mercredi 26 septembre 2012, par
Seconde épure
S’il avait fallu de très fins limiers pour débusquer The XX au milieu de 2009, c’est une attente assez importante qui précédait le second album des toujours jeunes The XX. La raison est ce LP sans titre qui avait lancé cette lame de fond minimale, cette vague de chaleur qui se communique pour cette fausse musique glaciale.
Il y a ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas. Pas la peine d’écrire des centaines de critiques pour accoucher d’une sentence pareille, mais il faut bien dire qu’on est souvent désarmés face à son propre enthousiasme. Surtout quand celui-ci repose sur un ou plusieurs paradoxes.
Tout d’abord, il serait tentant de dire qu’ils n’ont pris aucun risque en répétant le premier album. On ne peut pas donner complétement tort à cette assertion, tant la continuité est flagrante. Pourtant, avec cette nudité, ils prennent des risques, s’exposent. Les voix lasses pourraient apparaitre comme posées, comme le pendage de tronche des mannequins est artificiel. Mais la musique qui sous-tend ces morceaux apporte un intéressant contrepoint. Un roulement de batterie peut suffire à relever Angels qui s’offre même le luxe de presque s’arrêter par moments. Ils n’ont vraiment pas peur de la vrille, du manque de vitesse qui cause la perte par absence de portance. Ils se sentent en lévitation, en apesanteur. Tout en gardant les pieds dans la gadoue, parce qu’on ne rigole pas forcément à l’écoute de The XX.
Ensuite, ils arrivent à susciter (chez moi du moins) plus d’émotions que bien des groupes qui multiplient les appels du pied. Ils sont nombreux ceux qui puisent leurs sons dans les années ’80 mais force est de constater que l’emprunt peut se révéler plus vulgaire qu’émouvant. Il leur en faut tellement peu pour faire monter la sauce que je n’arrive pas à expliquer pourquoi Fiction fonctionne. De plus, on a connu tellement de jeunes groupes avides de montrer au monde qu’après un premier album à succès ils pouvaient écrire de ‘vraies’ chansons classiques qui se sont trop tôt éteints (la liste est trop longue et douloureuse) que prolonger cet état de grâce n’est pas une mauvaise idée.
Ma seule réticence a été cette pensée que c’est mon état d’esprit du moment qui apprécie, pas une sorte d’impression de qualité immanente. Cette étrange appréhension est naturellement presque entièrement oblitérée parce que cette perception positive ne s’est jamais démentie au cours des écoutes.
On n’a plus rien entendu d’aussi épuré depuis le Transference de Spoon, et ils semblent volontairement tuer dans l’œuf toute velléité de clinquant. On devine qu’un remixeur zélé pourrait faire de Sunset un morceau dance racoleur, et on les sent presque forcés de faire repartir Tides sur un mince filet de guitare. Ils ont fait le choix de la discrétion, et les éléments n’en prennent que plus de relief, comme la pulsation de Reunion ou la guitare de Chaines. On dirait parfois que ce C’est un album scientifiquement fait pour ne pas être enthousiasmant, même s’il témoigne d’une grande confiance comme on l’a dit. Avec pour conséquence qu’on peut appréhender selon le contexte cette musique comme une gueule de bois, comme une fin de soirée, comme un lever de soleil sur un festival enfin endormi. Comme si Foals s’était éteint sur le gros beat de Swept Away, comme si The Rapture s’était bourré de calmants.
Les romantiques avaient au début du XIXème siècle lancé la mode du fragment, considérant qu’un jet peut être aussi intéressant qu’une œuvre littéraire polie et re-polie. Dans le même ordre d’idées, on a parfois l’impression que The XX nous soumet des épures, des ébauches de morceaux à venir. Vérification faite, ce n’est qu’une idée, parce qu’on ne voit pas ce qu’on pourrait ajouter à ces morceaux sans les dénaturer. Continuant le sillon de leur excellent premier album, ils se sont remis à l’ouvrage sans précipitation, sans essayer de faire déborder leurs morceaux précieux de leurs délicats carcans. Cette musique entre en résonnance. C’est un constat, ne comptez pas sur moi pour expliquer.
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