canyon) après tout et tant qu’à rester en famille ses sœurs Lucy et Martha sont là, sa tante Anna McGarrigle aussi. Mais ce n’est pas vraiment un album familial pour autant, il y a (...)

  • Clara Engel – Sanguinaria

    Oui, Clara Engel nous revient déjà. Mais c’est surtout parce qu’il nous avait fallu du temps pour faire le tour de Their Invisible Hands. On connait maintenant l’univers de l’artiste canadienne et on se sent tout de suite chez nous. Eloge de la lenteur, du recueillement, il pousse à la contemplation et à reprendre le contrôle du temps. Donc il faut aussi la bonne disposition. Tout comme on n’entre pas (...)