mercredi 25 avril 2012, par
Allié du temps
Les artistes qu’on apprécie spécialement ne se prêtent pas toujours à l’exercice critique détaché qu’on prône par ailleurs. N’importe, on ne doit pas manquer une occasion de relater ce qui nous relie à eux. De plus, il faut toujours un certain temps pour que les morceaux infusent, et leur acceptation varie avec le temps. Il faut donc se résoudre à n’en faire qu’un état à un moment donné, en toute subjectivité. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’un album de Dominique A se mérite, mais il faut souvent un nombre d’écoutes important pour que le charme opère. J’en suis maintenant arrivé au stade de l’appropriation, à ce moment magique et inévitable où la connivence s’est établie, où on place un album de plus à la longue liste de ceux qu’on aime, où même les incongruités sont assimilées. Alors tant pis pour les contingences de l’actualité, c’est maintenant que je me sens prêt. Ce serait donc un bon moment pour un concert tiens (ça tombe bien, c’est dans deux semaines).
Quoi de plus propice à la mise en perspective d’un album que la sortie récente de son catalogue ? Dominique A sait construire une discographie, un ensemble varié et cohérent, sans qu’on ait jamais envie d’éprouver la moindre nostalgie. Parce que ces albums rejoignent naturellement la tellement rare catégorie de ceux vers lesquels on revient, encore et encore. Il sait que le temps joue pour lui, comme un Dorian Gray à l’envers. Une fois qu’on a trouvé une porte d’entrée, c’est un donjon dont on ne sort pas, dont on n’a aucune envie de sortir.
Chaque morceau a son intérêt, sa personnalité propre. Cette qualité rare est une des raisons de cette cote très large. Un excellent album est un album où les morceaux moins marquants sont très bons. Évidemment, dès la première écoute on repère facilement le souffle intact de Rendez-Nous La Lumière, qui ressemble à un exercice imposé, à une facette de son talent qu’on a retrouvé par exemple sur le Hasta Que El Cuerpo Aquante du précédentLa Musique. Les paroles plus concernées que d’habitude, posent un constat plus citoyen que militant. On perçoit aussi assez vite la puissance de Parfois J’entends Des Cris, mais il faudra peut-être plus de temps pour que d’autres morceaux percolent, comme le lancinant La Possession, où les délires des accompagnants viennent tuer dans l’œuf le risque de monotonie, ou encore Le Convoi qui s’étire sur près de 10 minutes pour terminer dans l’intensité.
Parfois même, la puissance semble presque fortuite. Ostinato, par exemple, explose notamment grâce à quelques fulgurance d’un texte un peu cryptique (Pour fuir les cris de verre/Et les éclats d’enfants) volontiers plus prosaïque, et moins de répétition que son titre laisserait suggérer. Et puis, oui, il y a la tradition de la chanson à la deuxième personne, on ne se refait pas. En l’occurrence, il s’agit d’un frère dont la vie dérape, raconté sur un ton plus terre-à-terre qui rappelle peut-être Le Bowling. Musicalement en tout cas, c’est lumineux
Qui aurait pu deviner sur La Fossette qu’on tiendrait une des belles voix de la chanson française ? Ou plutôt, chanson en français, musique francophone. On ne retrouve aucune trace de glorieux anciens, aucune trace d’âge d’or supposé. Au contraire, on compte beaucoup d’émules comme Joseph d’Anvers qui trouvera sans doute un bel attrait à Close Ouest, transposition réussie des mythes de l’ouest américain à la réalité française. Une tentative d’universalisme à base d’observations de proximité. Et il enchaine sur un morceau plus lent qui magnifie à la fois sa voix et la justesse de l’arrangement. A ce propos, la collaboration avec un ensemble peut évoquer l’exercice récent de Shara Worden sur le dernier My Brightest Diamond. On imaginait bien l’un peu cruel Parce Que Tu Etais Là sans ces arrangements. Ces morceaux passent remarquablement la rampe de l’acoustique (il y a quelques liens à glaner sur son site), ce qui prouve leur solidité de composition.
Dominique A est un artiste. C’est tellement une évidence, un lieu commun qu’on se sent bête de le répéter. Pourtant, il vient une fois de plus de démontrer à quel point il maitrise son sujet, sortant un album fantastique dans la foulée de la réédition de tous ses albums, court-circuitant toute velléité de nostalgie, démontrant avec un album ayant une couleur propre que le meilleur, c’est ici et maintenant.
Si on ne craignait pas autant les poncifs, on parlerait de ‘belle proposition de chanson française’ pour le sextette emmené par Roxane Terramorsi et Nicolas Gardel. Et on serait un peu convenus, certes, mais aussi dans le vrai. Parce que ce qu’on entend sur ce premier album, on ne l’a entendu comme ça chez personne d’autre.
Ou alors pas en francophonie (il y a des morceaux en anglais ici (…)
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La réponse cingle après quelques secondes, avec la (…)
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